«Chez Choukhevitch», salon de coiffure

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Le calendrier abonde en dates et en événements liés, d'une manière ou d'une autre, à l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et à ses nouveaux interprétateurs.

Le calendrier abonde en dates et en événements liés, d'une manière ou d'une autre, à l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et à ses nouveaux interprétateurs.

Le 20 novembre a eu lieu l'anniversaire du procès de Nuremberg qui a tiré un trait sur le terrible massacre de 1939-1945. En plus des dirigeants du IIIe Reich, le tribunal a condamné leurs acolytes en Europe de l'Est, les nazis de second plan qui jouent aujourd'hui le rôle de héros nationaux des "nouvelles démocraties" de la région. Fin octobre - début novembre, l'Ukraine a célébré pompeusement la fête du 65e  anniversaire de la libération de l'Ukraine des fascistes, instituée par le président Viktor Iouchtchenko qui s'est souvenu que les nationalistes ukrainiens avaient tenté de lutter, à la fin de la guerre, aussi bien contre les "rouges" que contre les Allemands.

Rappelons d'abord les faits. "La question relative au nombre exact de collaborationnistes d'URSS au service de l'Allemagne pendant la guerre est très difficile à établir. La littérature occidentale cite souvent 2 millions, et même 3 millions. La littérature russe indique, pour l'essentiel, un million, a déclaré le docteur en histoire Sergueï Drobiazko lors d'une table ronde à l'Institut russe d'études stratégiques. Selon lui, dans ce nombre de collaborationnistes, on inclut tant ceux qui ont combattu pour l'Allemagne les armes à la main que ceux qui ont apporté une aide aux Allemands en creusant des tranchées ou en servant dans la police.

Un autre fait intéressant sur les collaborationnistes a été cité par le député de la Rada suprême ukrainienne (parlement) qui a déclaré que les unités de l'OUN-UPA (organisation des nationalistes ukrainiennes, Armée des insurgés ukrainiens) et les bandes de Melnikov présentées par l'historiographie ukrainienne comme des combattants pour les intérêts ukrainiens étaient constituées, pour l'essentiel, de Polonais de la Pologne de l'Est. Ces Polonais n'étaient pas des citoyens soviétiques. "Avant de lutter contre la réhabilitation des collaborationnistes dans les pays postsoviétiques, il faut abandonner ses propres nombreux mythes historiques", suggère Alexandre Fomenko de l'Université de commerce et d'industrie de Russie. Selon lui, il faut bien comprendre l'attitude de la Vieille Europe par rapport à la Seconde Guerre mondiale et ne pas attendre de véhémentes protestations de sa part. "La Première Guerre mondiale a été un grand bouleversement pour l'Europe, alors que le prix essentiel de la Seconde Guerre mondiale a été payé par l'URSS et le IIIe Reich. Pour l'Occident, dont l'inconvénient s'est réduit à l'absence de café en vente libre, cette guerre et la victoire n'étaient pas sacrées".

Selon Alexandre Fomenko, la conception soviétique du mouvement de la Résistance européenne est également un mythe. "Il est à remarquer que Maurice Thorez était défaitiste en 1940 et qu'il s'est prononcé pour la reddition de Paris à l'Allemagne", affirme-t-il. "Le gouvernement pro-allemand de Pétain a été élu en France avec le respect de toutes les procédures formelles", indique-t-il. "Il y avait autant de ceux qui servaient de leur plein gré les fascistes que de combattants actifs de la Résistance. Des milliers de Français ont servi l'Allemagne fasciste. Rares sont ceux qui savent qu'aux dernières heures de l'assaut lancé contre Berlin, il a été défendu par de grandes unités constituées de Français …", a ajouté Alexandre Fomenko.

Le directeur des programmes d'études de la Fondation Mémoire historique Vladimir Simindeï a produit un choc en mentionnant les contacts entretenus entre les collaborationnistes et les autorités actuelles de l'Europe de l'Est. Selon lui, on ressent qu'il existe dans les pays baltes un lien entre les cercles de nationalistes émigrés et les autorités actuelles ukrainiennes. "On peut citer l'amitié "touchante" des élites ukrainienne et géorgienne qui n'avait jamais existé jusque-là, par contre, les nationalistes émigrés des deux pays ont toujours été liés d'amitié à l'étranger", a déclaré Vladimir Simindeï.

Lors d'une conférence de presse internationale à RIA Novosti, la nécessité de lutter contre la réhabilitation des collaborationnistes a été perçue  comme allant de soi. Mais peut-être les idéologues baltes et ukrainiens ont-ils raison? Et si Bandera (chef d'OUN) et Choukhevitch (Hauptsturmführer proclamé par un décret de Viktor Iouchtchenko Héros de l'Ukraine pour sa contribution remarquable à la lutte de libération nationale et l'indépendance de l'Ukraine) avaient remporté la victoire, est-ce que l'Ukraine serait indépendante et heureuse?

Les considérations les plus générales et incontestables prouvent que non. "Cela s'est produit au début de la guerre, lorsque l'Armée rouge reculait à l'Est. Les soldats d'une formation profasciste de nationalistes estoniens se sont installés au musée Lénine", a indiqué Boris Kovalev, professeur de la chaire de théorie de l'Etat et du droit de l'Université de Novgorod. "Le commandant de la formation qui était ivre a dit à ses subordonnés que lorsqu'il dormait sur le "lit de Lénine", une idée lui est venue : « la grande Estonie s'étendant jusqu'au lac Ilmen était insuffisante, il fallait que la grande Estonie s'étende jusqu'à l'Oural », a raconté Boris Kovalev. Selon lui, le commandant a été relevé peu après de son poste, car les Allemands avaient leurs propres plans concernant les territoires conquis.

"Il n'y aurait point d'Etats est-européens indépendants en cas de victoire de l'Allemagne", a souligné Boris Kovalev. Après la victoire, les fascistes auraient peut-être permis aux nationalistes est-européens d'attribuer le nom de Choukhevitch à un salon de coiffure ou à un square, mais ce serait un territoire allemand avec la pratique sociale fasciste.

Selon Vladimir Semindeï, l'inadmissibilité d'une telle révision en Russie doit être le premier moyen de lutte contre la révision de l'histoire. "Lorsqu'on réhabilite chez nous Krasnov et d'autres collaborationnistes russes, nous perdons tout droit moral de le reprocher aux pays baltes et à l'Ukraine. Il est nécessaire d'élaborer une position sociale commune contre ce phénomène en Russie", estime-t-il.

L'approche juridique de ce problème présente de l'intérêt. Comme l'a fait observer le directeur des programmes scientifiques de l'Institut de conservatisme dynamique Mikhaïl Demourine, "la compréhension traditionnelle des événements de la Seconde Guerre mondiale réside dans les résultats du procès de Nuremberg qui  est à la base de la législation de l'ONU. L'article 107 de la Charte de l'ONU définit la notion d'Etat ennemi. Un tel Etat est tout pays qui lance des actions militaires contre l'une des puissances de la coalition", a indiqué Mikhaïl Demourine.

Le chercheur à l'Institut historique allemand Sergueï Koudriachov a fait remarquer pour sa part que les collaborationnistes est-européens sont, du point de vue juridique, déjà des criminels à cause du serment qu'ils ont prêté  à Hitler.

Comment mettre un point dans le débat sur les falsifications de l'histoire dans les pays postsoviétiques? Il est probablement impossible d'y mettre un point final. L'essentiel est que les principaux facteurs de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale ne doivent pas pâtir en fonction de la conjoncture politique contemporaine qui change avec les régimes: c'est la condamnation catégorique par la communauté mondiale des fascistes et de leurs acolytes en tant que fauteurs de guerre. Sur cette question, il ne doit pas y avoir de compromis.


Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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