Moscou, port d’attache des radicaux proche-orientaux?

© RIA Novosti . Aleksey Nikolskyi / Accéder à la base multimédiaLe premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou
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La visite du premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou en Russie témoigne en elle-même d’un succès important remporté par la diplomatie russe

La visite du premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou en Russie témoigne en elle-même d’un succès important remporté par la diplomatie russe. La Russie est en effet l’unique pays au monde à avoir accueilli, en six mois, tous les participants au conflit arabo-israélien, y compris les plus radicaux. A une semaine de la visite de Nétanyahou, le chef des radicaux palestiniens Khaled Mechaal, un des dirigeants du mouvement de la résistance islamique Hamas, s’était rendu à Moscou. Presqu’au même moment, Moscou avait accueilli le président officiellement reconnu de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas qui représente le mouvement Fatah jadis dirigé par Arafat et considéré en Occident comme centriste. En mai de l’année dernière, le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, ancien citoyen de la République soviétique de Moldavie et premier parmi les faucons, avait également effectué une visite dans la capitale russe. Bref, les deux pôles du conflit proche-oriental se sont réunis à Moscou.

Le conflit arabo-israélien, c’est l’hiver éternel alternant avec des dégels de courte durée, suivis, en règle générale, de froids encore plus durs. Avec les coalitions qui se sont formées ces dernières années dans le monde politique israélien et palestinien, la réconciliation est impossible et il est peu probable que la reprise des négociations interrompues il y a plus d’un an apporte des résultats avant les prochaines élections. Le maximum que puisse faire la communauté mondiale, c’est de garder une porte ouverte aux négociations auxquelles les leaders palestiniens et israéliens pourraient parvenir sans perdre la face lors du prochain "dégel".

C’est ce que fait la Russie en écoutant avec bienveillance les deux versions (naturellement diamétralement opposées) des événements qui surviennent dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Lors des rencontres avec les leaders palestiniens et israéliens, les dirigeants et les diplomates russes n’essaient de faire la leçon à aucune des forces opposées : ni à Israël, ni aux dirigeants de l’Autorité palestinienne, ni au Hamas parvenu au pouvoir à Gaza par la force après sa victoire aux élections de 2007.

En ce qui concerne les États-Unis, les enjeux de l’administration Bush dans cette région étaient bien plus ambitieux que ceux que pourrait avoir Moscou, mais quels furent les résultats ? Le New York Times écrivait en se référant à des proches de l’ancien Secrétaire d’État américain qu’en apprenant par les informations télévisées la victoire remportée par le Hamas aux élections de 2007, Condoleezza Rice était tombée de son home trainer en s’exclamant : « Mais ce n’est pas vrai, ça ! » Le plan de George W. Bush de provoquer un effet de « domino démocratique » en renversant le régime dictatorial en Irak a échoué.

Le projet était pourtant grandiose: partout circulaient des propos sur le renversement du régime au pouvoir en Syrie et l’ancien directeur de la CIA James Woolsey menaçait de "démocratiser" même la politique égyptienne. Mais lorsque ceux qui ne se donnent pas la peine de tenir compte de l’histoire et de l’ethnologie veulent démocratiser les peuples du tiers monde, l’effet de leurs efforts est, en règle générale, catastrophique. C’est bien ce qui eut lieu. La destruction de l’Irak en tant que puissance régionale entraîna une montée en puissance de l’Iran en accentuant, en même temps, la tentation de Téhéran d’accéder à la bombe nucléaire comme meilleure garantie de sécurité. Les actions militaires en Irak mobilisèrent la clandestinité islamique dans le monde entier et accrut en Israël l’influence des faucons à l’instar d’Avigdor Lieberman qu’on imagine mal en train d’engager le dialogue avec les Palestiniens. A présent, une double menace pour la paix émane du Proche-Orient: la maîtrise probable de l’arme nucléaire par l’Iran et une frappe préventive israélienne non moins probable contre l’Iran, car les Israéliens savent bien depuis 1967 que la meilleure défense, c’est l’attaque.

Dans ce contexte, la Russie peut de nouveau jouer un rôle de facteur stabilisant, dans la mesure où notre pays entretient des relations normales avec Israël sans pour autant mettre fin à la coopération économique, voire militaire avec l’Iran. Ni Nétanyahou, ni le président américain Obama ne cachent leur désir de faire cesser cette coopération et d’obtenir que la Russie consente à des sanctions "traumatisantes" du Conseil de sécurité de l’ONU à l’encontre de l’Iran qui pourraient inclure l’interdiction des livraisons d’essence à ce pays (l’Iran dépend à 40% des importations de produits pétroliers).

Mais un tel geste serait très grave et représenterait une grande responsabilité pour la Russie (et, d’ailleurs, pour le monde entier), c’est pourquoi le caractère contradictoire des signaux à ce sujet émis par les dirigeants russes ne doit étonner personne. Selon une tradition peu réjouissante apparue ces vingt dernières années, dans le monde contemporain, les sanctions sont souvent un prélude à une guerre. Dans la situation présente, Israël n’a rien à perdre, les États-Unis sont séparés de l’Iran par deux océans, alors que la Russie et l’Azerbaïdjan (qui a une diaspora de plusieurs millions de personnes en Iran) ont toutes les raisons d’éviter par tous les moyens possibles que les événements prennent une telle tournure. Et là, ne surtout pas oublier le principe suivant: tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler.

Cependant, dans l’immédiat, il faut reconnaître que les "carottes" proposées à la Russie en échange d’une rupture avec l’Iran n’ont rien de particulièrement alléchant. Israël fait tout de même des efforts. Dans la déclaration faite conjointement avec le président russe Dmitri Medvedev, le premier ministre israélien s’est prononcé contre les tentatives de « revoir le bilan de la Seconde Guerre mondiale confirmé par la Charte des Nations Unies » et de réhabiliter les acolytes nazis. Signalons, cependant, que les dirigeants israéliens n’ont pas osé condamner l’attribution du titre de Héros de l’Ukraine à l’antisémite Bandera, en plaçant implicitement les rapports avec Iouchtchenko au-dessus du souvenir des victimes de l’Holocauste. Et d’ailleurs, cette condamnation, pour qui serait-elle un cadeau: pour Moscou ou Israël ? En ce qui concerne les États-Unis, juste à la veille de l’arrivée de Nétanyahou à Moscou, on a appris les projets de déploiement du bouclier antimissile américain en Bulgarie et en Roumanie. Pourtant, selon certaines déclarations récentes, si les États-Unis renonçaient au déploiement de leur bouclier antimissile, Moscou pourrait répondre par certaines actions dirigées contre l’Iran…

Il se peut aussi que les dirigeants américain et israélien n’aient tout simplement pas concerté leurs actions: l’antipathie qu’éprouvent Obama et Nétanyahou l’un pour l’autre n’est un secret pour personne.

Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur

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