La présidence belge va aggraver la situation européenne

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La conjonction des astres peut être parfois fatidique. A partir du 1er juillet, la Belgique assumera la présidence de l'Union européenne.

 

La conjonction des astres peut être parfois fatidique. A partir du 1er juillet, la Belgique assumera la présidence de l'Union européenne. Durant six mois, tout sera belge dans l'UE: sa capitale (Bruxelles), son président (Herman Van Rompuy), et le pays assumant la présidence de l'UE, la Belgique. L'Union européenne a connu toutes sortes de crises, graves et très graves, mais les problèmes du Vieux Monde ne s’était jamais encore agglomérés en un mal aussi colossal, couronné en plus par la présidence d’un pays littéralement déchiré par les tendances séparatistes.

Après que l’Union Européenne avait reçu une nouvelle constitution et, depuis le 1er janvier 2010, un président (un nouveau poste de président permanent du Conseil européen), les pays qui assument, à tour de rôle, tous les six mois, la présidence tournante de l'UE ne jouent plus un rôle si important qu’avant 2010, bien qu'ils continuent à influer sur l'agenda. Mais il s'agit là surtout de symboles. Or, en temps de crise dans l'UE, les symboles prennent de la consistance.

La Belgique prend ses fonctions de président de l'UE sans avoir de gouvernement. Ces trois dernières années, déjà quatre cabinets se sont succédés dans le royaume de Belgique. De nouvelles élections législatives anticipées s’y sont tenues pas plus tard que le 13 juin, mais le gouvernement n'est toujours pas formé et on dit que ce ne sera pas le cas avant octobre au plus tôt. La nécessité de former un nouveau cabinet composés de Flamands et de Wallons, deux antagonistes linguistiques et nationalistes, laisse supposer qu'il n'y aura de cabinet ni en novembre, ni en décembre. Cela est déjà arrivé à la Belgique de vivre sans cabinet durant neuf mois.

La formation d'un nouveau "cocktail gouvernemental" qui doit comporter obligatoirement, selon la constitution, les partis francophones et néerlandophones, sera cette fois particulièrement difficile. La Nouvelle alliance flamande nationaliste (N-VA) a "remporté" les élections et le roi des Belges, Albert II, a chargé son chef, Bart de Wever, de former un cabinet. L'alliance a 27 mandants dans la chambre basse de 150 sièges et 9 mandants au sénat. Le Parti socialiste francophone a 26 sièges et sept sénateurs. Pour former une coalition plus ou moins stable, il faut qu'elle comporte au moins 8 partis. Selon les notions belges, l'Alliance est encore un parti de nationalistes modérés qui se prononcent pour une large autonomie de la Flandre (la partie néerlandophone, la plus riche du pays, 6,5 millions d'habitants) et de la Wallonie (le Sud francophone, plus pauvre, 4 millions d'habitants), y compris l'indépendance économique totale au sein d'une confédération.

Les francophones de la Belgique s'y sont toujours opposés, car les secteurs essentiels de l'économie sont concentrés dans le Nord flamand, par conséquent, leur "indépendance économique" les priverait de revenus. Bart de Wever affirme à juste raison que les "Français" feraient mieux d'accepter "sa confédération", sinon ils risquent d'exacerber encore plus l'antagonisme des Flamands et d'inciter à venir au pouvoir les partis qui proposent, tout simplement, de découper la Belgique en deux Etats. Des parties comme cela existent bel et bien.

Il faut bien reconnaître que les Belges ne sont pas si sanguinaires et primitifs pour rêver de diviser le plus vite possible leur cher pays en Koninkrijk België (flamand), Royaume de Belgique (français) et Köningreich Belgien (la partie germanophone du royaume). Mais tout simplement, la génétique nationale de la Belgique est très mauvaise. Durant toute son histoire, le territoire de ce pays qui a accueilli la capitale européenne avait été coupé et recoupé par ses "grands" voisins européens proches et lointains, ce qui avait provoqué un "dédoublement de la personnalité" stable de la Belgique. Certains estiment même que la Belgique est actuellement le premier candidat à la "balkanisation" en Europe occidentale.

Et voilà qu’un tel Etat et son ancien premier ministre (Van Rompuy) dirigeront maintenant l'UE. Et s'il ne s'agissait que de cela…

L'Union européenne arrive au "changement de pouvoir" en période d’une crise sans précédent de la zone euro et cette crise prend, justement à la veille de cet événement, une tournure encore plus fâcheuse. Le fait est que toutes les plus grandes banques de l'Europe doivent rembourser, avant le 1er juillet, à la Banque centrale européenne, une partie du prêt "injecté" sur marchés financiers pour qu'ils ne soient pas à sec. La somme est importante: 442 milliards d'euros. De nombreuses banques ne sont pas en état de rembourser leurs parties des prêts à la BCE, mais celle-ci insiste sur le remboursement en menaçant les banques de pénalités. De ce fait, le 30 juin, les actions des principales institutions financières de l'Europe ont vertigineusement chuté et l'euro a commencé à se dévaluer. Les experts européens affirment déjà qu'il est trop tôt pour parler du "point culminant" dépassé de la crise et qu'une "rechute" dans la crise est fort possible.

Bref, la situation en Europe est pénible, aussi bien sur le plan financier que politique. Elle est désastreuse en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Italie et en Irlande. L'ancien ministre letton des Affaires étrangères, Jānis Jurkāns, a récemment annoncé que l'Etat letton avait fait faillite et perdu son indépendance. Des mesures draconiennes d'austérité se sont abattues sur l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne en sapant les positions des gouvernements et des partis. Au point que des changements politiques ne semblent plus invraisemblables sans même attendre les élections législatives. Car si ça va mal pour la zone euro (16 pays de l'UE), ça va mal aussi pour les finances européennes, l'économie européenne, l'unité européenne et la politique européenne. Ca va mal pour la chancelière d'Allemagne Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy.

La cote de popularité d'Angela Merkel est déjà au plus bas et l'Allemagne n'exclut pas que la chancelière puisse "ne pas tenir" jusqu'aux élections de 2013 à cause de l’opposition croissante au sein de son propre parti. Certains politologues allemands affirment que seule la victoire de l’équipe allemande au Mondial d'Afrique du Sud pourrait sauver Merkel : pendant ces événements, les Allemands sont normalement débordants d'enthousiasme et ils peuvent parfaitement donner une "deuxième chance" à la chancelière. En théorie, c'est possible. En pratique, il faut attendre encore quelques jours.

Et c’est à ce moment crucial que la Grande Europe se retrouve sous la direction de la Belgique, pays qui ne fait, ces cinq dernières années, qu'essayer d'éviter une nouvelle crise politique.

Il semble, en général, que l'UE sera tellement occupée par ses propres problèmes dans les six prochains mois qu'il est peu probable qu'elle réussisse à signer un nouvel accord tant attendu de partenariat avec la Russie renouvelant celui expiré en 2007 (mais prorogé chaque année). Certains diplomates l’espéraient déjà pour l'automne prochain, lors d'un nouveau sommet Russie-UE. A présent, personne ne peut le garantir.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

 

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