La vie des Roms à 101 km de Moscou

© RIA Novosti . Dmitry VinogradovLa vie des Roms à 101 km de Moscou
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Des maisons plain-pied, des rues sans pavage avec de vieilles voitures au lieu de chevaux… A première vue, le campement tsigane ressemble fort à un village russe ordinaire.

Des maisons plain-pied, des rues sans pavage avec de vieilles voitures au lieu de chevaux… A première vue, le campement tsigane ressemble fort à un village russe ordinaire. En y regardant de plus près on note certaines différences: une ‘’collection‘’ de vêtements pour enfants, dont le choix ferait la joie de chaque magasin, flottent au vent près de chaque maison, et il n’y pas de clôture entre les maisons. En revanche, tout le campement a été entouré par une haute clôture, par mesures de sécurité.

3 000 roubles pour le baron

‘’ Donne-moi 100 000 roubles et filme ce que tu voudras ‘’, exige le baron Anatoli après la demande du journaliste de RIA Novosti de visiter le campement, de voir la vie des Roms, de faire des photos et de lui accorder une interview. Il a l’air plutôt modeste pour un homme qui a de telles ambitions – une vieille veste, un béret, une rangée de dents en or. ‘’Que veux-tu? Nous avons 50 familles ici, il faut nourrir tout le monde‘’, dit-il.
Les barons tsiganes sont toujours discrets, l'étranger ne devinera jamais que c’est le plus influent des membres de la communauté et pas un simple soulard. Seul son regard sournois et intelligent le trahit – il ne semble pas croire lui-même au succès de sa requête. Et il a raison de ne pas y croire, car je n’ai pas tant d’argent. Pour cette raison, le prix descend rapidement à 5.000 roubles, puis à 2.000. ‘’Il faut qu’on puisse t’accueillir‘’, argumente-t-il la nécessité de payer. Les 2.000 roubles aboutissent rapidement dans sa poche.

Puis le journaliste de RIA Novosti est immédiatement expulsé du campement en disant ‘’ reviens dans une semaine, nous devons nous préparer ‘’. Il s’avère par la suite que la préparation consistait à collecter et à glaner des informations sur le visiteur: qui est-ce, quelles sont ses intentions réelles. On n’aime pas trop les étrangers par ici.

Est-il besoin de préciser qu’une semaine plus tard personne ne se souvient des 2.000 roubles. Le baron exige de nouveau de l’argent. Maintenant il prétend qu'il a le foie malade et dit qu’il va falloir acheter des médicaments. On arrive à s’entendre sur 1.000 roubles.
Le baron déclare solennellement qu’il n’a que cinq minutes à accorder pour l’interview, invite le correspondant dans sa maison et s’assoit sur un canapé affaissé entouré d’une vingtaine d’enfants. L’interview commence.

‘’Nous sommes pauvres, nous n’avons pas de travail, nous avons beaucoup d’enfants et nous n’avons pas de quoi les nourrir, explique le baron. Personne ne nous aide, ni le conseil municipal ni le comité régional. Donnez-nous du travail de ferblanterie pour construire des toits‘’.

Puis il se lève et s’en va. Les cinq minutes se sont écoulées, l’interview est terminée. En réalité le baron n’est pas occupé, il fait simplement monter les enchères. Après l’audience il s’assoit sur un banc près de sa maison et continue à prendre des bains de soleil.

Le campement et la clôture

L’action se déroule dans le village Konakhovsky Mokh au sud de la région de Tver, à environ 100 kilomètres de Moscou. Auparavant, le campement se trouvait dans la banlieue de Moscou mais il a été déplacé à 101 kilomètres de là (NdT: distance de la capitale à laquelle se trouvaient relégués les droits communs ayant purgé leur peine, il leur était interdit de franchir la fameuse ligne des 101 km) à la veille des Jeux Olympique de 1980 à Moscou. Depuis sa population a atteint 350 personnes.

A la gare locale desservie trois fois par jour par les trains en provenance de la gare de Leningrad (NdT: une des gares centrales de Moscou), on comprend que le campement est tout près. Deux tsiganes attendent les Moscovites qui rejoignent leurs datchas pour le week-end afin de leur prédire l’avenir. Ce même train est assiégé par un groupe de tsiganes. Un brun moustachu, le pied posé sur la marche du train hurle ‘’plus vite!‘’ à une tsigane, toute parée d'or et vêtue d'une jupe chamarrée, qui court par les buissons.

Près de la gare, les enfants tsiganes harcèlent le conducteur d’une voiture de marque étrangère. L’homme donne 100 roubles à l’un d’entre eux et les autres exigent immédiatement leur part. Le gamin s’effondre en hurlant et en se roulant par terre, comme s’il était battu à mort. Mais son petit jeu n’a aucun effet sur ses camarades. Sans vouloir frapper qui que ce soit, ils expliquent au copain que Dieu avait ordonné de partager.

Une grande clôture se trouve à 100 de la gare marquant la délimitation du campement.

A première vue, c’est un village russe ordinaire. Des maisons de bois, des rues sans pavages avec des poules, des oies et des vieilles voitures stationnées au lieu de chevaux. Ensuite on commence à remarquer les différences. Près de chaque maison, des dizaines de vêtements pour enfants sont suspendus, des hommes bourrus vêtus de vestes noires errent avec de la ferraille et il n’y a pas de clôture entre les maisons, la seule étant celle qui entoure tout le village.

Chaque année on organise le festival ‘’Invasion‘’, en avez-vous entendu parler?, parle de la clôture Arthur, le fils aîné du baron. Nous avons peur que les skinheads passent par-dessus‘’.

Mais les craintes des tsiganes sont particulières.

‘’Il y peu de chances qu’ils nous attaquent en foule, explique Arthur, et avec deux imbéciles ont en viendrait à bout, il y a suffisamment d’hommes ici. Et qu’en faire ensuite? Les enterrer dans la forêt? Nous n’avons pas besoin de ce genre d’aventures‘’.

Les tsiganes contre les stupéfiants

En général les tsiganes respectent le Code pénal et tentent de maintenir des relations normales avec les voisins. Ces derniers sont encore sous le choc mais se sont globalement habitués. Et ils n’ont pas le choix car les tsiganes sont domiciliés ici.

‘’Les stupéfiants, jamais. Si nous vendions des stupéfiants on aurait de grandes maisons de brique, dit Arthur. Dans sa voix, rien ne laisse percer le regret de pas de ne pas avoir de belle maison. La drogue engendre le mal. Un dealer ne pourrait pas se retenir d’y goûter. La moitié des gens ici seraient devenus des toxicomanes. Or nous avons des enfants ici…‘’.

En effet, on ne remarque pas beaucoup de luxe par ici. On ne voit que beaucoup d’enfants.

Le campement de Konakovsky Mokh appartient au groupe ethnique des Kalderaches. Ces derniers ont apportés leurs traditions avec eux, comme on dit, à travers les siècles. Aujourd’hui, à Konakhovsky Mokh, ils travaillent les pièces de métal, fabriquent des portes de cheminées, collectent de la ferraille dans les décharges environnantes, parfois en achètent à des sans-abri, puis revendent aux grossistes. Un gamin d’environ dix ans amène une brouette remplie de vieux objets métalliques rouillés: un chasse d’eau, des tuyaux et des pièces métalliques venues on ne sait d’où. Mais en tout cas, il clair qu’il ne les a pas volées chez quelqu’un.

Les tsiganes reçoivent également des vannes, d’origine inconnue. Ce sont de volumineux fragments de conduites qui doivent être nettoyés et réparés. Le fer à souder fait des étincelles, l’odeur de soudure se répand pratiquement dans tout le village. Un tsigane travaille et les autres l’observent attentivement. Pour une vanne ils reçoivent 200-300 roubles. En un mois, un soudeur tsigane arrive à gagner près de 2-3 000 de roubles.

Il existe un manque chronique d’argent. Les femmes et les enfants font ce qu’ils peuvent : ils mendient et prédisent l’avenir.

Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti

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