Le renseignement américain en garde-à-vous

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Par Andreï Fediachine, RIA Novosti

Par Andreï Fediachine, RIA Novosti

Le renseignement américain est, semble-t-il, chargé de remplir des tâches plus spécifiques et plus larges dans la lutte contre les menaces pour la sécurité nationale et les intérêts nationaux des Etats-Unis. Les principales orientations stratégiques de l'activité de tous les 16 services spéciaux américains sont exposées dans le Plan stratégique de quatre ans du renseignement national des Etats-Unis soumis au Congrès. Ce plan est le premier document de ce genre sous l'administration Obama. Il est traditionnellement élaboré par le directeur du renseignement national.

Le poste de directeur du renseignement national a été institué en 2004. Le directeur est conseiller non seulement du président (sur toutes les questions de renseignements), mais aussi du ministre de la sécurité nationale. Il coordonne l'activité d'organismes comme la CIA, le FBI, l'Agence de sécurité nationale, les principales directions du renseignement de la Marine de guerre, de l'armée, du renseignement du Département d'Etat, du ministère de l'Energie, etc.

Le plan stratégique représente un guide d'action pour tous ces organismes américains auquel ils doivent subordonner leurs tâches concrètes. Il en ressort un faible changement pour les orientations de l'activité des services secrets américains, entrepris depuis huit ans, après le 11 septembre, et une révision radicale des "menaces immédiates" pour la sécurité nationale. Il s'agit, entre autres, de révéler et de neutraliser les groupes terroristes visant à accéder aux armes nucléaires, les extrémistes et les formations séparatistes paramilitaires, de faire face à la menace nucléaire émanant de l'Iran et de la Corée du Nord, d'empêcher la prolifération des armes de destruction massive, de mettre en évidence des crises potentielles, etc.

Mais, comme l'a déclaré le directeur du renseignement national des Etats-Unis, Dennis Blair, dans son rapport présenté le 16 septembre aux journalistes en Californie, le plan actuel fait état de plusieurs "nouvelles préoccupations": la crise économique globale, les pandémies potentielles globales (la grippe porcine et aviaire) et les changements climatiques, ce qui peut provoquer "une rivalité entre les Etats dans la lutte pour les ressources énergétiques et l'eau".

Notons bien que Dennis Blair n'a pas tout dit. En plus de ce qui vient d'être cité, les "inquiétudes" spécifiques face à la Chine et à la Russie ont été ajoutées à l'actuel plan stratégique. La Chine y est mentionnée comme un pays qui agit de façon agressive en vue d'accéder aux ressources naturelles et qui édifie intensivement ses forces armées, la Russie comme un Etat qui rétablit activement son influence globale et régionale. Moscou et Pékin figurent parmi les menaces potentielles pour les Etats-Unis dans le cyber-espace.

Dennis Blair semble être prêt à ranimer énergiquement toute la communauté du renseignement des Etats-Unis, car, aux yeux de cet amiral à la retraite, celle-ci ne lutte pas de façon efficace contre les menaces qui planent sur les Etats-Unis. Pour comprendre ce que cela veut dire, il convient de dire quelques mots au sujet de Dennis Cutler Blair, troisième et actuel directeur du renseignement national, marin de père en fils et vrai gars américain.

Durant toute sa carrière navale de 34 ans, Dennis Blair, 62 ans, amiral à la retraite et la sixième génération d'officier de marine a commandé des frégates, des destroyers lance-missiles et un groupe de combat de porte-avions Kitty Hawk. Son dernier poste dans la marine a été celui de "commandant en chef du Commandement américain au Pacifique, ce qui veut dire qu'il a dirigé toutes les forces américaines dans le Pacifique. Il était auparavant directeur du bureau du chef d'état-major inter-armées des Etats-Unis (état-major général des Etats-Unis) et premier adjoint au directeur du Renseignement central pour le soutien militaire. Dennis Blair passe pour quelqu'un qui a la "tête chaude", il a souvent exprimé son mépris pour la subordination (en refusant maintes fois d'accomplir des instructions politiques du Département d'Etat américain en Asie). Dans la flotte, on apprécie surtout son énergie débordante et son penchant pour les aventures de marin. Les jeunes officiers de l'US Navy racontent comment Dennis Blair, capitaine du destroyer lance-missiles Cochrane, a fait une promenade en ski nautique derrière ce navire (la vitesse de 38 n�uds le permettait). En janvier dernier, Barack Obama l'a nommé au poste de directeur du renseignement national.

Il est à remarquer que, déjà sous George W. Bush, les agents de renseignements américains n'étaient pas très contents de l'apparition du poste de "coordinateur" supplémentaire qui les surveillerait. Après la plainte déposée par le premier directeur du Renseignement national John Negroponte, George W. Bush a dû promulguer une directive spéciale prescrivant à toutes les agences de renseignement de remplir obligatoirement les indications et de répondre aux interpellations de ce département.

A présent, Dennis Blair a l'intention de doter également le renseignement américain (toutes ses agences) de fonctions de contre-espionnage. Auparavant, cela signifiait le dépistage d'agents des services de renseignements étrangers. A présent, à en croire la nouvelle directive, le contre-espionnage devient l'une des tâches primordiales de l'ensemble du renseignement américain, il doit viser (pour reprendre les paroles de Dennis Blair), "en tant qu'objectifs, non seulement les gouvernements étrangers, mais aussi les agents non gouvernementaux, les groupements extrémistes, les hackers et les organisations criminelles qui sapent de plus en plus les intérêts des Etats-Unis par des myriades de moyens". Selon Dennis Blair, la communauté du renseignement devra lutter désormais contre les tentatives de manipuler la politique des Etats-Unis et les efforts diplomatiques, de torpiller nos plans militaires et nos systèmes d'armements, de détruire nos avantages économiques et technologiques".

Il serait bon de retenir la dernière phrase du directeur du renseignement national des Etats-Unis. De même que la mention de la menace nucléaire émanant de l'Iran et de la Corée du Nord et du "révisionnisme global de la Russie", elle est significative à bien des égards. Après cette phrase, il est peu probable qu'Obama renonce à déployer de nouveaux systèmes de défense antimissile en Europe, en Pologne et en République tchèque. A plus forte raison qu'il fait l'objet de toute une campagne déclenchée contre lui par les républicains et les néoconservateurs. Une conférence spéciale sur le système de défense antimissile en Europe s'est tenue ces jours-ci à Washington, dans la fondation d'extrême-droite Heritage qui est très influente. Elle a rassemblé d'éminents analystes politiques de droite qui ont constaté que la façon dont la Russie aborde ce problème ne reflète pas les réalités de notre siècle et témoigne d'une appréhension insuffisante des grands progrès technologiques atteints par les Etats-Unis. Ils voulaient également dire par là que, si Obama renonce tout de même aux projets élaborés sous George W. Bush, cela signifiera qu'il ne comprend pas non plus bien des choses en Amérique, ce qui est nuisible pour les Etats-Unis.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

 

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