Bagdad reprend la coopération avec Moscou, un oeil tourné vers Washington

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Par Andreï Mourtazine, RIA Novosti
Par Andreï Mourtazine, RIA Novosti

La première visite officielle à Moscou du chef du gouvernement irakien, Nouri al-Maliki, ne s'annonce pas facile. Mais elle peut être l'occasion d'une percée. Cette visite a pour objectif de débattre avec les dirigeants russes de la coopération économique et militaire. Le premier ministre irakien doit s'entretenir, ce 10 avril, avec le président Dmitri Medvedev et son homologue russe Vladimir Poutine, un large éventail de questions étant à l'ordre du jour. Nouri al-Maliki est accompagné des ministres irakiens des Affaires étrangères, de la Défense, de l'Energie électrique, ainsi que d'une délégation du ministère irakien du Pétrole.

Le samedi 11 avril, à l'issue des discussions, le premier ministre irakien donnera une conférence de presse qui sera organisée par l'agence RIA Novosti au Président-Hôtel.

Le renversement du régime de Saddam Hussein en avril 2003 avait marqué le début d'une nouvelle histoire de l'Irak et de nouveaux rapports avec la Russie. Ce n'est pas un secret : de nombreux hommes politiques et politologues russes de la "vieille garde", surtout les représentants du KPRF (Parti communiste de la Fédération de Russie) et du LDPR (Parti libéral-démocrate de Russie), avaient accueilli avec hostilité les nouveaux dirigeants irakiens, qu'ils avaient qualifiés de "marionnettes de Bush". Quant au Kremlin, au lieu d'attribuer des étiquettes, il avait, au contraire, exprimé le désir de coopérer avec les nouvelles autorités irakiennes. En recevant au Kremlin Abdel Aziz al-Hakim, chef du Conseil de gouvernement provisoire, en décembre 2003, Vladimir Poutine, alors président de la Russie, lui avait promis d'effacer 80% de la dette irakienne, qui se montait à 10 milliards de dollars. Et il avait tenu parole.

En 2006, la dette était annulée, sans que la Russie ait reçu en retour les avantages qu'elle escomptait. Cela devint parfaitement évident en août 2007, lors de la visite à Moscou du ministre irakien du Pétrole, Hussein al-Shahristani. A l'issue de ses entretiens avec le ministre russe de l'Industrie et de l'Energie, Viktor Khristenko, Hussein al-Shahristani avait déclaré que "la décision d'annuler la dette ne serait pas liée à d'autres questions" et que les compagnies russes, y compris Lukoil, "ne bénéficieraient d'aucun avantage préférentiel en Irak", qu'elles participeraient aux appels d'offres d'investissement à égalité avec les autres.

La compagnie Lukoil avait conclu, en mars 1997, un contrat avec le gouvernement irakien sur l'exploitation du gisement de Kurna occidental-2. Mais, en 2002, le gouvernement de Saddam Hussein avait dénoncé unilatéralement ce contrat, au motif que la partie russe n'aurait pas respecté ses engagements. Les nouvelles autorités irakiennes, quant à elles, avaient déclaré qu'elles ne reconnaissaient pas les accords conclus à l'époque de Saddam Hussein, et que le sort du gisement de Kurna-2 serait décidé à la suite d'un appel d'offres auquel pourraient participer les compagnies russes.

Il est notoire que le ministre irakien du Pétrole avait rencontré, lors de sa visite à Moscou, le président de Lukoil, Vaguit Alekperov. Toutefois, les résultats de cette rencontre n'avaient pas été rendus publics.

Le premier ministre irakien n'est pas arrivé à Moscou les mains vides. RIA Novosti a appris auprès d'une source gouvernementale irakienne que Nouri al-Maliki apportait à Moscou des propositions sur le développement de la coopération dans les domaines de l'économie et du commerce, ainsi que dans le domaine militaire. "Il n'est pas exclu, a ajouté cette source, que les entretiens du chef du gouvernement irakien à Moscou débouchent sur un réexamen des contrats conclus par des compagnies russes sous l'ancien régime irakien."

Il est à noter que des spécialistes russes ont travaillé en Irak même pendant la guerre de 2003, et qu'ils y sont présents aujourd'hui encore. C'est le cas, par exemple, des énergéticiens employés dans les centrales électriques d'Al Dora et Al Yusufiya, dans les environs de Bagdad.

La coopération militaire constitue un problème à part. A l'époque de Saddam Hussein, on le sait, l'armée irakienne était équipée à 80% de matériels soviétiques. Les livraisons d'armes à l'Irak ont continué jusqu'en 1991, lorsque les troupes de la coalition internationale ont lancé l'opération Tempête du désert, en réponse à l'occupation du Koweït par l'Irak. Après cette guerre, la Russie s'est associée aux sanctions imposées par l'ONU, qui impliquaient un embargo sur les livraisons d'armes à l'Irak.

L'armée et la police irakiennes ont aujourd'hui des instructeurs américains et britanniques. Mais les soldats et les officiers de l'armée irakienne savent mieux manier le fusil d'assaut Kalachnikov que le M-16 américain. Lors de leur instruction, ils ont appris à se servir des armes russes (soviétiques), et non américaines. Il n'est pas exclu que Bagdad demande à Moscou d'équiper l'armée irakienne en nouveaux matériels russes. De plus, l'Irak souhaite, comme par le passé, former ses spécialistes militaires en Russie.

Il ne faudrait cependant pas tomber dans l'euphorie, en ce qui concerne les perspectives de coopération avec Bagdad. A la différence de l'Irak de Saddam Hussein, où les positions de l'URSS et de la Russie étaient très fortes, l'Irak actuel accorde la priorité aux Etats-Unis et aux compagnies occidentales. Par conséquent, tout en établissant de nouveaux rapports avec la Russie, le gouvernement de Nouri al-Maliki continuera de penser à Washington. Toute la question est de savoir s'il y pensera un peu, beaucoup ou énormément.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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