Koronas-Photon étudiera le Soleil

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Par Iouri Zaitsev, conseiller titulaire de l'Académie des sciences du génie
Par Iouri Zaitsev, conseiller titulaire de l'Académie des sciences du génie

Les tests complexes de l'appareil spatial Koronas-Photon sont achevés. La Commission officielle a pris la décision, le 10 décembre, de l'acheminer jusqu'au cosmodrome de Plessetsk pour les préparatifs d'avant lancement. Selon les projets de Roskosmos (Agence spatiale russe), le tir aurait dû avoir lieu au quatrième trimestre de cette année. Mais, on y est habitué, pour achever une entreprise qui s'étale sur plusieurs années, il manque toujours quelques jours. C'est la raison pour laquelle le lancement ne pourra être réalisé qu'au début de l'année prochaine.

Koronas-Photon sera le premier satellite scientifique russe mis sur orbite depuis près de dix ans, et le troisième appareil spatial de la série Koronas (initiales russes pour Observations spatiales orbitales circumterrestres de l'activité du Soleil) du Programme russe à long terme d'étude du Soleil et des liens Soleil-Terre. Ces trois appareils sont des observatoires orientés vers le Soleil, permettant de réaliser des observations d'ensemble du Soleil dans la totalité de ses gammes de rayonnement. Cela donne la possibilité d'étudier aussi bien la structure de notre astre que son atmosphère, ainsi que la nature et les mécanismes des diverses manifestations de l'activité solaire. Par exemple, l'origine et l'accélération du vent solaire, qui exerce une influence directe sur la Terre et l'espace circumterrestre ; ou bien les mécanismes de pénétration des différents types d'énergie solaire à l'intérieur de la magnétosphère et dans l'ionosphère de la Terre.

Les aspects concrets de ces recherches consistent à mettre en évidence l'influence de l'activité du Soleil sur l'atmosphère et la biosphère de la Terre, sur l'organisme de l'homme et les structures technogènes - lignes électriques, systèmes de canalisations et de conduites, etc.

A la différence de ses prédécesseurs, Koronas-Photon est destiné à réaliser des observations du Soleil dans une gamme de rayonnements plus durs - X et gamma. L'un des principaux objectifs de cette mission est d'étudier les processus d'accumulation de l'énergie et de sa transformation en énergie de particules accélérées lors des éruptions solaires, et la corrélation entre l'activité solaire et les processus physico-chimiques dans l'atmosphère supérieure de la Terre. Les chercheurs espèrent découvrir, en particulier, comment le rayonnement solaire se modifie avec l'augmentation de l'activité de notre astre et comment ces modifications se répercutent sur les processus climatiques de notre planète. C'est important si l'on veut distinguer l'influence qu'exercent respectivement sur le climat terrestre le Soleil et l'activité de l'homme. Cela permettra de comprendre si le réchauffement global annoncé est la conséquence d'une action anthropogène ou si la cause est à rechercher dans les mécanismes de l'activité de cette étoile, la plus proche de nous.

Voilà bien des années que l'activité du Soleil se trouve à son niveau le plus élevé depuis qu'existent les observations de notre astre. On a noté dans le même temps, à l'échelle géologique, un net réchauffement climatique. Il est tout à fait possible que la pollution anthropogène de l'environnement soit pour quelque chose dans ce processus. Toutefois, de l'avis de nombreux chercheurs, le plus probable est qu'il existe un lien entre les changements climatiques globaux et le Soleil.

Nous en voulons pour exemple l'activité solaire nettement moindre constatée lors de seconde moitié du XVIIe siècle. C'est précisément à cette époque que l'on avait observé en Europe une baisse considérable des températures annuelles moyennes : on avait alors assisté à ce que l'on a appelé le "petit âge glaciaire". On estime que cela avait été lié à une diminution de l'incidence solaire sur le climat terrestre.

Le lien empirique entre l'activité de notre astre et les processus les plus divers sur notre planète a été mis en évidence il y a longtemps déjà. L'augmentation de l'intensité de ce que l'on appelle le vent solaire - ce flux de plasma de la couronne solaire, qui s'accroît brusquement avec le renforcement de l'activité solaire - provoque non seulement des aurores boréales, mais aussi des perturbations dans la magnétosphère de la Terre. Les tempêtes magnétiques, à leur tour, peuvent engendrer des pannes sur les lignes de communication et les lignes électriques, sur les systèmes de conduites de gaz et de pétrole ; elles influent directement sur la santé des gens, sur leur santé non seulement physique, mais aussi psychique.

Durant les onze années du cycle de l'activité solaire, il se produit en moyenne environ 600 tempêtes magnétiques - des oscillations du champ magnétique de la Terre dans son ensemble, qui apparaissent à la suite de la collision avec notre planète du plasma rejeté du Soleil. Ce faisant, l'atmosphère se réchauffe et s'étend : elle "gonfle", littéralement. Le résultat peut être, par exemple, que des satellites qui "volent bas" soient freinés et quittent même prématurément leur orbite. C'est la raison pour laquelle la station orbitale américaine Skylab et la station orbitale soviétique Saliout-7 se sont consumées dans l'atmosphère. Saliout-7 avait été mis en état d'hibernation, car l'on se proposait de la réutiliser au bout de quelques années en régime habité. Lors de sa chute vers la Terre, la station était devenue incontrôlable, ce qui aurait pu avoir de graves conséquences. Selon les statistiques mondiales, les dépenses consacrées à rétablir le fonctionnement des engins spatiaux ayant souffert des manifestations de l'activité solaire se montent annuellement à une centaine de millions de dollars.

L'électronique, tant spatiale que terrestre, souffre tout particulièrement de la radiation solaire. Aujourd'hui, les Terriens dépendent tellement de la radio-électronique qu'une activité solaire d'intensité élevée pourrait désorganiser le fonctionnement des systèmes vitaux à l'échelle planétaire.

Les prévisions de la "météo" spatiale sont importantes, aussi, pour les vols habités.

Selon les représentations de notre époque, on distingue trois types de radiation spatiale : les rayons cosmiques galactiques (RCG), les rayons cosmiques solaires et la ceinture de radiations de la Terre.

Les RCG se présentent sous la forme de noyaux d'éléments chimiques accélérés à une énergie élevée, parmi lesquels prédominent des noyaux d'hydrogène, d'hélium et d'autres éléments légers. De par leur capacité de pénétration, ils surpassent tous les autres types de radiations, excepté les neutrinos. Pour absorber totalement les RCG, il faudrait un écran de plomb de 15 mètres d'épaisseur. Leur intensité dépend très fortement de l'activité solaire. Le rayonnement solaire influe sur les champs magnétiques interplanétaires, lesquels, à leur tour, dispersent les particules galactiques, les empêchent de pénétrer dans les régions internes du Système solaire. Par conséquent, durant les années de maximum d'activité solaire, leur flux diminue, tandis qu'il augmente lors des années de minimum.

On estime que durant la période du vol prévu des Terriens vers Mars (2018-2026), l'activité solaire sera considérablement inférieure à ce qu'elle est actuellement, note Youri Kotov, chef du projet Koronas-Photon et directeur de l'Institut d'astrophysique de l'Institut d'ingénierie physique de Moscou (MIFI). Et c'est précisément à ce moment, souligne-t-il, que peut augmenter l'intensité du flux de protons qui créent la principale menace pour la santé et la vie des cosmonautes. Les chercheurs disposent toutefois de suffisamment de temps pour élaborer des mesures efficaces de nature à assurer la sécurité de cette mission habitée vers Mars.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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