Boulava: à quoi bon continuer?

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Par Ilia Kramnik, RIA Novosti
Par Ilia Kramnik, RIA Novosti

Le 15 juillet 2009, la Marine russe procédait à un tir d'essai du missile Boulava (code OTAN SS-NX-30), lequel s'est soldé par un échec. L'engin s'est autodétruit à la suite d'une défaillance technique au premier étage du missile.

Ce onzième tir constituait le cinquième, ou le septième - si l'on tient compte des tirs "partiellement réussis" - essai échoué du missile balistique Boulava. Voici son histoire.

La création de Boulava a été décidée en 1998 par le commandant en chef de la Marine de guerre russe Vladimir Kouroïedov après trois essais ratés du missile balistique intercontinental Bark à propergol solide, conçu par le bureau d'études Makeïev. La conception d'un missile prometteur a été confiée à l'Institut de technologie thermique de Moscou (MIT), qui a promis de créer une arme moins chère et plus compacte, compatible de surcroît avec les missiles Topol-M (SS-27).

Sur onze tirs de missiles effectués à ce jour, seuls quatre ont été couronnés de succès. Au vu de ce résultat déplorable, il est, certes, impossible d'équiper l'armée avec un tel missile, ce qui renvoie aux calendes grecques la mise en exploitation des porte-missiles du projet 955.

A l'heure actuelle, le missile Boulava se distingue par un taux de fiabilité incroyablement bas, de quelque 30%. Ce chiffre est même inférieur à celui du missile R-39 (SS-N-20 Sturgeon), qui avait rencontré beaucoup de vicissitudes lors de ses essais (neuf des 17 tirs réalisés s'étaient soldés par un échec). Par la suite, ce missile s'était toutefois avéré relativement fiable (onze tirs réussis sur treize effectués).

Dans le même temps, il existe une alternative russe au missile Boulava. Il s'agit de la version modernisée du missile R-29RM (SS-N-23 Skiff), connu sous le nom de R-29RMU2 "Sineva", mis en dotation en 2007.

A l'heure actuelle, trois sous-marins du projet 667BDR (K-114 "Toula", K-117 "Briansk" et K-18 "Karelia") sont équipés de missiles Sineva.

Sineva dépasse en portée le Boulava, pour lequel elle est de 8000 kilomètres, et peut porter une charge utile plus lourde. Mais le missile Boulava a tout de même certains atouts, le principal étant que sa phase de lancement est beaucoup plus courte, ce qui complique son interception par les systèmes antimissiles. Il est plus léger, plus compact et équipé de moteurs à propergol solide, ce qui simplifie l'exploitation de ce missile par rapport au Sineva, missile à carburant liquide.

Cependant, tous les avantages du Boulava ne sont que théoriques en comparaison avec la production du bureau d'études Makeïev qui existe bel et bien et qui s'avère efficace. Deux lancements réussis de ce missile ont eu lieu la veille même du nouvel échec du Boulava, à savoir les 13 et 14 juillet.

L'histoire russe a vu défiler bien des projets apparemment prometteurs qui furent abandonnés à la suite d'essais malheureux. C'était notamment le cas de la "fusée lunaire" N-1. Renoncer au moment opportun à un projet manifestement voué à l'échec, voilà ce qu'on appelle faire preuve de sagesse.

En attendant, étant donné la persévérance avec laquelle on continue de procéder à des essais dans le cadre de ce projet qui s'entête à ne pas fonctionner, tout porte à croire que les causes de ces ratés en série ne doivent pas être examinées par des ingénieurs, scientifiques ou militaires, mais par les spécialistes de la lutte contre le gaspillage de moyens budgétaires. Ce sont les dirigeants d'entreprises, et non les simples employés aux salaires dérisoires, qui doivent répondre pour les dizaines de milliards de roubles budgétaires et les années de travail jetés par les fenêtres.

A l'époque de l'URSS, lorsque l'Etat recourait à des méthodes de gestion des études scientifiques aujourd'hui considérés comme inhumaines et infondées, les dirigeants d'entreprises et de bureaux d'études payaient cher leurs échecs.

Il est donc curieux de voir si quelqu'un sera licencié en raison des problèmes du missile Boulava.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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