L'Armistice de 1918 comme prémisse de la Seconde Guerre mondiale

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Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti
Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti

Comme presque toutes les guerres, la Première Guerre mondiale s'acheva, il y a juste 90 ans, par la conclusion d'une paix. Cette paix fut la première tentative de l'Histoire pour établir un système de gestion vraiment global qui empêcherait la répétition d'une guerre globale. L'objectif du président américain Woodrow Wilson, promoteur de cette idée, était de "rendre le monde sécurisé pour la démocratie". C'est lui qui inventa la Ligue des nations, censée "mettre fin à toutes les guerres".

Cette tentative échoua. Est-il important aujourd'hui de se rappeler pourquoi cela se produisit et comment on aurait pu éviter une répétition de ces erreurs? Certes, c'est extrêmement important.

C'est qu'à l'heure actuelle, les principales puissances mondiales font précisément ce qu'elles ont fait après 1918. Elles sont en train de créer un nouveau système global de gestion des relations internationales. Il est clair que les années qui ont suivi l'année 1991 étaient du temps perdu. Si à l'époque de la guerre froide, la gestion du monde était plus ou moins contrôlée (grâce à la peur ainsi qu'aux accords entre les Etats-Unis et l'URSS qui étaient respectés), aujourd'hui, il semble être complètement chaotique, et les Nations unies n'y peuvent rien. En voici seulement deux exemples. Les Américains ont formé les Talibans pour qu'ils affaiblissent l'URSS en Afghanistan. Par la suite, les Talibans ont retourné leur colère contre leurs anciens maîtres, ce qui s'est achevé par le 11 septembre 2001. Dans le même objectif, les Américains ont préparé le régime de Saakachvili en Géorgie, mais ce dernier leur a joué un sale tour en attaquant l'Ossétie du Sud les 7 et 8 août dernier. Dans les deux cas, les deux grandes puissances étaient incapables de faire quoi que ce soit pour remédier à ce genre de situation.

L'aspect financier de la réforme du système de gestion globale sera au menu de la rencontre des leaders des vingt plus grandes économies, qui aura lieu cette semaine à Washington. Ensuite, l'été prochain, au cours de son sommet en Italie, le G8 sera sans doute élargi en admettant plusieurs puissances clés, sans lesquelles il est aujourd'hui impossible de gérer le monde: la Chine, l'Inde, le Brésil et d'autres. Une sorte de "politburo universel" sera alors formé, ce qui permettra au G8 de récupérer son influence et son importance. Mais le processus ne s'arrêtera pas là.

Il s'agit, semble-t-il, de la réforme du système qui s'est formé après la Seconde Guerre mondiale et qui n'a pas marché après 1991. Mais qu'est-ce que cela a à voir avec la Première Guerre mondiale, pourrait-on demander. D'habitude, en exposant les amères leçons de l'époque d'après-guerre, on dit qu'il n'aurait pas fallu traiter l'Allemagne vaincue comme on l'a fait en 1918. L'humiliation de la nation eut pour conséquence l'arrivée au pouvoir du régime nazi; on sait bien ce qui s'ensuivit. Cette erreur ne fut jamais reproduite.

En fait, la Seconde Guerre mondiale ne commença pas en 1939, encore moins en 1941. Et cela ne se passa pas en Europe. Le premier coup de la Seconde Guerre mondiale fut tiré le 18 septembre 1931, lorsque le Japon annonça l'annexion de la Mandchourie (Nord-Est de la Chine) et que personne ne put et ne voulut rien faire en réponse. Les Accords de Munich, qui entérinèrent les premiers "acquis" européens de l'Allemagne, eurent ainsi un prélude asiatique. Mais si le document de Munich était dirigé de fait contre l'URSS, l'annexion de la Mandchourie, elle, visait la Chine, qui était alors juste en train de se rétablir après le chaos de la révolution de 1912.

Le Japon était un allié de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. L'alliance britanno-japonaise de 1902 fut conclue par Londres afin d'affaiblir la Russie. Les meilleurs navires japonais furent construits par les Britanniques, qui formèrent également les officiers nippons. La Russie finit par perdre la guerre de 1904-1905.

Les Japonais, qui s'engagèrent dans la Première Guerre mondiale en vue de s'emparer des colonies allemandes dans le Pacifique (les îles Mariannes, les Marshall et les Carolines), devinrent des "actionnaires" importants de la "transnationale mondiale" après 1918.

Comment était le monde à cette époque? La marine allemande, qui s'était rendue aux Britanniques, fut sabordée dans la baie de Scapa Flow, en Ecosse, en 1919. Les Allemands prirent eux-mêmes cette décision après avoir appris que leur pays, selon la volonté des vainqueurs, serait privé de sa flotte.

Conformément au Traité de Washington de 1922, le monde fut partagé entre trois superpuissances. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis étaient autorisés à avoir cinq navires de ligne chacun, et le Japon avait le droit d'en posséder trois, mais ces navires ne devaient pas avoir un tirant d'eau dépassant 38.000 tonnes. L'URSS ne participait pas (et ne pouvait pas participer) à cet équilibre stratégique, de même que la Chine, qui était alors constituée de plusieurs "principautés féodales" isolées. Les autres Etats ne pouvaient pas à l'époque se permettre d'avoir les équivalents d'alors des ogives nucléaires contemporaines. Le monde était alors plus petit et plus simple, il était composé d'empires coloniaux.

Ensuite, les surprises arrivèrent. Premièrement, les Japonais jugèrent que trois navires de ligne ne leur suffisaient pas et qu'on les avait offensés. En 1929, le premier ministre Tanaka rédigea un mémorandum qui expliquait que pour conquérir la Chine, il faudrait d'abord conquérir la Mandchourie et la Mongolie. Pour conquérir le monde, il fallait d'abord s'emparer de la Chine. Disposant de toutes les ressources de la Chine, le Japon devrait passer à la conquête de l'Inde, de l'Archipel, de l'Asie mineure, de l'Asie centrale et même de l'Europe.

Les Britanniques rigolaient, en disant que le pire commencerait lorsque les pousse-pousse blindés seraient engagés dans le combat. Entre-temps, les Japonais construisaient des porte-avions, dont le nombre n'était réglementé par aucun document. Ils en avaient déjà 10 en 1930 (les Etats-Unis en possédaient 6 et la Grande-Bretagne 4). L'idée de lancer un avion contre un navire appartient aux Britanniques. L'auteur de la tactique utilisée à Pearl Harbour (qui se traduisit par la destruction en 1941 de la flotte de guerre américaine du Pacifique par des chasseurs japonais partis depuis des porte-avions) est l'amiral britannique Beatty, qui l'exposa en 1912. L'aviation navale japonaise fut également formée par les Britanniques.

La Chine unie et forte, sous les ordres de Tchang Kaï-chek (à partir de 1929), étonna Washington et Londres. Nombreux étaient ceux qui nourrissaient l'idée de monter les deux grandes nations asiatiques l'une contre l'autre. C'est là qu'il faut chercher la clé de tout ce qui se passa en Asie; il en était de même avec Hitler en Europe.

La seule conséquence des occupations de villes chinoises par les Japonais furent des notes diplomatiques sévères se référant à la Ligue des nations. Mais les Nippons se sont retirés de la Ligue des nations en 1933, ainsi que du Traité de Washington, en 1934. C'est alors que la Grande-Bretagne se mit à construire à Singapour son unique base navale asiatique, mais cela ne l'aida en rien. Un nouveau repartage du monde nécessitait une nouvelle guerre mondiale, qui fut finalement déclenchée.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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