World Policy Conference à Evian: comment rendre le monde plus stable?

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Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti
Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti

Ce n'est pas le président Nicolas Sarkozy qui en est à l'origine (bien que le nouveau forum international de grande envergure ait débuté lundi sur son territoire - à Evian - et sous son patronage manifeste), mais Thierry de Montbrial, directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI), connu en Russie grâce à sa participation au club Valdaï. Cet homme a accompli une démarche historique en créant un "second Davos", mais un "Davos politique" cette fois-ci, à l'instar de Klaus Schwab qui avait fondé le premier.

L'allusion à Davos est évidente. La conférence annuelle de janvier porte le nom de Forum économique mondial (ou World Economic Forum, en anglais), et celle qui se tient actuellement, de World Policy Conference. Mais de Montbrial semble vouloir développer quelque chose de plus prestigieux et de plus efficace que le forum de Davos, à présent, la question est de savoir s'il y parviendra ou non.

Ce nouvel événement s'est organisé rapidement et avec éclat. Un profane pourrait penser qu'il suffit à Thierry de Montbrial de remuer son petit doigt pour qu'une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernement se rassemblent en un clin d'oeil dans cette ville thermale, accompagnés des meilleurs esprits de la science politique globale. Mais de pareilles choses sont impossibles. Le forum se préparait depuis des mois, mais aujourd'hui il s'avère qu'il est aussi utile que l'air.

Donc, lundi, les leaders de l'Estonie, du Kenya, de l'Arabie Saoudite, du Sénégal, de la Croatie, de la Serbie, de la Mongolie et du Luxembourg se sont rassemblés à Evian. Il y avait également le directeur général de l'OMC et le secrétaire général de l'OTAN. Cette liste n'a pas été dressée par hasard, de même que les thèmes "régionaux" des tables rondes et des discussions. L'Afrique noire, le Japon, l'Inde sont toutes des régions dont l'avenir suscite de nombreuses interrogations, alors que le destin du reste du monde en dépend.

A côté des leaders politiques, ont été invités d'autres intervenants, à savoir de vrais leaders intellectuels de la science politique mondiale, ses poids lourds. On trouve parmi eux beaucoup d'anciens ministres (la Russie est représentée par Igor Ivanov) ainsi que de simples chercheurs mais dont on sait que leurs conclusions s'avèreront marquantes (il s'agit par exemple de l'Indonésien Jusuf Wanandi, l'analyste le plus influent de l'Asie du Sud-Est).

Le duo Dmitri Medvedev - Nicolas Sarkozy devrait clôturer la conférence mercredi.

Le forum de Davos rassemble des intellectuels du monde des affaires et les leaders de la pensée économique, afin de procéder à des discussions avec les leaders économiques de différents pays et organisations. Les idées formulées tous les ans au mois de janvier dans cette station de ski suisse "fonctionnent" par la suite à l'échelle globale pendant toute l'année. Le seul meeting analogue aujourd'hui est le forum annuel de l'APEC, dont l'événement central est également la conférence des dirigeants des plus grands groupes des pays de l'Asie-Pacifique, une réunion très sérieuse et normalement fermée aux étrangers.

Mais l'APEC est une structure régionale et, elle aussi, purement économique. Jusqu'ici, il n'existait pas de forum politique analogue à celui de Davos, à l'exception peut-être d'une semaine en septembre qui réunit, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, les chefs d'Etat et leurs ministres des Affaires étrangères. Or, leurs interminables et ennuyantes palabres officielles ne servent qu'à "remettre les pendules à l'heure" une fois par an. Les interventions, qui amusent tout le monde, des présidents iranien ou vénézuélien ne contiennent elles non plus rien de nouveau.

Une telle situation était tolérable hier, mais pas aujourd'hui. Le monde est, sans aucun doute, au seuil de changements très radicaux, ce qui nécessite des idées radicales qui doivent être examinées au plus haut niveau. Les changements ne doivent pas intervenir par eux-mêmes, ni tomber sur la tête des peuples tel un tsunami. Au XXIe siècle, on aurait au moins pu apprendre à gérer les changements. Cependant, on constate que les relations internationales se trouvent dans un état étrange et incontrôlable. On est également face à un manque de "grands" esprits: la démocratie élective ne promeut pas de personnes vraiment extraordinaires aux postes dirigeants, mais le plus souvent des fonctionnaires prudents qui évitent d'irriter l'électeur. C'est ainsi, du moins, que les choses se font en Europe ou aux Etats-Unis. Il ne s'agit là que d'un des problèmes mondiaux qu'il faudrait résoudre.

Dans quel état notre monde se trouve-t-il? Où va-t-il? Que faut-il faire pour l'améliorer? Voilà trois questions qui marqueront le forum d'Evian, et la conférence devrait y trouver des réponses.

Les économistes n'arrivent pas, eux, à donner une réponse claire. Pour l'instant, on ne prend que des mesures urgentes censées rétablir la viabilité du secteur financier. Mais après? "Le socialisme", comme l'affirme Sarkozy? Il faudra probablement attendre encore longtemps pour avoir une réponse à cette question.

La situation est encore pire dans la politique internationale. La période de la guerre froide réveille aujourd'hui une tendre nostalgie. L'équilibre de la peur, un système bipolaire de maintien de la sécurité, cela ne plaisait à personne mais un tel système était efficace. Si l'URSS et les Etats-Unis s'entendaient sur quelque chose, cette entente était alors respectée. Par la suite, les Etats-Unis ont essayé de créer un "monde américain", mais se sont écroulés dans un grand fracas, et la crise financière ne fut que le dernier maillon de la chaîne. Il faut y ajouter l'influence croissante des nouvelles puissances (la Chine, l'Inde et d'autres, qui ne sont cependant pas encore capables d'assumer le rôle de leaders mondiaux, qu'ils rejettent énergiquement de surcroît) mais également l'échec total des tentatives de l'Europe et des Etats-Unis pour transformer la Russie en une sorte de Bosnie (c'est-à-dire de protectorat et de candidat à l'adhésion à la grande famille des peuples européens), ainsi que le monde musulman et l'Afrique, qui ajoutent une part d'instabilité dans le monde.

Est-il possible de rendre ce monde chaotique et dangereux quelque peu contrôlable? C'est précisément ce dont on parle aujourd'hui à Evian.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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