Géorgie: une capitulation inavouée?

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Par Bessik Pipia, RIA Novosti (Tbilissi)
Par Bessik Pipia, RIA Novosti (Tbilissi)

En moins d'un mois, le président français Nicolas Sarkozy s'est rendu pour la deuxième fois sur les rives de la Koura en qualité de président de l'UE. Sa dernière visite, de même que celle du 13 août, a duré quatre heures. Le chef de l'Etat français a été accueilli à l'aéroport par le premier ministre géorgien Lado Gourguenidze, la ministre des Affaires étrangères Eka Tkechelachvili et la garde d'honneur arborant des fusils dans le canon desquels avaient été placés de petits drapeaux géorgiens.

La rencontre qui s'est déroulée dans la résidence présidentielle d'Avlabari a été suivie d'une conférence de presse commune réunissant Nicolas Sarkozy, Mikhaïl Saakachvili et le président de la Commission européenne José Manuel Barroso. Le président français a notamment expliqué l'essence de l'accord signé la veille à Moscou avec le président russe Dmitri Medvedev.

Les négociations entre Sarkozy et Medvedev ont d'ailleurs été si difficiles que le premier a même menacé de les quitter, a fait savoir l'agence Reuters se référant à l'entourage du président français. En l'absence du chef du Kremlin, des divergences ont surgi sur le point de l'accord traitant du retour des forces russes aux positions qu'elles occupaient avant le conflit. Nicolas Sarkozy se serait levé et aurait annoncé qu'il partait. Les négociations auraient ensuite repris leur cours normal après l'intervention de Dmitri Medvedev.

Des politiques et analystes géorgiens ont commenté, à la demande de RIA Novosti, la visite de Nicolas Sarkozy à Moscou et à Tbilissi.

Irakli Menagarichvili, directeur du Centre d'études stratégiques, ex-ministre géorgien des Affaires étrangères: "Cette visite est très importante, elle donne l'espoir que le processus de stabilisation de la situation en Géorgie puisse enfin bouger du point mort. D'abord, la Russie avait insisté sur des détails insignifiants en vue de justifier son refus de respecter le point 6 de l'accord. Ses militaires avaient commencé à s'installer pour longtemps sur le territoire de la Géorgie, à en juger par les travaux d'aménagement effectués dans les fameuses "zones tampons". J'espère que ce processus sera inversé, si des circonstances "imprévues" n'apparaissent pas de nouveau".

Gueorgui Khoutsichvili, directeur du Centre international pour les confits et les négociations: "Nicolas Sarkozy a obtenu des résultats concrets: les délais et conditions du retrait des troupes sont déterminés et, c'est là l'essentiel, l'opération de paix s'internationalise, il n'y aura pas de zones tampons, par contre, il y aura au moins 200 observateurs internationaux le long des frontières des zones de conflit. C'est un facteur de stabilité. En Russie, comme on le sait, les décisions sont prises à différents niveaux. Les généraux, les "faucons", etc. sont intéressés à ce que la tension se maintienne le plus longtemps possible, afin que de nouveaux événements imprévus permettent ensuite à la Russie d'affirmer que sa présence militaire en Géorgie est nécessaire. Il faut mettre en place un mécanisme de surveillance très sévère, et une sérieuse présence internationale. J'estime que les observateurs doivent se trouver non seulement en dehors des zones de conflit, mais aussi à l'intérieur de ces zones, afin que la situation y soit également contrôlée".

Kakha Koukava, un des leaders du Parti conservateur de Géorgie:

"Je suis reconnaissant à Nicolas Sarkozy pour le début du retrait de Géorgie des forces d'occupation. Hier, toute la Géorgie a appris que des négociations étaient en cours entre Moscou et Tbilissi. Ici, personne ne savait que Mikhaïl Saakachvili avait envoyé des documents à Moscou, avec de nouveaux engagements et de nouvelles initiatives. Tout le paysage politique de la Géorgie exigera que les autorités fournissent des éclaircissements à la société géorgienne sur les négociations secrètes menées par Tbilissi et Moscou sur l'avenir de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud".

Guiïa Khoukhachvili, politologue, spécialiste des questions économiques:

"Alors que le pays se trouve en chute libre, cette visite est très importante pour arrêter cette chute. Nous devons être reconnaissants à l'UE pour cela. En ce qui concerne les résultats eux-mêmes, j'estime que le document finalement adopté témoigne d'une véritable victoire tactique de la Russie, c'est pourquoi je ne comprends pas du tout l'état d'esprit des autorités, qui prétendent que la Géorgie a réussi à obtenir quelque chose. Je n'y vois qu'une capitulation totale de la Géorgie face aux conditions russes. Le document adopté ne souffle mot du sort ultérieur de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, alors que la Russie a déjà reconnu leur indépendance. En ce qui concerne les observateurs, ils se trouveront en dehors de ces enclaves, dans une zone tampon, par conséquent, de nouvelles frontières sont déjà tracées et elles sont bien protégées tant par la Russie que par la communauté internationale".

En outre, le secrétaire du Conseil de sécurité géorgien Alexandre Lomaïa a annoncé aux représentants des médias qu'un sommet de leaders européens intitulé "Sommet politique des amis de la Géorgie" se tiendrait en octobre à Tbilissi. Lors de ce sommet, il sera question du soutien économique et politique à apporter à la Géorgie. Les chefs de quelques dizaines d'Etats se rassembleront pour l'occasion. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont déjà accepté d'y participer, et l'on s'attend à l'arrivée très probable de George W. Bush.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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