Pékin et Moscou en guerre contre le billet vert?

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Par Anatoli Gorev, pour RIA Novosti
Par Anatoli Gorev, pour RIA Novosti

Le volet monétaire de la rencontre qui a eu lieu au début de la semaine entre le chef du gouvernement russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Wen Jiabao s'est avéré presque sensationnel. Le premier ministre chinois a déclaré que la Russie et la Chine pourraient lutter contre la crise financière mondiale en conjuguant leurs efforts. Vladimir Poutine a invité, pour sa part, à renoncer au dollar dans les transactions commerciales entre les deux pays.

Cette idée ne date pas d'hier. Un accord "cadre" à ce sujet était déjà intervenu entre la Russie et la Chine fin novembre 2007. La Chine et la Biélorussie avaient convenu à peu près en même temps d'un possible renoncement au billet vert dans les paiements réciproques. Au premier semestre de cette année, ce fut au tour du président iranien Mahmoud Ahmadinejad et de son homologue vénézuélien Hugo Chavez de partir en guerre contre le dollar, en invitant leurs partenaires au sein du cartel pétrolier à renoncer à la monnaie américaine dans le commerce du pétrole, affirmant que le billet vert était en bout de course et que l'heure était venue de songer à une monnaie plus stable et prévisible.

Mais n'oublions pas que les déclarations de Vladimir Poutine, à la différence des appels d'Ahmadinejad et de Chavez, ont retenti à un moment où le dollar progresse et "fait pression" sur l'euro. Qui plus est, les économistes estiment qu'il s'agit non pas d'un renforcement temporaire du dollar, mais d'un changement de tendance radical sur les marchés monétaires mondiaux. Les analystes affirment qu'en quelques mois le dollar va récupérer ce qu'il avait perdu en quelques années de baisse. Par conséquent, pour l'instant, on ne voit à l'horizon aucun facteur capable de mettre un coup d'arrêt à son appréciation constante.

Néanmoins, Vladimir Poutine invite à renoncer au dollar en tant qu'instrument de paiement lors de la conclusion de transactions commerciales avec la Chine. De quoi s'agit-il: d'une méfiance par rapport à l'avenir du dollar, ou bien d'une démarche politique?

Les avis des experts divergent. Igor Nikolaïev, directeur du département d'analyse stratégique de FBK (PKF), se déclare sceptique: "A mon avis, les propos tenus par le chef du gouvernement russe relèvent plutôt de la politique que de l'économie. Une idée répandue aujourd'hui dit que les Etats-Unis sont la source de tous les maux, c'est pourquoi il faut renoncer au dollar". Mais il ne faut pas oublier que le dollar devra être remplacé par une autre monnaie: il est peu probable que la Chine accepte le rouble en tant que moyen de paiement, et que la Russie fasse de même avec le yuan. "Il ne reste que l'euro... Mais son avenir est peu clair, surtout à la lumière des événements actuels sur le marché financier mondial. Une autre chose reste incertaine: la Chine acceptera-t-elle l'euro, alors qu'une partie considérable de ses réserves internationales sont libellées en dollars?", souligne l'expert. Bref, pour l'instant, il y a plus de questions que de réponses, résume Igor Nikolaïev.

Pour être juste, il convient de souligner que tous les analystes ne partagent pas ce scepticisme. Andreï Marintchenko, directeur général de la compagnie Kalita-Finance, estime que le renoncement au dollar dans les paiements entre les compagnies chinoises et russes est bien réaliste. Bien plus, d'après lui, le rouble a aujourd'hui de bonnes chances de devenir une monnaie de réserve, ne serait-ce que parce que les Chinois sont définitivement déçus du dollar et ne se sont pas encore habitués à l'euro.

Qui a raison sur ce point: seul l'avenir nous le dira. On comprend également que le renoncement au dollar dans les paiements réciproques entre la Russie et la Chine est une mesure trop importante pour être prise uniquement sur la base de considérations politiques. Supposons que cela ait été fait. A quoi les Russes devraient-ils s'attendre dans ce cas, comment cette nouvelle réalité financière et politique pourrait-elle se répercuter sur leurs revenus et leurs épargnes?

De la meilleure des manières, estime Andreï Marintchenko. De l'avis du spécialiste, si le rouble est accepté en qualité de monnaie de paiement, sa demande s'accroîtra considérablement de la part des compagnies chinoises, et même des particuliers chinois. Par conséquent, les positions de la monnaie nationale russe se renforceront, de même que son prestige dans le monde.

Il convient d'ajouter à cela qu'il y aura en Russie moins de bouleversements liés aux chutes du marché des valeurs, et moins de craintes en matière de dévaluation ou de réévaluation, parce que le dollar qui a acquis ces dernières années une réputation de monnaie très instable jouera un rôle bien plus modeste.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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