Les historiens n’ont pas le droit de porter un jugement

© RIA Novosti . Alexander Kapustyanskiy / Accéder à la base multimédiaLes experts russes et allemands estiment que les historiens n’ont pas le droit de porter un jugement
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Russie – Pologne – Allemagne, tel est le triangle qui a été au centre de contradictions historiques depuis des siècles. Or, la Russie et l’Allemagne contemporaines, connaissant et se souvenant de leur histoire, ont réussi à surmonter le poids du passé historique. Pourquoi la Russie parvient-elle rarement à établir un dialogue avec la Pologne dans ses discussions sur l’Histoire ?

 

Russie – Pologne – Allemagne, tel est le triangle qui a été au centre de contradictions historiques depuis des siècles. Or, la Russie et l’Allemagne contemporaines, connaissant et se souvenant de leur histoire, ont réussi à surmonter le poids du passé historique. Pourquoi la Russie parvient-elle rarement à établir un dialogue avec la Pologne dans ses discussions sur l’Histoire ? Toutes les contradictions historiques ont-elles été surmontées entre l’Allemagne et la Pologne ? Des réponses à ces questions ont fait l’objet de recherches des participants à la conférence vidéo Moscou-Berlin " Russie – Pologne – Allemagne dans la politique européenne contemporaine face à l’histoire de leurs relations et contradictions ", qui s’est tenue à RIA Novosti dans le cadre du projet " Attention, histoire ! "

 

L’échec de l’Europe

La discussion a été ouverte par Viatcheslav Dachitchev, directeur scientifique du Centre des recherches économiques et politiques internationales de l’Institut d’Économie de l’Académie des Sciences de Russie : " Dans les années 30 du XXe siècle, en Europe, malheureusement, il a été impossible de créer un régime normal de sécurité collective. Résultat, l’Allemagne hitlérienne a déclenché la Seconde Guerre mondiale, mais c’est également la responsabilité d’autres puissances et autres pays européens, y compris la Pologne ".

" La Pologne a approuvé l’accord de Munich de 1938 et a bénéficié plus tard d’une partie de la Tchécoslovaquie, agissant ainsi conformément à la politique du Troisième Reich, dont elle est devenue la victime par la suite ", a rappelé Dachitchev. Il poursuit : " Litvinov, le commissaire du peuple aux Affaires étrangères de l’URSS, lors de son intervention à la Société des Nations, a invité la Grande-Bretagne, la France et d’autres pays à constituer un front uni en opposition à l’Allemagne mais son appel n’a pas été entendu. Peu de temps après Litvinov a été démis de ses fonctions et Berlin et Moscou se sont rapprochés, Hitler avait les mains libres à l’ouest et la guerre a éclaté ".

" L’Europe a perdu le XXe siècle, estime Viatcheslav Dachitchev. Les deux guerres mondiales et la guerre froide. Ce sont les États-Unis qui en ont profité et qui continuent jusqu’à présent à semer la discorde, y compris dans les relations entre la Russie et les pays de l’Europe de l’Est, surtout avec la Pologne ". L’historien est convaincu qu’il faudrait revenir à la Charte de Paris de 1990 qui annonçait la fin de l’ère d’hostilité et le rejet des structures de blocs. Ainsi, les relations russo-polonaises pourraient être normalisées.

 

Le différend entre les Slaves

" La Seconde guerre mondiale était inévitable, et l’ancien " différend entre les Slaves ", les relations complexes entre la Pologne et l’URSS-Russie, est un facteur secondaire ", estime Mikhaïl Miagkov, directeur du Centre d’histoire des guerres et de géopolitique de l’Institut d’Histoire Mondiale de l’Académie des Sciences de Russie. Il poursuit : " La Pologne s’est retrouvée entre deux feux, l’Union soviétique et l’Allemagne hitlérienne, et est ainsi devenue contre son gré l’otage de la politique agressive du troisième Reich ".

En même temps, Miagkov est convaincu que " Les analogies historiques ne font que gâcher et empoisonner les relations russo-polonaises actuelles. Il faut laisser ce sujet intégralement entre les mains des historiens, les politiques ne doivent plus fouiller dans les rancunes du passé et, le plus important, tout le monde doit se calmer ".

Boris Nossov, le chef du département d’histoire des peuples slaves d’Europe Centrale de l’époque moderne de l’Institut des Études Slaves de l’Académie des Sciences de Russie, partage cet avis : " Il n’y a aucune lutte contre les fantômes du passé, ce sont les politiques qui tentent de résoudre les problèmes immédiats et l’histoire n’est pour eux qu’un prétexte pour régler les comptes politiques ". Il s’est prononcé contre les graves accusations historiques lancées contre la Pologne : " C’est Hitler qui avait la plus grande responsabilité, et nous, Moscou et Varsovie, devrions chercher ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous divise ".

 

La somme des interprétations

Le professeur Dachitchev a expliqué plus en détail son point de vue : " Les tentatives de dissimuler les erreurs et les crimes historiques ne conduisent à rien de bon. Ainsi, les autorités de l’URSS ont pendant des décennies réfuté l’existence des protocoles secrets du pacte Ribbentrop-Molotov et ne les ont reconnus qu’à la fin de 1989. Bien entendu, cela a provoqué une réaction négative de la Pologne ".

" Par ailleurs, il faut reconnaître la responsabilité du gouvernement de l’URSS, Staline a également joué un rôle dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Hitler a réussi à le duper, et il a pratiquement joué le jeu d’Hitler en lui libérant les mains sur le front de l’ouest ", juge nécessaire de faire remarquer Dachitchev.

Stephan Meister, le chef de projet du Centre de recherches en Europe centrale et orientale de la Fondation Robert Bosch, a invité à refuser de mythologiser l’histoire : " Tous les Allemands étaient loin d’être des nazis, mais les nazis ne sont pas tombés du ciel ou venus de nulle part. Il est arrivé autant à des Polonais d’être des victimes de l’histoire que des criminels. Les soldats de l’Armée rouge ont également été aussi bien des vainqueurs que des criminels lorsque l’URSS a annexé l’Europe de l’Est ".

 

Miagkov est fortement en désaccord avec la dernière affirmation : " J’estime qu’il est amoral de qualifier de criminelle l’Armée rouge qui a sauvé le monde de la peste brune ! Des excès ont été commis par toutes les parties et ils ne doivent pas occulter le plus important ", a déclaré le professeur de l’Institut d’État des Relations Internationales de Moscou (MGIMO). Meister a répondu : " Je ne sous-estime en aucun cas l’importance et le rôle de l’Armée rouge dans la défaite du nazisme. Les faits parlent d’eux-mêmes ".

Robert Maier, chef du département de l'Institut Georg Eckert de recherche internationale sur les manuels scolaires, membre de la commission germano-polonaise pour l’écriture d’un manuel d’histoire, ébauche un résumé du débat : " Il n’existe pas une vérité historique unique. Il y a toujours des raisonnements et des interprétations diverses mais cela ne doit pas devenir un motif de confrontation ". " La somme des diverses interprétations est l’essence même de notre perception globale de l’histoire. Il est important que les historiens évitent de prendre les fonctions de juges et de rendre des sentences unilatérales ", a résumé Boris Nossov.

Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur.

 

 

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