Iran: un ultimatum à la place des sanctions?

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Par Piotr Gontcharov, pour RIA Novosti
Par Piotr Gontcharov, pour RIA Novosti

La nouvelle résolution, "sans sanctions", du Conseil de sécurité de l'ONU concernant l'Iran a provoqué à Téhéran une colère encore plus grande que toutes les autres résolutions précédentes réunies, qui prévoyaient pourtant, elles, des sanctions. Et cela, malgré le fait que cette résolution, à la différence des précédentes, ait été adoptée à l'unanimité. Si la représentation permanente de la République Islamique auprès de l'ONU qualifie dans sa déclaration cette résolution de "déplacée et non constructive", le président du parlement iranien, Ali Larijani, a été extrêmement franc: "La position de l'AIEA vis-à-vis de l'Iran et le comportement perfide des "Six" réduisent le rôle du processus de négociations et, concernant ce divertissement politique (les négociations), il faudra prendre d'autres décisions." Pourtant, cette nouvelle résolution, la 1835e, est appelée précisément, selon ses principaux auteurs, à "donner un nouveau souffle" au processus de négociations, interrompu en son temps par la partie iranienne.

Ali Larijani n'est pas un débutant en matière de nucléaire iranien. L'ancien secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale de la République Islamique et ancien responsable des pourparlers, il connaît tout, mieux que quiconque, de l'histoire du "processus des négociations" de l'Iran avec la "grande troïka européenne" (France, Allemagne, Royaume-Uni).

En quoi Téhéran a-t-il pu être contrarié par cette nouvelle résolution, pourtant dénuée de ces sanctions contre lesquelles l'Iran s'est toujours catégoriquement prononcé, et qui vise à poursuivre les négociations? Peut-être est-ce parce que cette résolution du Conseil de sécurité de l'ONU appelle l'Iran à appliquer "pleinement et sans retard" toutes les dispositions des résolutions concernant son programme nucléaire, ainsi que les injonctions du Conseil des gouverneurs de l'AIEA?

C'est très probable. Cet "appel pacifique" s'apparente, dans son esprit, à un ultimatum: "appliquer pleinement et sans retard". Et, c'est là l'essentiel, il réduit on ne peut plus la marge de manoeuvre de l'Iran. Téhéran, à proprement parler, ne peut désormais plus rien revendiquer. Sinon remettre en question la légitimité de toutes les résolutions précédentes, lui intimant d'arrêter l'enrichissement de l'uranium comme condition de la reprise des négociations? Ou bien la compétence des inspecteurs de l'AIEA, qui exigent de l'Iran qu'il présente des documents complémentaires et signe le Protocole additionnel leur donnant la possibilité de procéder à des inspections inopinées de ses sites nucléaires? Mais une telle position lui serait à l'évidence néfaste et ne trouverait pas de soutien au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, quels que soient les arguments que Téhéran pourrait faire valoir en sa faveur.

Il existe un autre élément très intéressant. Cet "appel pacifique", en fait, réduit aussi sensiblement la marge de manoeuvre de la Russie, qui a toujours trouvé des raisons de supprimer les sanctions contre l'Iran, tout du moins de les atténuer sensiblement. Bien que ce projet de résolution ait été proposé globalement par les "Six" (Russie, Etats-Unis, Chine, France, Allemagne, Royaume-Uni), il n'en demeure pas moins que la Russie y a joué un rôle particulier.

La délégation russe à l'Assemblée générale, on le sait, s'est prononcée contre une rencontre des "Six", au cours de laquelle il était prévu de discuter de l'introduction de nouvelles sanctions contre l'Iran. Et cela, au moment où, pour de nombreux observateurs, les travaux nucléaires iraniens étaient l'un des principaux thèmes de la 63e session de l'Assemblée générale de l'ONU. Moscou a alors expliqué très simplement sa décision: il n'est pas nécessaire de se rencontrer rapidement, la situation pouvant être réglée par la voie diplomatique. Mais désormais la Russie se retrouve dans la position du pays à l'initiative duquel le projet de résolution 1835, "sans sanctions" a été soumis au Conseil de sécurité de l'ONU. En d'autres termes, la Russie a également pour mission d'être la garante de l'application de ce texte.

La résolution ne prévoit effectivement pas de nouvelles sanctions contre l'Iran. Mais, d'un autre côté, il ne fait aucun doute que Téhéran va ignorer cette résolution. Il l'a du reste déjà fait savoir. Par conséquent, une fois que se sera écoulé le délai octroyé par le Conseil de sécurité de l'ONU à l'Iran pour réfléchir à "l'ultimatum mou" qui lui est imposé, Téhéran, comme toujours, n'aura pas modifié d'un iota sa position concernant l'enrichissement de l'uranium. Que restera-t-il alors à faire au groupe des "Six" en coopération avec le Conseil de sécurité de l'ONU? Adopter une nouvelle résolution, appelant l'Iran à exécuter les demandes précédentes?

Non, bien sûr. Les prochaines initiatives des "Six", à l'exception, peut-être, de la Russie, sont assez prévisibles. Selon le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, quelques semaines avant l'Assemblée générale de l'ONU, les partenaires de la Russie au sein des "Six" s'étaient prononcés pour l'adoption, lors de "la semaine ministérielle de l'Assemblée générale", d'une nouvelle résolution sur l'Iran assortie de "sanctions très dures". Dures au point d'ouvrir la voie à un blocus économique.

C'est la raison pour laquelle il est fort probable que, d'ici un certain temps, les "Six" reviennent à leur projet initial consistant à adopter une résolution comportant "des sanctions très dures et conduisant au blocus économique de l'Iran". Et la Russie ne pourra alors plus rien opposer à ce projet, compte tenu de son argumentation limitée, qui diminue comme peau de chagrin avec chaque nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.

Moscou ne pourra pas compter sur l'aide de l'Iran. Téhéran a déjà sévèrement fait connaître sa position et n'est pas loin de condamner la Russie, concrètement, pour son initiative. Comme l'a déclaré Kazem Jalali, le porte-parole de la commission du parlement iranien chargée de la sécurité nationale et de la politique extérieure, la participation de la Russie dans l'approbation de cette résolution est une initiative destructrice, susceptible de provoquer "une certaine réaction" (comprendre: une réaction anti-russe) au sein de la société iranienne.

L'intervention du Président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a été encore plus inattendue. Lors d'une conférence de presse à New York, Ahmadinejad a une nouvelle fois évoqué le problème des livraisons de combustible nucléaire à Téhéran. L'Iran, a-t-il annoncé, pourra à nouveau "compter sur les pays" qui ont promis de lui livrer du combustible pour ses sites nucléaires en construction. D'où la nécessité pour Téhéran de créer son propre système de centrifugeuses - alors même que c'est autour de la création de ce système que tourne l'ensemble de la problématique iranienne, et avec elle toutes les résolutions de l'ONU, etc.

Un autre point, enfin, non dépourvu d'intérêt. En quel fournisseur de combustible nucléaire Téhéran n'a-t-il pas confiance, sachant que la Russie est aujourd'hui son seul fournisseur?

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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