Le "testament politique" d'Ehud Olmert

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Par Andreï Mourtazine, pour RIA Novosti
Par Andreï Mourtazine, pour RIA Novosti

Les dernières déclarations du Premier ministre démissionnaire Ehud Olmert ont eu l'effet d'une bombe pour de nombreux Israéliens et suscité une joie prudente dans le camp arabe. Dans une interview accordée au journal israélien Yedioth Ahronoth à l'occasion de Roch Hachana, le Nouvel an juif, le chef du gouvernement israélien s'est exprimé en ces termes: "Je dis ce qu'aucun dirigeant israélien n'avait dit auparavant: nous devrions nous retirer de presque tous les territoires, y compris de Jérusalem-Est et des hauteurs du Golan."

Ces propos ne sont sensationnels qu'au premier abord. Seul quelqu'un d'incompétent, très éloigné des réalités du Proche-Orient, peut croire que les Israéliens se retireront rapidement du plateau du Golan, abandonneront toutes leurs colonies en Cisjordanie ou "libéreront" Jérusalem-Est pour le laisser aux Arabes. Il faudrait plus d'une décennie pour pouvoir concrétiser ne serait-ce que le tiers de ces déclarations.

Au début des années 90, déjà, le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin aujourd'hui décédé évoqua le retrait éventuel du plateau du Golan, conquis par Israël durant la guerre de 1967. Cette idée lui coûta la vie: le 4 novembre 1995, il fut assassiné à Tel-Aviv par Yigal Amir, un étudiant juif israélien qui expliqua son geste par "la défense du peuple d'Israël contre les accords d'Oslo". En 1993, au cours des négociations qui se déroulaient à Oslo, Yitzhak Rabin avait reconnu l'OLP (Organisation de libération de la Palestine), dont le leader Yasser Arafat avait lui aussi reconnu officiellement Israël. La conclusion des accords d'Oslo déboucha sur la création de l'Autorité palestinienne, à laquelle Israël remit une partie du territoire de la bande de Gaza et de la Cisjordanie. Ces accords furent reçus de façon mitigée par l'opinion israélienne. Les uns virent en Rabin un héros désireux de faire la paix, d'autres en firent un traître donnant aux Palestiniens des terres qu'ils estimaient appartenir à Israël.

Ehud Barak, autre homme politique aujourd'hui en parfaite santé, envisagea à la fin des années 90 la possibilité de rendre Jérusalem-Est aux Arabes. Mais l'insurrection armée des Palestiniens, la deuxième Intifada lancée en 1999, réduisit à néant tous les efforts de paix et le "faucon" Ariel Sharon ne tarda pas à remplacer la "colombe" Ehud Barak au poste de Premier ministre.

Pour la société israélienne, la question de Jérusalem-Est est bien plus sensible que la bande de Gaza, qu'Ariel Sharon remit en totalité aux Palestiniens il y a trois ans, ou que la Cisjordanie, aujourd'hui placée sous l'autorité de Mahmoud Abbas et, partiellement, d'Israël. Jérusalem-Est et le plateau syrien du Golan furent occupés par Israël en 1967, suite à la Guerre des Six jours, et Israël proclama leur annexion en 1980. Par conséquent, du point de vue de la législation locale, ces territoires ne sont pas occupés mais sont partie intégrante de l'Etat hébreu. Or le Conseil de sécurité de l'ONU n'a pas reconnu l'acte d'annexion (les Etats-Unis se sont abstenus lors du vote) et, selon le plan onusien de partage de la Palestine, Jérusalem devrait devenir un territoire au statut international et n'être la capitale d'aucun Etat. Les Israéliens parlent aujourd'hui de Jérusalem comme de leur "capitale une et indivisible", tandis que les Arabes palestiniens ont l'intention de faire de Jérusalem-Est, à population majoritairement arabe, la future capitale de leur Etat.

La situation n'est pas meilleure en ce qui concerne le plateau du Golan. Les "colombes" de la politique israélienne - le défunt Premier ministre Yitzhak Rabin puis son successeur Shimon Peres - admettaient il y déjà douze ans la possibilité de le rendre à la Syrie. A cette époque, Israël chiffrait à 17 milliards de dollars le montant des compensations jugées indispensables pour assurer le transfert des Israéliens installés sur les hauteurs du Golan. L'administration Clinton était prête à payer. Mais cette somme est aujourd'hui insuffisante, de l'avis des Israéliens.

La principale ressource du Golan, ce n'est pas la terre mais l'eau et, plus précisément, les eaux du lac de Tibériade (Kenneret en hébreu). La guerre de 1967 a fait perdre à Damas un territoire mais aussi l'accès à l'eau. Mais cette question est bien plus actuelle pour Israël, étant donné son territoire, que pour la Syrie. On ignore encore le montant des compensations qu'Israël pourrait exiger des Etats-Unis. De plus, même si Tel-Aviv accepte de faire la paix avec la Syrie, il réclamera aux médiateurs internationaux, à Washington en premier lieu, des garanties de sécurité pour sa frontière septentrionale, autrement dit, il exigera d'être tranquille au Sud Liban. Il est peu probable que la Syrie offre de telles garanties à Israël. Il faudrait les exiger de l'Iran qui finance généreusement et ouvertement le Hezbollah, mouvement chiite libanais.

Mais, même si l'incroyable devenait réalité, si les Syriens et les Israéliens prenaient place à la table des négociations et entamaient un dialogue direct, sans intermédiaires, la paix ne s'imposerait pas rapidement, pour une toute une série de raisons.

Premièrement, ni les Etats-Unis, ni la France, ni la Turquie, ni aucun des médiateurs internationaux connus aujourd'hui n'est en mesure de payer aux Syriens, aux Palestiniens et aux Israéliens la totalité de ce qu'ils exigent en échange de la paix.

Deuxièmement, aucun Premier ministre israélien ne peut résoudre les problèmes de la guerre et de la paix de façon autonome, sans l'accord de la Knesset. Or, obtenir ne serait-ce qu'une majorité simple au parlement israélien est quasiment impossible pour l'actuel chef de file du parti Kadima, Tzipi Livni, qui tente de rassembler une coalition parlementaire et qui n'est même pas encore Premier ministre. Seuls des hommes très charismatiques comme Ariel Sharon ou Yitzhak Rabin ont été en mesure de convaincre la Knesset qu'ils avaient raison. Une telle personnalité fait pour l'instant défaut sur l'Olympe politique israélien.

Troisièmement, l'absence d'unité et la guerre civile dans les rangs palestiniens qui, de fait, oppose le Fatah au Hamas. L'un comme l'autre revendique Jérusalem-Est comme capitale du futur Etat palestinien.

Quatrièmement, la méfiance et le refus de vivre en paix les uns avec les autres, présents chez la plupart des Israéliens et de nombreux Arabes.

Les "mais" sont bien trop nombreux. Si bien que le "testament politique" du Premier ministre sortant Ehud Olmert devrait manifestement rester encore longtemps un chiffon de papier.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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