Revue de la presse russe du 15 septembre

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MOSCOU, RIA Novosti

Vedomosti

Poutine retient de moins en moins son langage

La rencontre entre le chef du gouvernement russe Vladimir Poutine et les membres du club de discussion de Valdaï a confirmé qu'un changement qualitatif avait eu lieu dans le comportement du premier ministre, lit-on lundi dans le quotidien Vedomosti.

Alors qu'il était président, Poutine ne gratifiait pas aussi souvent son auditoire d'expressions cinglantes telles que "buter jusque dans les chiottes" ou d'autres encore à propos de la circoncision. Et quand il le faisait, il avait la délicatesse de se limiter à une ou deux sorties de ce genre par intervention. A présent, elles semblent littéralement "faire gonfler" le leader national en cherchant à sortir au dehors. Il faut croire que, jusque-là, il se retenait, et cherchait des phrases plus convenables, d'où ce fameux "euh", qui coupait parfois un discours lisse, et ce rythme d'élocution quelque peu ralenti.

En passant au gouvernement, Poutine est devenu sensiblement plus cassant: il semble que sa manière même de parler ait changé. Il y a aujourd'hui plus de tournures cinglantes, et le ton est ouvertement sévère. Peut-être s'est-il mis à parler exactement comme il pense?

La discussion avec les "valdaïstes" a carrément établi un record en matière d'expressions à vocation proverbiale: "morves de sang", "petit canif", "lance-pierre" et même "arrêtez de pinailler". Et peut-être beaucoup d'autres choses de ce genre ont-elles encore été dites, la majorité de la rencontre s'étant déroulée à huis-clos.

On a l'impression que Poutine, en laissant le Kremlin à Medvedev, a cessé de se retenir. En tant que président, il représentait la nation, et devait évidemment faire attention à toutes les règles du discours. Mais le poste de premier ministre est une fonction pratique, on lui demande en fait un travail réel, et non des mots. Et quand on s'occupe de choses concrètes, on n'a pas le temps pour le politiquement correct.

Dans ce nouveau rôle, il se sent très à l'aise en tant que leader national, et les "valdaïstes" ont bien remarqué tout cela. Il semble même qu'il voie d'un oeil nouveau le sens de son leadership. Il n'est plus aujourd'hui celui qui représente les intérêts des Russes, mais leur véritable père, qui sait gronder quand quelqu'un se comporte mal, et se montrer avide et prendre leur défense, si le vieil ennemi devient insolent. C'est probablement pour cette raison qu'il est, comme l'a établi le Centre Levada, deux fois plus populaire que le président Medvedev.

Nezavissimaïa gazeta

Moscou-Washington: établir des règles de conduite en cas de conflits avec des pays tiers

L'Occident essaie d'examiner la situation autour de l'Ossétie du Sud non pas de façon rationnelle et raisonnable, mais en se fondant sur des jugements émotionnels, lit-on lundi dans le quotidien Nezavissimaïa gazeta.

On tente de s'en tenir, lors des entretiens avec des représentants russes, à des faits soupçonnés, et non pas fondés sur des faits, d'où les fausses évaluations.

Cependant, une seule question importe pour le monde. Washington avait-il vraiment l'intention de se servir de la Géorgie pour sonder la solidité des positions militaires de la Russie dans le Caucase, la détermination militaire et politique de ses dirigeants et l'efficacité du processus de prise de décisions en Russie en matière de politique militaire? Une réponse positive à cette question pourrait être un argument décisif dans l'évaluation de la probabilité de préparatifs militaires réels des Etats-Unis en prévision d'une confrontation avec la Russie.

A en juger par le contenu et le ton des déclarations des dirigeants russes, l'avis selon lequel les Etats-Unis ne se rendent pas compte du "prix de la confrontation" commence à prédominer à Moscou. En analysant les déclarations des hommes politiques américains, on en arrive à la conclusion que Washington a été choqué par la sévérité de la position de Moscou. Effectivement, la Russie n'avait jamais agi aussi résolument depuis 25 ans, car durant tout ce temps il n'y a pas eu de guerres à proximité de ses frontières.

A la fin des années 60 - début des années 70, tenant compte de l'expérience des rapports bilatéraux, de la fin de la guerre au Vietnam et de l'opposition soviéto-chinoise, l'URSS et les Etats-Unis conclurent quelques accords visant à empêcher le déclenchement accidentel d'une guerre entre eux, y compris nucléaire. Leur sens consistait à exclure la confrontation entre les deux puissances à la suite d'actions de pays tiers, notamment provocatrices. Après la désintégration de l'URSS, les Etats-Unis avaient persuadé la Russie que ces accords étaient devenus vides de sens, car ils avaient "cessé de refléter les nouvelles réalités".

Je suis certain que c'était un jugement erroné. Moscou et Washington doivent entrer en consultations en vue d'élaborer des règles de comportement formelles ou informelles, mais obligatoirement efficaces, en cas de conflits avec des pays tiers. A en juger par les tendances de ces dix dernières années, la probabilité et le risque de ce genre de conflits s'accroîtront, et toucheront les intérêts de la sécurité des frontières russes.

L'ordre mondial bipolaire avait de puissants instruments de stabilisation. De tels régulateurs n'existent pas dans le système actuel des relations internationales. Il faut mettre fin aux disputes stériles et créer d'urgence ces régulateurs, en utilisant, s'il le faut, des éléments de l'expérience passée.

Auteur: Alexeï Bogatourov, vice-directeur de l'Institut des problèmes de la sécurité internationale de l'Académie russe des sciences.

SmartMoney

La Russie a-t-elle vraiment besoin d'une guerre froide économique?

Après avoir essuyé un soufflet militaire et politique en Géorgie, l'Amérique et l'Europe ont commencé à punir la Russie sur le plan économique, lit-on lundi dans le magazine SmartMoney.

L'argent des investisseurs étrangers fuit le pays, les banques commencent à éprouver des problèmes de liquidité, et il devient de plus en plus difficile de prendre des crédits en Occident.

L'agence de notation Standard & Poor's a publié la semaine dernière plusieurs communications officielles allant dans le même sens (il faut bien le dire, négatif): la Russie a accumulé d'importantes réserves, mais cela ne lui évitera pas de graves problèmes économiques.

D'abord, nous avons été prévenus, ainsi que les investisseurs étrangers, que, bien que le système bancaire russe se soit rétabli après la crise financière de 1998, des "récidives" sont encore possibles. Ensuite, on a rappelé que le financement extérieur était un facteur important pour le développement de l'économie russe. On nous a informés après cela des perspectives peu réjouissantes du marché alimentaire national. Enfin, une allusion ouverte a été faite au Kremlin: si vous essayez de soutenir les marchés financiers en puisant dans le Fonds pour le bien-être national, nous ne vous accorderons pas de crédits.

L'achat par l'Etat d'actions privées en vue de faire remonter leurs cotations est effectivement une mesure étrange, qui risque de provoquer un accroissement de la corruption, sinon un renoncement au marché en tant que tel. Mais, en l'occurrence, il convient de rappeler le contexte dans lequel a été faite cette remarque soi-disant judicieuse. Le gouvernement a été placé devant un choix difficile: ou bien laisser le marché des valeurs continuer à tomber, ou bien se heurter aux problèmes du fameux financement extérieur.

Nous ne pouvons demander le retour de l'argent étranger, même le président ne peut le faire. On est obligé d'inventer une nouvelle réponse asymétrique (comme pendant la guerre froide). Nous nous sommes déjà entendus avec l'OPEP sur la coordination des actions sur le marché mondial du pétrole. Depuis quand n'avez-vous pas connu de hausse des prix de l'essence? Depuis quand n'ont-elles pas provoqué un accroissement du prix de revient des produits et une réduction de la rentabilité des entreprises? Peut-être vaudrait-il mieux ne pas nous intimider avec des problèmes de financement extérieur?

Il est peut-être agréable de brandir les armes économiques, peut-être tout autant que les armes ordinaires, mais le fait est que toute réponse asymétrique comporte un défaut: vous restez tout de même incapables de donner une réponse symétrique. Cela peut arriver dans le cas du pétrole: l'Occident pourra en réduire considérablement la consommation, et nous aurons toujours besoin de ses crédits. L'intention de faire de Moscou un centre financier mondial peut être saluée en ce sens: ce serait une réponse symétrique. Mais elle est bien trop chère.

Kommersant

Conflit en Géorgie: l'hypothèse gazière ne tient pas

La guerre dans le Caucase ne doit pas être interprétée comme une tentative russe de torpiller les efforts de l'Europe en matière d'établissement d'itinéraires alternatifs pour les importations d'hydrocarbures, lit-on lundi dans le quotidien Kommersant.

L'opposition entre les projets russes Nord Stream et South Stream, qui contourneraient l'Ukraine et la Biélorussie, et le projet de gazoduc européen Nabucco, orienté vers le transport du gaz de la région de la mer Caspienne, ainsi que, à long terme, du Proche-Orient, semble pour plusieurs raisons tirée par les cheveux.

L'essentiel est que la quantité de gaz que Gazprom peut diriger vers l'Europe diminue irrévocablement, le géant gazier serait par conséquent incapable de couvrir les volumes projetés par le Nabucco. Selon les statistiques de Gazprom, le potentiel d'extraction dans les gisements actuels, qui sont déjà considérablement entamés, devrait se réduire de 601,9 milliards de m3 en 2010, jusqu'à 412,2 milliards en 2015 et 191,6 en 2020. La réalisation des plans en matière d'extraction nécessite la mise en exploitation de nouveaux gisements avec une capacité minimale de 215-300 milliards de m3 par an d'ici à 2015 et de 780-880 milliards d'ici à 2030. Cela est complètement impossible compte tenu du volume actuel du financement. Malgré les déclarations du président de Gazprom Alexeï Miller qui affirme que sa compagnie occupera un tiers du marché européen du gaz de consommation en 2020, le chef du bureau russe du groupe allemand E.ON Rainer Hartmann estime que la part du géant russe ne dépassera pas 22%, contre 26% actuellement.

Les projets de Gazprom n'augmenteront pas la quantité d'hydrocarbures en Europe, mais ne feront que réorganiser ses flux, en obligeant l'Ukraine et un certain nombre d'autres pays à acheter du gaz aux filiales de Gazprom en Allemagne, en Autriche et dans d'autres pays.

Il n'est pas logique non plus de supposer que la campagne militaire dans le Caucase a eu pour but de saboter les livraisons de gaz de l'Asie centrale vers l'Europe. L'Azerbaïdjan est actuellement incapable d'exporter plus de 6-8 milliards de m3 par an, alors qu'il en faut au moins 30 milliards pour que le Nabucco soit rentable. Quant au Turkménistan, avant de devenir partenaire du Nabucco il doit d'abord signer un accord avec l'Azerbaïdjan sur les frontières maritimes, commencer à exploiter des gisements à l'ouest du pays (ou construire près de 1.000 kilomètres de conduites supplémentaires depuis l'est) et renoncer aux livraisons de gaz vers la Chine. Ces conditions sont encore manifestement irréalisables. En Asie centrale, les compagnies gazières russes se retrouvent quant à elles en concurrence avec les Chinois, et non avec les Européens, qui plus est sans succès apparent.

Dans l'ensemble, on peut reprocher aux stratèges de Gazprom (au sein de la compagnie aussi bien qu'au Kremlin) l'inefficacité de leur gestion du géant gazier, et de nombreuses erreurs en matière de planification stratégique. En tout cas, on ne peut certainement pas les accuser d'avoir créé un conflit militaire afin de lutter contre ce concurrent imaginaire qu'est pour eux le gazoduc Nabucco.

Par Mikhaïl Kroutikhine, partenaire et analyste de l'agence RusEnergy.

Ces articles sont tirés de la presse et n'ont rien à voir avec la rédaction de RIA Novosti.

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