Réaction américaine « correcte » à l'élection iranienne

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Par Dmitri Babitch, RIA Novosti
Par Dmitri Babitch, RIA Novosti

La principale surprise apportée par l'élection présidentielle du 12 juin en Iran provient non pas de la victoire (contestable) du président Mahmoud Ahmadinejad, crédité de 63% des suffrages, mais de la réaction des Etats-Unis à son élection et aux protestations qui ont suivi des candidats s'estimant lésés. Au lieu de se lancer dans des rebuffades hargneuses et des appels à poursuivre les protestations, la Secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton s'est bornée à formuler l'espoir que les résultats de l'élection traduisent la volonté et les souhaits du peuple iranien.

Le sens de ces propos (ou, comme le disent les Américains, le « message ») se ramène à ceci : l'administration Obama, préférant la stabilité et le dialogue à la pression et à l'ingérence, renonce aux « révolutions de couleur » en Iran (et, peut-être, dans d'autres pays aussi). En effet, tout donne à penser que ce qu'escomptait depuis longtemps l'administration des deux Bush et de Bill Clinton a failli se produire en Iran.

Les partisans du candidat de l'opposition, Mir Hossein Moussavi, qui n'a été crédité que de 34% des suffrages, mais qui accuse les autorités de fraude, sont descendus dans la rue. Il s'agit, selon les témoins, des troubles les plus importants depuis la révolution islamique de 1979. Dans cette situation, le président George W. Bush aurait eu vite fait de sortir sa lourde artillerie idéologique. Ces « drôles d'élections » auraient été stigmatisées d'abord par le Département d'Etat, puis par Freedom House, puis encore par des étudiants qui, brandissant des pancartes joliment faites et montant des tentes toutes neuves, auraient barré la place centrale de Téhéran. Et des tirs éventuels auraient servi de prétexte à une intervention armée.

Mais il n'en est rien. Le président américain Obama ne veut décidément pas ressembler à son prédécesseur, et sa récente invitation au dialogue faite à l'Iran n'est ni une plaisanterie, ni une tactique de pure propagande.

Certes, après les événements qui ont eu lieu, ce dialogue sera difficile. Le groupement conservateur que représente Ahmadinejad, et qui s'appuie sur la population rurale et le clergé traditionnel, s'est imposé au sein de l'élite iranienne.

Cela a considérablement rogné les ailes des réformateurs rassemblés autour du candidat de l'opposition Mir Hossein Moussavi. La baisse de l'influence des anciens présidents Ali Akbar Hachemi Rafsandjani et Mohammad Khatami s'accompagne, pour les réformateurs, de la perte de leur principale ressource : la capacité de mobiliser la population urbaine ayant soif de changements. Irrités et déçus par cette élection, les citadins pourraient fort bien ne pas aller voter la fois prochaine.

Tout cela signifie que, lors des négociations (si elles ont lieu un jour), Barack Obama aura affaire à un adversaire fort. Ce sera probablement ce même Mahmoud Ahmadinejad, le leader désormais encore plus influent de l'élite conservatrice qui, selon le New York Times, est plus unie que jamais après tout ce qui s'est passé.

Naturellement, ce n''est le meilleur scénario ni pour les Etats-Unis, ni pour l'Iran, ni pour le reste du monde, y compris la Russie. Mais il est incontestable qu'une tentative de « révolution de couleur » en Iran suivie d'une déstabilisation de cet Etat qui est sur le point de créer l'arme nucléaire aurait été certainement la pire des solutions. C'est une très bonne chose que Barack Obama soit prêt à renoncer au know how technologique de George W. Bush visant à enseigner la démocratie à d'autres pays.

Autre chose est que l'érosion de la confiance dans la démocratie en Iran même comporte des risques à long terme. Contrairement à une opinion répandue, l'Iran n'est pas un pays au despotisme asiatique. Le système politique de ce pays admet des élections alternatives, à l'occidentale, mais à condition que le vainqueur de ces consultations ne s'en prenne pas au caractère islamique de l'Etat. Le sommet du clergé, qui veille au respect de ce principe, joue à peu près le même rôle que le fameux establishment en Occident, en stabilisant le processus politique et en l'empêchant de sortir du cadre autorisé. Mais, comme le montre l'expérience, lorsque l'establishment est totalement subordonné au système politique, cela entraîne la rupture des liens avec les électeurs et, en fin de compte, une explosion sociale.

En principe, les Etats-Unis comptent de nombreux partisans parmi les simples citoyens iraniens. S'il y avait pas eu la politique de Clinton et de Bush, une « révolution de velours » se serait probablement produite, sans bruit ni douleur, dans la société iranienne : l'ancien président Mohammad Khatami avait tenté d'en créer les conditions dès la fin des années 1990. Mais les années de blocus imposé par les Etats-Unis ont irrité les Iraniens, alors que ses interventions en Irak et en Afghanistan ont renforcé, sans que Washington le souhaite, l'Etat iranien, débarrassé d'un contrepoids aussi puissant que le régime de Saddam Hussein. Les Etats-Unis s'étant également évertués, au cours des quinze dernières années, à détériorer leurs relations avec la Russie, qui est leur meilleur intermédiaire pour approcher Téhéran, le tableau qui s'offre à nos yeux est des plus tristes. Mais il n'est pas l'oeuvre de Barack Obama.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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