La Chine change de cap

© RIA Novosti . Ilya Pitalev La Chine change de cap
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La Chine à laquelle la Russie venait à peine de s’habituer – géant industriel en pleine croissance, atelier de fabrication de l’économie mondiale, pays des projets gigantesques et des gratte-ciels, deuxième économie mondiale en passe de devenir première etc. – va disparaître.

La Chine à laquelle la Russie venait à peine de s’habituer – géant industriel en pleine croissance, atelier de fabrication de l’économie mondiale, pays des projets gigantesques et des gratte-ciels, deuxième économie mondiale en passe de devenir première etc. – va disparaître. Les autorités chinoises estiment que le modèle politico-économique qui a apporté à la Chine un succès sans précédent au cours des trente dernières années n’est plus d’actualité. Nous devrons nous habituer à une Chine nouvelle, différente. Et élaborer une nouvelle stratégie de coopération avec ce pays.

Le plénum du parti communiste au pouvoir, chargé d’examiner ce tournant, s’est ouvert à Pékin la semaine dernière pour s’achever lundi (19 octobre). Officiellement, le parti a ‘’ examiné et approuvé les propositions relatives à l’élaboration d’un plan de développement pour les cinq prochaines années, de 2011 à 2015 ‘’. L’élaboration du plan en question ne relève pas de la compétence du parti, de même que son étude par le parlement. Le parti avait, en fait, travaillé sur quelque chose de différent et de bien plus important.

En se référant aux déclarations des experts et des autorités chinoises lors des forums internationaux, on savait depuis plusieurs mois que la Chine prévoyait des changements de grande envergure. Le plénum n’a fait que confirmer que les principales décisions à ce sujet étaient prises. Et, qui plus est, leur a donné un nom difficilement traduisible. Une croissance ‘’ inclusive ‘’ ou ‘’ enveloppante ‘’. En antithèse à une croissance ‘’ exclusive ‘’.

Ce titre est un phénomène en soi, une définition surprenante des intentions de la Chine. Mais gardons à l’esprit que tout parti politique fait de la propagande. Et ce terme étrange, ‘’ inclusif ‘’, relève de la propagande destinée à la population de la Chine et d’autres pays.

Comment le déchiffrent-ils? Le boom économique de la Chine, qui a surpris le monde entier, partait de l’idée de son fondateur, le grand Deng Xiaoping, du fait que certaines personnes (il s’est avéré par la suite que cela concernait certaines régions) ont les capacités et le devoir de devenir riches avant les autres.

C’était, en fait, une idée grandiose. Pour commencer, elle a aboli le communisme en Chine, une doctrine collective et sous-entendant l’égalité (et c’est la raison précise pour laquelle elle n’a jamais connu de succès). D’ailleurs, l’Inde n’a jamais été un pays communiste mais elle respectait tout autant la notion d’égalité, et pour cette raison sa croissance a également connu des difficultés. Dès ‘’ l’abandon ‘’ de la notion d’égalité, l’Inde a aussitôt connu un miracle économique.

Mais, en Chine, nous voyons une suite d’événements qui n’ont plus rien à voir avec les souvenirs du communisme. Actuellement, les Chinois sont mécontents des effets secondaires de leur ‘’ cheminement vers l’inégalité ‘’, des conséquences plutôt pratiques qu’idéologiques. Cela concerne l’écart dangereux entre les revenus des riches et des pauvres, ainsi qu’entre les régions pauvres et les régions riches.

‘’ La croissance inclusive ‘’ consiste en la réduction de l’écart en raison de l’adhésion de nouveaux groupes de la population à la prospérité. En fait, ce n’est pas une notion novatrice. Le président actuel de la Chine Hu Jintao l’a apportée, ou presque, à son arrivée au pouvoir en 2003. Mais aujourd’hui cette notion inclut un nouvel aspect qui n’existait pas lorsque l’économie chinoise se limitait à l’échelle nationale. A Pékin, on parle actuellement ‘’ d’inclure ‘’ à la croissance chinoise tous les pays voisins, voire même les pays lointains.

Evidemment, ce n’est que de la propagande, mais la pratique montre que d’importantes zones de prospérité sont en cours de se constituer le long de la frontière chinoise, en particulier au sud. Même le développement du Japon et de Taïwan dépend aujourd’hui de la Chine. La Russie en est un exemple concret, bien qu’il ne soit pas des plus remarquables. 25 milliards de dollars d’investissements chinois en période de crise, selon les évaluations étrangères, ont été alloués à des projets ayant pour but l’approvisionnement énergétique de la Chine. Mais ce sont tout de même des emplois en Russie, de la construction, en fin de compte de l’argent dans le système bancaire.

En fait, Pékin n’a pas emprunté en vain aux experts de la Banque asiatique du développement, sans se gêner, le terme ‘’ inclusif ‘’. Ce n’est pas une notion nationale, elle est mondiale. Car aujourd’hui il est impossible de faire autrement.

Cessons pourtant de nous attacher aux slogans et regardons la situation d’un point de vue plus pratique.

A l’issue du plénum en Chine, on peut dire ouvertement que le schéma précédent du développement économique du pays, la formule ‘’ investissements – exportation – consommation intérieure ‘’, est arrivé à son terme.

Les idéologistes du parti qui avaient publié leurs projets à la veille du plénum sont allés jusqu’à exprimer une idée relativement choquante. Le taux important de croissance du PIB au cours des dernières années est confronté aujourd’hui à la condition primordiale du boom économique en Chine – la main-d’œuvre bon marché. En d’autres termes, les ouvriers chinois fabriquent beaucoup de marchandises destinées aux marchés américain et européen, pour des personnes aisées. A cet effet on utilise des ressources inrenouvelables de matières premières. Récemment, on apprenait que la Chine avait dépassé les Etats-Unis en termes de consommation de pétrole. Doit-on s’en réjouir?

Il s’avère donc qu’il n’est bénéfique de travailler pour les marchés étrangers qu’au départ, aux premiers stades de développement du pays. Lorsqu’on ne possède pas son propre marché. Mais par la suite, il est nécessaire d’augmenter les salaires, autrement dit il n’y aura plus de main d’œuvre bon marché. D’autre part, en ce qui concerne ‘’ l’inclusion ‘’ dans le développement des régions arriérées et de la classe pauvre de la population, leur pouvoir d’achat accru pourrait précisément donner une nouvelle impulsion à l’économie de la Chine. L’Union Européenne le réclame depuis longtemps à la Chine, en espérant ainsi de relancer son économie grâce aux exportations vers un nouveau marché.

Quel sera alors le rôle de la Chine si le pays n’a plus envie d’être ‘’ un atelier mondial ‘’? La réponse nous paraît familière : créer une économie innovatrice. En fait, beaucoup d’usines et de mines ferment déjà. Il ne reste plus qu’à espérer que cela ne contredise pas les plans similaires de la Russie.

Tout irait bien sans l’estimation objective annoncée lors du plénum à Pékin. Le tournant (rien que le tournant!) vers une nouvelle politique prendra 5-10 ans. Et seulement ensuite on verra ce qu’il en est.
Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti.

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