Le marchandage russo-américain sur les Iskander et l'ABM

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Par Ilya Kramnik, RIA Novosti
Par Ilya Kramnik, RIA Novosti

Un porte-parole du ministère russe de la Défense a déclaré que la Russie n'avait pas de projets concrets de déployer des systèmes de missiles Iskander dans la région de Kaliningrad (ouest). Il ne s'agit que d'une mesure de rétorsion prévue en fonction des actions de l'autre partie. Selon le patriarche de la politique américaine Zbigniew Brzezinski, la question du déploiement du système de défense antimissile (ABM) en Pologne est à l'étude et la création de la troisième région de positionnement de défense antimissile ne dépend que "du comportement" de la Russie. Autrement dit, Moscou et Washington ont, en fait, annoncé au monde qu'ils étaient disposés à discuter de l'avenir du système de sécurité internationale en tenant compte de l'opinion de l'opposant.

Le président russe Dmitri Medvedev a annoncé officiellement en novembre dernier qu'un système de missiles Iskander pourrait être déployé en réponse à l'aménagement de la troisième région de positionnement de défense antimissile américaine. Pourtant, les spécialistes en avaient parlé bien avant cette déclaration, car d'après ses caractéristiques techniques et tactiques les missiles Iskander seraient à même de "détruire l'ABM".

La portée du missile Iskander, version destinée à l'exportation, est de 280 km. Les forces armées russes sont en train d'être équipées d'un système de missiles d'une portée de 500 km. Selon des spécialistes, Iskander peut être doté de missiles de plus grande portée, si la Russie décide de résilier le Traité sur l'élimination des missiles à portée intermédiaires et à plus courte portée datant de 1987.

Qui plus est, Iskander pêut être doté de missiles non seulement balistiques. Ce système peut lancer des missiles de croisière de grande portée : les tirs de missiles de croisière R-500 d'une portée de 500 km ont déjà été testés. Iskander peut également être doté de missiles de croisière de plus grande portée allant jusqu'à 2000 km, voire jusqu'à 3000 km, ce qui permet de neutraliser les cibles sur l'ensemble du territoire de l'Europe occidentale.

Les rampes de lancement mobiles des missiles Iskander, même en version ordinaire, installées à Kaliningrad et, éventuellement, en Biélorussie, peuvent représenter une menace d'une attaque surprise, y compris avec emploi d'ogives nucléaires, pour la majeure partie du territoire de la Pologne. Le déploiement rapide - en quelques minutes - et les caractéristiques techniques de ce missile augmentent la probabilité de la destruction des cibles, qui sont pour la plupart des rampes de lancement des missiles intercepteurs GBI basés au sol.

La déclaration sur le déploiement éventuel de cette arme dans la région de Kaliningrad s'explique très facilement : l'implantation du système de défense antimissile américain en Pologne et en République tchèque constitue une menace directe pour le potentiel nucléaire russe. Certes, 10 missiles intercepteurs GBI qu'il est prévu d'installer en Pologne à la première étape, et même 50 de ces missiles, ne pourront parer une attaque de grande envergure des Troupes de missiles stratégiques russes (RVSN) et de porte-missiles sous-marins, mais l'importance de ces missiles intercepteurs s'accroîtra incommensurablement après le premier coup nucléaire éventuel porté par les Etats-Unis à la Russie. Dans ce cas, les intercepteurs d'ABM feront face à un nombre très réduit de missiles russes restés intacts après le premier coup, ce qui permettra aux Etats-Unis de compter sur un succès et de remporter, pour la première fois après les années 50, la victoire dans une guerre nucléaire.

Compte tenu de la logique de la course aux armements, cette étape de la confrontation ne serait point la dernière, elle entraînerait de nombreuses autres "mesures et contre-mesures", dont les conséquences sont inconnues. Cependant, il est clair que le destin de la nouvelle course aux armements dépend pour beaucoup de la position de la nouvelle administration américaine : à la différence de son rival, au cours de la campagne électorale, Barack Obama ne s'est pas montré disposé au règlement violent des problèmes dans les rapports russo-américains. Par conséquent, l'avenir de la troisième région de positionnement du système de défense antimissile, de même que le déploiement des Iskander, peuvent faire l'objet d'un marchandage entre Moscou et Washington.

Les récentes déclarations des deux parties confirment cette probabilité. Il reste à attendre le résultat d'un nouveau round du grand jeu politique.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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