Nucléaire iranien: des soupçons non dissipés à Vienne

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Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti

Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti

On a abouti à un résultat, semble-t-il, bien que ce qui s'est passé ces deux derniers jours à Vienne, siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), ne soit clair qu'aux experts des armements nucléaires et du nucléaire civil. Des Représentants des Etats-Unis, de Russie, de France et d'Iran  ont discuté de l'aspect particulier, crucial, du problème nucléaire iranien.

Selon le directeur général de l'AIEA Mohammed ElBaradei, les négociations se sont déroulées avec succès. A leur issue, ElBaradei a rédigé un projet d'accord qui doit être approuvé vendredi prochain par tous les quatre gouvernements. Ensuite, ce document devra être enregistré, ou ratifié par le Conseil des gérants de l'AIEA qui se réunira fin novembre.

Le document dont il est question ne porte, semble-t-il, que sur les aspects techniques de l'entente intervenue le 1er octobre lors de la rencontre a Geneve des Six (six pays en charge du dossier nucléaire iranien : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Russie, la Chine et l'Allemagne) sur le transfert de  l'uranium iranien vers des pays tiers (avant tout, en Russie) pour son enrichissement.

C'est dans cette procédure que gît la solution du problème nucléaire iranien. Si Téhéran l'accepte effectivement et ne dénonce pas cette entente - vendredi ou plus tard - cela signifie que le programme nucléaire iranien revêt effectivement un caractère civil et qu'on pourra progresser aux négociations avec l'Iran, comme l'a déclaré cette fois-ci ElBaradei.

Il s'agit de 1500 kg d'uranium faiblement enrichi (environ à 3,5%) obtenu par les Iraniens eux-mêmes dans leurs centrifugeuses. Pour la bombe nucléaire, il faut de l'uranium hautement enrichi. Cependant, l'inertie de l'époque précédente, celle de George W. Bush, lorsque l'Iran est devenu le répondant pour les accusations nucléaires, supposait que ce dernier n'a pas le droit d'avoir même d'uranium faiblement enrichi, car il peut être rapidement enrichi jusqu'au niveau nécessaire à des fins militaires.

On a proposé à Téhéran d'effectuer une partie du cycle d'enrichissement en dehors du pays, par exemple, en Russie (en fait, cette idée a été énoncée par Moscou) où il serait enrichi presque à 20%, ce qui est suffisant pour le nucléaire civil, mais ce qui est insuffisant pour la bombe. Puis, il serait restitué aux Iraniens. Eh bien, le 1er octobre dernier, à Genève, Téhéran a accepté, dans l'ensemble, cette variante (à l'époque de Bush, il refusait obstinément de le faire). Seuls les détails ont été examinés à Vienne. 

L'AIEA effectuera prochainement une inspection dans le deuxième site nucléaire iranien situé près de Qom, dont l'existence a été annoncée juste avant le 1er octobre. Selon les Iraniens, il est destiné à effectuer des expériences médicales et n'a rien à voir avec l'arme nucléaire. Par conséquent, ce problème peut être levé, à condition de le vouloir.

La question en suspens est de savoir "de quoi il a été effectivement question". Par exemple, un article récemment publié dans le Washington Post informe que tout le stock d'uranium faiblement enrichi iranien est "détérioré" par des combinaisons de molybdène à cause des équipements défectueux de l'usine iranienne d'Ispahan. A présent, sans le décontaminer, il est impossible de continuer de l'enrichir jusqu'au niveau militaire ou jusqu'à tout autre niveau. Cela veut dire que l'Iran a un besoin pressant d'une coopération internationale.

Du coup, les plans militaires et les potentialités militaires de l'Iran sont considérés autrement, malgré les menaces brandies par Téhéran à l'adresse de ses voisins.

Les médias américains évoquent de nouveau les évaluations faites par les services secrets américains en 2007. Rappelons que ces services avaient alors indiqué que l'Iran avait arrêté ses programmes nucléaires militaires déjà en 2003. Ce document avait gelé d'emblée l'activité de l'ancienne administration américaine à l'égard de l'Iran. Il est vrai, le mot "sanctions" a toujours été prononcé, mais sans l'ardeur d'antan.

A présent, on estime que ces évaluations doivent être reconsidérées, par exemple, parce que les services secrets américains n'ont pas remarqué le site nucléaire de Qom. Washington ne se prononce pas de façon explicite. En effet, il n'est pas facile de confirmer ou de contester l'incapacité de ses services secrets. Mais la question qui reste est de savoir si l'ancienne administration américaine avait besoin de faits réels concernant l'Iran, ou bien il ne s'agissait point de faits.

Il convient de citer, enfin, un article de Richard Haas, homme légendaire, président du Conseil de politique étrangère. Dans cet article publié dans le Washington Post, Richard Haas déclare que la politique adoptée à l'égard de l'Iran doit améliorer graduellement le régime de Téhéran. Quant à Israël qui menace sans cesser de porter une frappe à l'Iran, il ne peut que durcir le régime des ayatollahs et provoquer un chaos au Proche-Orient. Une réflexion intéressante, n'est-ce pas?

On peut en déduire que le rideau de fumée iranien ne s'est pas entièrement dissipé, mais que le processus se déroule avec succès. Il est évident que le problème iranien ne réside nullement dans le fait que les Etats-Unis et leurs alliés essaient d'obliger l'"Etat mauvais" à renoncer à ses ambitions nucléaires au moyen des sanctions et que la Russie et la Chine boycottent ces sanctions en jouissant de leur statut au Conseil de sécurité de l'ONU. De même qu'auparavant, le problème réside probablement dans le fait que les Etats-Unis voulaient changer les mauvais régimes en recourant à de fausses accusations, des menaces, des guerres ou autrement. Cela a eu de lourdes conséquences : l'Iran et la Corée du Nord, effrayés, auraient pu commencer à réaliser sérieusement leurs programmes nucléaires militaires en effrayant vraiment leurs voisins. Que faire maintenant, s'il existe effectivement une nouvelle politique des Etats-Unis sur ce point? Il faut y penser.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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