Afghanistan : l'Occident dans le sillage de l'ex-URSS

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Par Ilia Kramnik, RIA Novosti
Par Ilia Kramnik, RIA Novosti

Le 15 février 2009, 20 ans se sont écoulés depuis le retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan. En 1989, le monde espérait que le retrait de l'URSS de ce pays d'Asie centrale ramènerait la paix en Afghanistan. Malheureusement, cet espoir s'est avéré vain. Les Etats-Unis, soutenus par leurs alliés de l'OTAN, effectuent actuellement leur opération en Afghanistan. Le contingent international déployé dans ce pays ne cesse de s'accroître : les Etats-Unis ont déjà annoncé qu'ils avaient l'intention de doubler leurs effectifs en les portant à 52.000 hommes. Ils espèrent que cela permettrait, grâce à l'accroissement des effectifs de certains alliés, de remporter enfin la victoire décisive sur les détachements de talibans et les groupes éparpillés de combattants islamistes.

A l'époque de l'URSS, l'accroissement des effectifs du contingent limité de troupes soviétiques fut considéré comme l'un des principaux moyens de remporter la victoire : le nombre accru de soldats permettait de contrôler un grand territoire et de mieux protéger les convois de cargaisons. En principe, cette décision était juste, mais il devint toutefois clair que l'augmentation des forces à elle seule était inutile si on ne pouvait pas de porter des coups aux bases d'approvisionnement et d'entraînement de l'adversaire. Les "douchmans" ("ennemis" en dari) tués furent tout de suite remplacés par des combattants, des groupes et des bandes importantes venus du Pakistan et dotés d'armes américaines, chinoises et soviétiques (livrées par certains anciens alliés de l'URSS).

L'unique moyen de venir à bout de l'ennemi était de mener une opération militaire au Pakistan en vue d'y détruire ses bases, mais ce scénario était impossible.

Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui? A peu près la même chose. Les Etats-Unis luttent contre les groupes de combattants islamistes qui reçoivent leur approvisionnement de l'étranger - en provenance d'Iran et du Pakistan - et ils n'arrivent pas à détruire ces bases étrangères. Toute guerre sur le sol pakistanais, aussi bien que contre l'Iran, est en ce moment impossible. En fin de compte, à quoi peut-on s'attendre? Le renforcement du contingent américain en Afghanistan ne fera qu'accroître les pertes (il convient de signaler que les Etats-Unis sont réticents sur leurs pertes essuyées dans la zone du confit). En fait, ils seront placés devant le choix suivant : soit cesser l'opération soit l'élargir radicalement. L'arrêt de l'opération signifierait un échec. Après le départ des Etats-Unis, l'Afghanistan se retrouvera rapidement sous le pouvoir des talibans: même les prévisions les plus optimistes ne donnent au gouvernement de Hamid Karzaï que quelques mois d'"existence autonome".

Il est encore plus difficile de prévoir comment cela se répercuterait sur le règlement des problèmes intérieurs des Etats-Unis, mais, dans le contexte de l'approfondissement de la crise - économique et psychologique - l'échec essuyé dans cette guerre aurait un impact négatif sur le pays.

Les Etats-Unis ont de plus en plus de mal à approvisionner leur contingent en Afghanistan. Evidemment, il vaut mieux le faire à partir du Nord où la Russie jouit de l'influence. Dennis Blair, actuel directeur du renseignement national américain, a carrément accusé ces jours-ci Moscou d'avoir évincé les Etats-Unis de la base aérienne de Manas au Kirghizstan. "A vrai dire, je suis déçu du rôle joué par la Russie aux négociations sur la base aérienne de Manas au Kirghizstan, a-t-il déclaré. On a l'impression que la Russie ne joue pas un rôle utile, bien que, dans l'ensemble, la Russie estime que le rôle des Etats-Unis en Afghanistan et la lutte contre le terrorisme dans ce pays correspondent à ses intérêts, car elle se heurte à l'extrémisme sunnite dans ses régions méridionales".

Pourtant, le jour où Dennis Blair a fait cette déclaration, la Russie menait des négociations avec des représentants des Etats-Unis sur le transit par son territoire de cargaisons non militaires en Afghanistan.

La Russie contrecarre les tentatives des Etats-Unis d'accroître leur influence dans les anciennes républiques soviétiques, mais, en même temps, elle ne fait pas obstacle à l'opération des Etats-Unis en Afghanistan pour plusieurs raisons. L'absence de succès de l'opération peut rendre les Etats-Unis plus conciliants sur plusieurs problèmes clés concernant l'influence en Asie. D'autre part, si les Etats-Unis et leurs alliés quittent l'Afghanistan, la Russie devra défendre de nouveau ses alliés centrasiatiques contre les agissements des extrémistes à partir du territoire de l'Afghanistan.

La question de savoir si les Etats-Unis et l'OTAN peuvent modifier leur stratégie d'une manière ou d'une autre reste en suspens. Pour trouver une issue à cette situation, l'Occident renforce sa pression militaire et instaure "des institutions démocratiques" sur le sol afghan, en imposant aux habitants autochtones des formes d'administration et de la structure sociale qui leur sont étrangères. Bien entendu, tout ceci ne conduira à rien de bon.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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