Nouvelles sanctions contre l'Iran: un cadeau au TNP ou à Téhéran?

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L’adoption mercredi de la quatrième série de sanctions contre l'Iran par le Conseil de sécurité de l'ONU n’a pas calmé les esprits. Au contraire.

 

L’adoption mercredi de la quatrième série de sanctions contre l'Iran par le Conseil de sécurité de l'ONU n’a pas calmé les esprits. Au contraire.

Si la résolution avait été votée à l'unanimité, il y aurait eu moins de doutes quant à son efficacité. Et il y aurait eu encore moins de doutes si le document était plus radical. Les sanctions sont tout de même un outil de punition. Mais les punitions longues et épuisantes, les demi-sanctions donnent généralement le résultat inverse. Derrière la résolution, il n'y a ni unanimité ni « détermination absolue ». Or l'unanimité était plus que nécessaire.

L'un des objectifs principaux de la nouvelle résolution, selon le président américain Barack Obama, était de montrer à Téhéran qu'il s'isolait complètement du reste du monde, et que s'il cesse les recherches nucléaires et accepte les négociations, il sera « bien traité » et obtiendra beaucoup. C’est la tactique de la carotte et du bâton.

A l'exception de la Turquie et du Brésil qui ont voté contre et du Liban qui s'est abstenu, les 12 autres membres du Conseil de sécurité (y compris les pays ayant le droit de veto) ont voté en faveur de la résolution.

On pourrait reprocher à Ankara et à Beyrouth leur solidarité avec un frère musulman. Mais cela ne peut être le cas du Brésil. Or, ce dernier, sur lequel s'alignent beaucoup e faisant partie de l'ONU, ne peut pas être évincé de l’équilibre géopolitique. Le Brésil et la Turquie ont été offensés que les pays du groupe des « Six » (Russie, Chine, États-Unis, Grande-Bretagne, France et Allemagne) n’aient pas accordé de l'importance à leur accord conclu le 17 mai avec l'Iran. Selon cet accord, l'Iran acceptait d'envoyer en Turquie 1,2 tonne d'uranium faiblement enrichi en échange de 120 kg de combustible nucléaire durant cette l'année.  Auparavant l'Iran exigeait d'effectuer cet échange exclusivement sur son territoire. Les pays occidentaux ont encore déclaré qu'ils étaient prêts à revenir sur l’examen de cette possibilité. Mais suite aux sanctions, il est peu probable que l'Iran accepte de le faire. Maintenant il va certainement interrompre les négociations avec les « Six ».

Immédiatement après le vote, Lula da Silva, le président brésilien, a déclaré que l'application des sanctions « affaiblissait la position » du Conseil de sécurité. Il a qualifié la résolution de victoire à la Pyrrhus et a demandé de réformer l’ONU et son  Conseil de sécurité. Cette idée est très populaire en dehors des cinq membres permanents du Conseil.

Cela est loin de ressembler à un front monolithique et à un imminent « isolement total». Il serait naïf de croire que Téhéran n'en profitera pas. Et en en profitant, il se comportera différemment de ce qu’il faisait jusqu’à présent.

C’est précisément ce « différemment » qui s'avère être l'obstacle au règlement du problème nucléaire de l'Iran. Que faut-il pour qu'un pays se comporte « différemment » : des sanctions ou des négociations diplomatiques?

Toute sanction est une « boite à double fond ». Maladroitement formulée ou introduite à un moment inopportun, avec un but caché de résoudre les problèmes qui diffèrent beaucoup des raisons officielles, elle aide plutôt celui à qui l'on veut nuire (dans le cas présent, il est question du régime d'Ahmadinejad) et nuit aux personnes que l'on veut aider (dans le cas présent, les Iraniens).

Les relations entre l'Iran et l'Occident ne sont pas très saines. À qui la faute? Cela n'a plus beaucoup d'importance. L’essentiel est que les sanctions élargies assurent automatiquement à Téhéran la prolongation du « régime d’isolement extérieur » (actuellement celui d'Ahmadinejad, mais cela pourrait très bien être quelqu'un d'autre). Et on peut tout justifier par cet « isolement »: la création d'une bombe, la lutte contre l'opposition locale, l'austérité économique et les victimes. Les sanctions ont toujours été considérées par les Iraniens comme un outil occidental de destruction de la République islamique, un complot contre l'islam.

Il serait erroné de penser que les sanctions n'auront aucune influence sur les Iraniens. La Russie et la Chine les ont acceptées à condition que les sanctions n'entravent pas le commerce et le secteur pétrolier (énergétique). Il n'y aura pas d'impact. Mais tout de même...

Les sanctions sont tout d'abord dirigées contre le Corps des Gardiens de la révolution islamique, les GRI,  (interdiction d'effectuer des opérations bancaires, le financement, le boycott des entreprises et des institutions financières contrôlées par les GRI). Mais le Corps ce n’est pas seulement une structure extraordinaire paramilitaire. Il est depuis longtemps le plus grand groupe d’influence économique de l'Iran qui contrôle ou détient des entreprises commerciales, maritimes, financières, industrielles, pétrolières et gazières (jusqu'à 80% des ressources pétrolières et jusqu'à 50% de toute l'économie du pays).

Il serait étrange d'affirmer que les sanctions n'auront aucun impact sur le secteur énergétique du pays. Tous les programmes nucléaires de Téhéran sont financés par les recettes provenant des exportations de pétrole (dont la majeure partie est contrôlée par les GRI). Il s'avère que « sanctionner » le Corps reviendrait à sanctionner toute l'économie nationale de l'Iran. Et ne pas « sanctionner » le secteur énergétique signifie « ne pas limiter » le programme nucléaire iranien.

Quelle est la voie à suivre ? La résolution n’aide en rien dans les négociations avec l'Iran sur l’arrêt de son programme nucléaire, au contraire, celles-ci  risquent d’être rompues. Elle n'aidera pas non plus l’opposition qui, en fait, défend le droit de l'Iran au développement du nucléaire civil et aux travaux de recherches. L'économie de l'Iran se retrouve dans une situation déplorable. Les sanctions ne feront qu'empirer tous ces problèmes, et par la même occasion, la situation des Iraniens. Selon les informations officielles, sur un total de 73 millions d'habitants, 10 millions vivent dans une pauvreté « totale » et 30 millions dans une pauvreté « relative ». Et combien de temps durera cette résolution? Six mois? Un an? Et ensuite, une nouvelle résolution, un ultimatum, une frappe militaire? Que des questions.

La Russie qui a voté pour les sanctions initiées par les États-Unis ressentira bien sûr l’impact de ce geste susceptible de diminuer la confiance qu’on lui fait. Cette démarche ne peut engendrer aucune réaction sérieuse, encore moins la rupture de la coopération avec l'Iran dans le secteur énergétique. En fait, nous serons capables de vendre à l'Iran des systèmes de défense antiaérienne, ce qui était convenu avant l’adoption des sanctions qui s'appliquent seulement aux armements offensifs.

Curieusement, ces sanctions pourraient contribuer au règlement d’un autre problème de non-prolifération. Les pays arabes, l'Inde, le Pakistan, la Turquie et le Brésil insistent depuis longtemps sur l'ajustement du régime de non-prolifération, pour que les États-Unis poussent Israël à signer le traité de non prolifération et à ouvrir son propre programme nucléaire. A la lumière de nouvelles sanctions, Washington aurait du mal à s’opposer à de telles exigences.

 

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

 

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