La Russie et l'Inde: un demi-siècle de coopération militaire

Le premier ministre indien Manmohan Singh et le président russe Dmitri Medvedev ont l'intention de signer un nouveau programme de coopération militaire pour la période 2010-2020.
 
Ce programme sera le prolongement digne d’une histoire de 50 années d'activité commune aux deux pays dans ce domaine.
Les livraisons d'armes soviétiques à l'Inde ont commencé en 1962, au moment du premier conflit entre l'Inde indépendante et la Chine. A cette époque, l'URSS apportait déjà une aide économique importante à l'Inde et les livraisons d'armements ont été le prolongement naturel de la politique soviétique, surtout compte tenu de l’aggravation croissante des relations entre Moscou et la Chine.

Quelque temps après, les livraisons d'armes avaient été complétées par leur production sous licence. Les premières hirondelles en ont été les chasseurs MiG-21FL, dont la production a commencé en 1966. Peu après, l'Inde est devenue le partenaire principal de l'URSS dans le domaine militaire. Toutes sortes de matériel de guerre et d'armements ont été livrés à ce pays: des armes d'infanterie et des blindés légers aux sous-marins et aux avions de combat.

A la fin des années 70 du siècle dernier, les besoins de l'Inde en armements pour ses troupes terrestres ont été remplis aux ¾ par les livraisons en provenance d'URSS ou par la production d'armements soviétiques sous licence. Peu après, ces indices ont également été enregistrés dans les forces aériennes.

A la différence de nombreux autres partenaires de l'URSS, l'Inde a reçu des armements soviétiques modernes à égalité avec les pays du Pacte de Varsovie. Les rapports de partenariat entre l'URSS et l'Inde ont été définitivement scellés par la guerre qui a éclaté en 1971 entre l'Inde et le Pakistan, au cours de laquelle l'URSS a entièrement soutenu l'Inde au niveau diplomatique et envoyé dans le golfe du Bengale des navires de guerre à des fins démonstratives et pour dissuader l'activité éventuelle de l'US Navy.

Après la désintégration de l'URSS, une crise est apparue dans les rapports entre les deux pays: les livraisons, y compris militaires, ont été perturbées, ce qui a posé des problèmes dans l'approvisionnement des forces armées de l'Inde et compliqué la production du matériel sous licence (les avions MiG-27, les chars T-72, etc.). Il a fallu repartir à zéro dans notre coopération. Un nouveau Traité d'amitié et de coopération entre la Russie et l'Inde, ainsi qu'une série d'accords bilatéraux régissant, entre autres, les questions des livraisons d'armes ont été signés en 1993. Ensuite, les deux pays ont adopté un programme de coopération militaire russo-indien qui reste toujours en vigueur.

Il est à remarquer que l'Inde préfère plutôt recevoir des technologies que des produits finis, en développant sa propre production. Mais l'industrie d'armement indienne n'est pas devenue entièrement indépendante, c'est pourquoi l'Inde demande jusqu'à présent de nouveaux projets aux partenaires étrangers, surtout à la Russie.

On peut citer les principaux modèles d'armements produits en Inde sous licences russes et avec l'assistance de la Russie: les chars T- 90, les chasseurs Su-30MKI, les missiles anti-sous-marins BrahMos et d'autres systèmes. Les Su-30MKI sont déjà les plus nombreux chasseurs des forces aériennes indiennes et, avant la fin de la décennie suivante, ils constitueront le gros du parc indien en chasseurs.

Il convient de parler plus en détail des missiles BrahMos: cette variante de missile de croisière anti-sous-marin élaborée sur la base du projet soviétique PKR Oniks/Iakhont est l'un des meilleurs projets communs de la Russie et de l'Inde dans le domaine des armements. Les livraisons de PKR BrahMos supersoniques, versions variantes maritime et terrestre, ont déjà commencé, celles de missiles de stationnement aérien débuteront bientôt.

Qui plus est, un missile de croisière anti-sous-marin nouveau, hypersonique, dont le développement a commencé sur la base de BrahMos, doit être mis en service dans la prochaine décennie.

Parmi d'autres projets communs à la Russie et à l'Inde, il faut citer le chasseur de cinquième génération qui doit être mis à la disposition des forces aériennes des deux pays dans la prochaine décennie. Un appel d'offres pour la livraison de 126 chasseurs légers pour les forces aériennes indiennes pourrait constituer un autre projet important dans ce domaine. La Russie qui participe à cet appel d'offres avec son chasseur MiG-35 a de bonnes raisons pour compter l’emporter.

Cet avion qui a produit une forte impression sur les spécialistes militaires indiens qui l'ont vu à de nombreuses expositions et qui ont assisté à ses essais est un appareil foncièrement nouveau conçu sur la plate-forme du MiG-29. Il surpasse certainement ses concurrents par ses caractéristiques de vol: avant tout, par sa capacité de manœuvre grâce aux moteurs à vecteur de traction orientable, ses équipements électroniques compétitifs et son prix plus bas que celui de ses concurrents américains.

Le MiG-35 a un avantage: les forces aériennes indiennes utilisent déjà les avions MiG-29. En outre, les chasseurs MiG-29KUB sont commandés pour l'aviation de la flotte indienne et une infrastructure pour les réparations et l'entretien des appareils de ce type est en voie de création dans ce pays, ce qui facilitera l'exploitation d'un nouveau modèle d'avion construit d'après une technologie analogue.

L'Inde continue à acheter également des produits finis. Le contrat pour la modernisation et la livraison pour la Marine indienne du porte-avions Vikramaditya, ancien croiseur porte-avions lourd russe Admiral Gorshkov est un des projets les plus importants en ce sens. Construit dans les années 80 du siècle dernier et retiré de la Marine de guerre russe pour des raisons économiques moins de cinq ans après le début de sa carrière, ce navire subit actuellement la modernisation fondamentale à l'usine de Severodvinsk. L'ancien croiseur porte-avions lourd destiné au stationnement d'avions et d'hélicoptères à décollage et à atterrissage verticaux y sera équipé et doté d'un pont avec un tremplin à la proue. Le chasseur MiG-29K embarqué modernisé sera la principale arme du navire rénové. Ces appareils seront également utilisés à bord du futur porte-avions indien ADV, dont le projet a été conçu avec la participation de spécialistes russes. Ce navire doit être mis en service au milieu de la prochaine décennie.

En plus de la coopération technique, la Russie et l'Inde échangent leur expérience dans la formation et l'emploi des forces armées au cours des manœuvres communes auxquelles sont engagées les forces navales, aériennes et terrestres des deux pays. Parmi les manœuvres les plus importantes, on peut citer Indra-2007 en 2007. De nombreux officiers indiens sont formés en Russie.

Le marché indien est l'un des plus attrayants et, en même temps, l'un des plus difficiles pour les producteurs mondiaux d'armement qui se font concurrence. Les armes russes doivent y faire preuve de leurs avantages dans la compétition avec les meilleurs modèles américains et européens et les propositions russes  se doivent d’être non moins avantageuses que celles du monde occidental. Il est peu probable que la Russie reçoive les ¾ des commandes des forces armées indiennes, comme c'était le cas à l'époque de l'URSS, mais les producteurs et les auteurs de projets russes ne renonceront pas à la lutte pour un marché aussi avantageux. D'autre part, il est aussi peu probable que l'Inde renonce à un partenaire éprouvé, ce dont témoigne, entre autres, l'intention de signer un programme à long terme de coopération dans le domaine militaire.

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