Au pays des leçons oubliées

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« Personne n'a su ni rien oublier, ni rien apprendre », ces paroles du chevalier de Panat, officier de marine français, adressées aux partisans de la monarchie française au XIXème siècle pourraient être adressées aujourd’hui aux financiers qui ont semé la panique sur les marchés des valeurs. La fièvre règne sur les principales places financières mondiales et sur fond des problèmes de créances de la Grèce et d’autres pays aux économies faibles, les indices boursiers chutent de façon vertigineuse.

« Personne n'a su ni rien oublier, ni rien apprendre », ces paroles du chevalier de Panat, officier de marine français, adressées aux partisans de la monarchie française au XIXème siècle pourraient être adressées aujourd’hui aux financiers qui ont semé la panique sur les marchés des valeurs. La fièvre règne sur les principales places financières mondiales et sur fond des problèmes de créances de la Grèce et d’autres pays aux économies faibles, les indices boursiers chutent de façon vertigineuse. Les premières séances de mai se sont terminées en baisse : les indices américains DowJones et NASDAQ ont baissé respectivement de 2% et de 2,98%, le DAX allemand, de 2,6% et le FTSE-100 britannique, de 2,56%. Sur le marché russe des actions, les premières séances se sont terminées en baisse de 3%.

 Pour sauver leurs capitaux, les investisseurs se pressent de les placer dans les métaux précieux : à la bourse de New York, le contrat à terme de juin sur l’or a augmenté de 0,2%. Certes, ce n’est pas beaucoup, mais les analystes boursiers affirment que la tendance persistera car la crise des créances prend de l’ampleur et elle pourrait atteindre d’autres pays. L’agence de notation Moody’s a jeté de l’huile sur le feu en déclarant hier qu’elle pourrait revoir à la baisse dans trois à quatre mois la notation souveraine du Portugal d’un, voire de deux crans.

 Les agences de notation ont également joué leur rôle, et pas le moindre, que le remue-ménage actuel autour de la Grèce. D’abord, l’agence de notation Standard&Poor’s a baissé les notations souveraines du pays jusqu’à la catégorie BB+, en le reléguant de la catégorie d’investissements en catégorie spéculative en la rétrogradant ensuite jusqu’à la note dérisoire de BBB-, ce qui a suscité une véritable panique parmi les investisseurs.

 Effectivement, la situation en Grèce laisse à désirer : le pays est presqu’en situation de défaut de paiement en raison de l’impossibilité de refinancer sa dette de 300 milliards d’euros. Le pays doit verser ou refinancer 8,5 milliards d’euros avant le 20 mai 2010. Même l’aide de 100 milliards d’euros promise par l’Union européenne n’a pu influer sur les investisseurs. Pourquoi donc sont-ils si effrayés ? La Grèce n’est pas un acteur prioritaire de l’économie mondiale, ni même de l’économie européenne. Aucun changement négatif n’a été enregistré au niveau d’indices comme ceux de la dynamique de la production, de la demande de consommation ou de l’accessibilité des crédits. Tout simplement, de même qu’à la veille de la crise de 2008-2009, les spéculateurs dont la politique repose sur toutes sortes de notations, de pronostics et de rumeurs font la loi sur les marchés financiers.

 Avant la crise économique, de nombreux économistes affirmaient que l’économie dite virtuelle, ou fictive, s’était trop éloignée de l’économie réelle. Au début de la crise, selon les évaluations de la société FBK, la capitalisation des sociétés nationales des États-Unis et de la Grande-Bretagne par rapport au PIB de ces pays a atteint de 180 à 200%. En Russie, cet indice a été de 116%. Autrement dit, l’argent de la superstructure financière dépassait considérablement ses montants de l’économie réelle.

 Il en a été à peu près de même sur le marché des matières premières où l’accroissement de la consommation de pétrole a été, durant plusieurs années qui ont précédé la crise, d’environ 3% par an avec une hausse annuelle des prix de 48%. En fin de compte, c’est la surchauffe de l’économie qui a été la véritable cause de la crise.

Au plus fort de la crise, les hommes politiques ont parlé beaucoup de la nécessité de modifier l’architecture de l’économie mondiale, de priver les spéculateurs financiers de la possibilité de manipuler les marchés. Mais les paroles ont trop divergé d’avec les actes, les mesures anti-crise des gouvernements se sont réduites à investir de l’argent liquide dans le secteur financier. Des milliards de dollars et d’euros qui n’ont pas été engagés dans l’économie réelle se sont retrouvés sur les marchés des valeurs et des matières premières. Dès le milieu de l’année dernière, la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) de vente de contrats à terme en est venue à la conclusion qu’environ 70% des ventes du pétrole de la marque Texas Sweet à la Bourse de New York étaient spéculatives. En mars 2010, le ministre britannique des Finances Paul Myners a rappelé que, pour sauver le secteur financier, les autorités étaient contraintes de sauver également les responsables de la crise, tout en se désolant que ces responsables, c’est-à-dire les banquiers, n’avaient pas tiré de leçons nécessaires.

Mais il est peu probable que les avertissements du genre « si la crise se répète, les banques pourraient tout perdre » puissent intimider les structures financières qui ont gagné des milliards de dollars grâce à la "lutte" contre la crise. Ce n’est pas par hasard que le lobby bancaire a critiqué et, en fait, torpillé la proposition faite par le président américain Barack Obama au forum de Davos d’interdire par voie législative aux banques de se livrer aux spéculations et de financer les fonds spéculatifs.

Cela signifie cependant la conservation de tous les risques inhérents aux modèles spéculatifs. Il n’est donc pas étonnant qu’aussitôt après les prévisions défavorables des agences de notation les spéculateurs aient commencé à retirer leurs capitaux des marchés.

Les Européens sont mécontents des agences de notation qui ont provoqué, selon eux, la panique et, peut-être, une nouvelle phase dans la crise ; d’ailleurs, d’une manière générale, peut-on faire confiance à ces notations ? Mais peut-on en tenir rigueur aux agences si elles font partie inaliénable du système financier qu’il était prévu de réformer mais qui n’a été, en réalité, que maintenu par les gouvernements des grands États avec leurs mesures anti-crise ? A présent, c’est bien du déjà vu : les fonctionnaires européens s’invitent mutuellement à tirer des leçons de la « crise grecque » et, par exemple, à priver de droit de vote dans l’UE les pays qui vivent au-dessus de leurs moyens, certes, mais la lutte contre la « crise grecque » rappelle beaucoup celle qui avait été menée contre la crise financière de 2008-2009.

 Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur.

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