L'UE et la Russie après le conflit ossète : relation de confiance ou partenariat a minima ?

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Par Laure Delcour, Directrice de recherches à l'IRIS, pour RIA Novosti

Par Laure Delcour, Directrice de recherches à l'IRIS, pour RIA Novosti

Alors qu'après des mois d'impasse, l'Union européenne et la Fédération de Russie avaient au début de l'été ouvert des négociations pour un nouvel accord de partenariat, leur relation se trouve de nouveau à la croisée des chemins après la guerre en Ossétie du sud. Les conditions de règlement du conflit seront en effet déterminantes pour l'avenir du partenariat russo-européen. Deux facteurs compteront plus particulièrement pour donner à celui-ci une nouvelle impulsion, ou au contraire pour freiner son développement : la capacité de l'Union européenne à maintenir durablement une position commune face à la Russie et la capacité russe à accepter des compromis et à les mettre en oeuvre.

Le conflit ossète marque un tournant dans la politique de l'Union européenne dans l'ex-URSS, pour deux raisons. Tout d'abord, en faisant office de médiateur entre la Russie et la Géorgie dans la conclusion d'un cessez-le-feu, en déployant d'intenses efforts diplomatiques pour que cet accord soit respecté, l'Union européenne est intervenue activement dans le conflit caucasien. Certes, elle faisait figure de seul médiateur possible, les Etats-Unis étant disqualifiés en raison de leurs relations tendues avec Moscou et de leur appui inconditionnel à la Géorgie de Mikhaïl Saakachvili. Il n'en reste pas moins que l'Union a su se montrer réactive et, par la voix de la présidence française, promouvoir une position équilibrée qui a renforcé sa crédibilité auprès des deux parties. Bien qu'il ne faille pas surestimer son influence dans l'arrêt des combats, qui s'explique d'abord par le bon vouloir d'une Russie en position de force, l'Union européenne a démontré qu'elle était désormais présente dans une région où elle pesait peu il y a encore quelques années. De plus, la présidence française est parvenue lors du Conseil européen extraordinaire du 1er septembre à dégager une position commune sur la question des relations avec Moscou, facteur traditionnel de divergences entre les Etats membres. Cette position s'articule autour de plusieurs éléments : la réaffirmation de l'intégrité territoriale géorgienne et la condamnation sans équivoque de la reconnaissance par la Russie de l'indépendance abkhaze et sud-ossète ; la décision, prise au Conseil des ministres des Affaires étrangères à Avignon, d'envoyer des observateurs sur le terrain, dans le cadre de la Politique Etrangère de Sécurité et de Défense ; le maintien d'un dialogue avec Moscou subordonné au retrait russe des positions occupées après le 8 août ; enfin, le renforcement de la relation avec la Géorgie, par l'octroi d'une assistance à la reconstruction, la perspective d'une zone de libre-échange et celle d'une facilitation du régime de visas. L'Union européenne a donc réussi à définir une position claire et ferme à l'égard de Moscou, tout en refusant jusqu'à présent le recours à des sanctions prôné par certains Etats membres et déjà employé par les Etats-Unis.

C'est désormais à la Russie qu'il échoit de donner un contenu au dialogue futur avec l'Europe. En annonçant le 8 septembre, au terme de négociations avec la troïka européenne, le démantèlement de ses check-points sur le territoire géorgien, en s'engageant à retirer ses troupes de Géorgie (hors Ossétie du sud et Abkhazie) sous un mois, en acceptant le déploiement d'une mission de 200 observateurs européens avant le 1er octobre, la Russie a fait des concessions. Celles-ci ne résolvent pas le désaccord de fond avec l'UE sur la question de l'intégrité territoriale géorgienne, qui doit faire l'objet de discussions internationales à Genève au mois d'octobre. Toutefois, la fixation, lors de la rencontre russo-européenne du 8 septembre, d'échéances précises pour le retrait russe de Géorgie place la balle dans le camp de Moscou. La Russie ne peut plus jouer sur le temps ou sur des différences d'interprétations, comme elle l'a fait pour le plan de cessez-le-feu. C'est donc à l'aune du respect des engagements pris et des échéances négociées le 8 septembre qu'elle sera jugée.

Si la Russie tient ses engagements, les négociations pour le nouvel accord de partenariat, suspendues le 1er septembre par décision du Conseil européen extraordinaire, pourraient reprendre rapidement. Il sera pourtant difficile de rétablir un climat de confiance entre les deux parties. Côté russe, le ton employé à l'égard de l'Union européenne par les autorités ou dans les médias oscille entre ironie, doutes sur la cohérence européenne et reconnaissance de l'UE comme partenaire de Moscou. Même si une distinction d'avec les Etats-Unis ou l'OTAN est clairement opérée, l'Union européenne pourrait pâtir d'un nouveau durcissement de la rhétorique anti-occidentale en Russie. Celui-ci ne manquerait pas d'être exploité par les Etats membres les plus critiques à l'égard de Moscou, qui exigeraient alors de l'Union l'abandon d'une position jusqu'ici modérée en faveur d'actions plus radicales. Si elle n'est pas à exclure, une telle spirale serait nocive aux deux parties: compte tenu de l'interdépendance étroite entre la Russie et l'Union, un partenariat est incontournable. Mais l'éventail est large entre un partenariat déclaratif et un partenariat réel, entre un accord a minima portant essentiellement sur les questions commerciales et un accord promouvant des avancées dans les quatre espaces communs des relations russo-européennes. La réalisation d'un véritable partenariat stratégique est un travail de longue haleine, qui suppose à la fois le maintien d'une position européenne unie et équilibrée, et de la part de la Russie une moindre crispation sur ses intérêts à court terme.

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