Accord Russie-UE: un "Helsinki-2" serait le bienvenu

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Par Fedor Loukianov, RIA Novosti
Par Fedor Loukianov, RIA Novosti

Lors de leur sommet tenu fin juin, la Russie et l'UE, après de longs atermoiements, ont finalement annoncé le lancement des négociations sur le nouveau document de base qui remplacerait l'actuel Accord de partenariat et de coopération (APC). Mais les événements d'août dernier au Caucase du Sud ont beaucoup influencé l'atmosphère de la politique européenne, et le dialogue a à nouveau été remis en question.

Même si les problèmes techniques et psychologiques liés à l'état actuel des relations entre Moscou et les capitales européennes peuvent être surmontés, aucun progrès n'est à prévoir dans ces négociations.

Le problème principal réside dans le fait que les deux parties n'ont pas d'objectif commun, et ne se rendent même pas bien compte de ce qu'elles souhaitent obtenir l'une de l'autre.

Le modèle qui fut mis à la base de l'APC en vigueur prévoyait "l'européisation" de la Russie, en fait, un rapprochement unilatéral de la Russie des schémas européens, au moyen de l'adoption progressive des normes et des règles de l'UE. Cet objectif était tout à fait net et partagé par les deux parties dans la première moitié des années 1990, mais pour différentes raisons, il n'est plus d'actualité.

Dans le contexte d'une Russie renforcée, l'idée "d'harmoniser les législations" ne fonctionne plus, alors que Bruxelles ne reconnaît aucun autre format de relations avec ses proches voisins et partenaires. La Russie espère coopérer sur un pied d'égalité, c'est-à-dire, procéder à un rapprochement réciproque, bien qu'elle n'ait pas une idée claire de la nature de celui-ci. Par nature, l'Union européenne ne prévoit quant à elle aucune adaptation par rapport à des partenaires extérieurs.

L'Union européenne n'est pas une association monolithe, mais la somme d'une immense quantité d'intérêts différents. Leur équilibre est maintenu par le biais d'interminables concessions réciproques. La politique extérieure est le domaine qui pose le plus de problèmes, un domaine dans lequel il est presque impossible de s'entendre sur quoi que ce soit et encore moins d'adopter des décisions claires sur les questions internationales de principe. Après la guerre russo-géorgienne d'août dernier, l'UE, comme le rapportent avec fierté les représentants européens, ne s'est pas scindée et a formulé une position unique. C'est vrai, surtout si l'on se souvient du cas précédent de convocation d'une réunion extraordinaire de l'Union, à l'occasion de la guerre irakienne de 2003. L'organisation s'était alors radicalement divisée. Cette fois-ci, les Européens ont réussi à éviter une rupture publique. Mais ceci est dû en premier lieu au fait qu'il a été décidé d'ajourner la prise de décision. S'il avait été réellement question de réviser la politique à l'égard de la Russie, la situation aurait été tout à fait différente.

Selon certains experts russes intéressés par une intégration sur un pied d'égalité et vraiment profonde entre la Russie et l'UE, ce n'est pas le moment aujourd'hui de se pencher sur des documents stratégiques à long terme. La Russie comme l'Union européenne constituent des objets en pleine évolution. La Russie traverse toujours la difficile période d'établissement de son identité nationale. L'Union européenne, de son côté, traverse une crise conceptuelle liée à la contradiction entre la volonté d'approfondir l'intégration et celle d'élargir l'organisation.

Le monde environnant exerce une influence considérable, le plus souvent déstabilisante, sur tous ces processus. Les changements fondamentaux dans la répartition des forces, les conséquences négatives de l'incapacité des Etats-Unis à devenir un leader mondial efficace, le déclin de la structure institutionnelle des relations internationales, tout ceci lance un défi aussi bien à la Russie qu'à l'Union européenne.

Les événements de ces derniers mois ont été un témoignage éclatant du fait que la politique européenne représente un phénomène achevé. Il est impossible de séparer la coopération économique des questions de sécurité. La proposition du président russe, Dmitri Medvedev, concernant le lancement d'un large dialogue international sur la sécurité euro-atlantique n'a pas encore rencontré de réaction positive en Occident. Or, il est tout à fait juste de poser la question de cette façon.

Cependant, les racines de toutes les institutions destinées à s'en occuper remontent à l'époque de la guerre froide. Celles-ci avaient en fait été créées pour une réalité tout à fait différente. Une fois cette guerre achevée, on s'est consacré à l'extension de l'influence des institutions ayant "remporté" la guerre froide, c'est-à-dire occidentales, au lieu d'en créer de nouvelles, qui auraient pu servir de fondement pour le "nouvel ordre mondial". Les résultats sont aujourd'hui évidents: ces structures n'arrivent pas à assurer leur fonction de régulation dans une réalité nouvelle, qu'il s'agisse de prendre des décisions politiques globales, de sécurité ou d'économie.

Aussi l'idée d'un "Helsinki-2" avancée par Moscou apparaît-t-elle comme opportune. L'Europe a besoin d'un nouvel accord de base portant sur le système des relations qui, tout comme l'Acte final [de la Conférence d'Helsinki] de 1975, comporterait plusieurs "corbeilles", allant des garanties politiques et militaires et de la question des frontières (qui est à nouveau d'actualité, comme on a pu s'en convaincre) aux conditions économiques et principes de la coopération humanitaire.

Le problème des relations entre la Russie et l'UE, qui doivent être règlementées par un nouvel accord de base, se présentera sous un nouveau jour vu dans un contexte européen plus large. D'ici quelques décennies, la Russie et l'Union européenne seront condamnées à coopérer étroitement, en tout cas si elles souhaitent continuer de jouer un rôle important au XXIe siècle. Mais pour élaborer le modèle de cette coopération, de nouvelles approches intellectuelles sont en premier lieu nécessaires; il importe également d'abandonner une multitude de stéréotypes hérités du siècle dernier. L'aspiration des bureaucrates à afficher le succès des négociations et à signer un nouveau document "historique" sans pour autant se rendre vraiment compte de son objectif est incapable de nous rapprocher de notre but commun.

(Fedor Loukianov est rédacteur en chef du magazine Russia in Global Affairs.)

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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