L'OTAN du Nord: surveiller les ours et les Russes?

© RIA Novosti . Vlasdimir Baranov  / Accéder à la base multimédiaL'OTAN du Nord: surveiller les ours et les Russes?
L'OTAN du Nord: surveiller les ours et les Russes? - Sputnik Afrique
S'abonner
L’un des thèmes du sommet des pays de l’Europe du Nord, qui s’est tenu à Londres les 19 et 20 janvier 2010, concernait la "mini-OTAN."

L’un des thèmes du sommet des pays de l’Europe du Nord, qui s’est tenu à Londres les 19 et 20 janvier 2010, concernait la "mini-OTAN." Telle est l’appellation donnée au projet de création du bloc militaire des pays nordiques que beaucoup qualifient déjà de "réponse à la dynamisation des activités de la Russie dans l’espace septentrional." Toutefois, grâce à WikiLeaks, on connait déjà la phrase de l’ancien ambassadeur américain en Norvège: "Le bloc est créé pour surveiller les ours polaires et les Russes."

Qui payera?

La composition éventuelle de "l’Alliance du Nord" est très intéressante: les pays scandinaves, dont la Finlande et l’Islande, les trois Etats baltes et la Grande-Bretagne. On qualifie l’ancien ministre norvégien des Affaires étrangères et de la Défense, Thorvald Stoltenberg, d’initiateur de la création du bloc.

L’initiative de la Norvège n’est pas étonnante. Dans le contexte de l'intérêt croissant pour les ressources de l’espace septentrional et de la réduction de son armée en raison des difficultés économiques, la Norvège est contrainte de chercher de l’aide. L’appel aux voisins géographiques dans ce cas paraît tout à fait légitime, notamment en raison d’autres circonstances. En particulier, concernant la Grande-Bretagne.

La Grande-Bretagne, indiscutablement l’un des plus puissants pays de l’OTAN et le plus fort de la future "OTAN du Nord", a depuis longtemps ses propres intérêts dans l’espace septentrional et, en raison des relations traditionnellement complexes avec la Russie, est capable de soutenir une telle initiative.

L’implication des Etats baltes dans le projet n’est pas surprenante. Les élites politiques de ces pays sont toujours prêtes à soutenir toute union "antirusse." Dans le cas présent, la "cible" était désignée: selon la presse, Thorvald Stoltenberg a ouvertement déclaré que cette idée était une réaction aux efforts de la Russie.

Le tableau pourrait changer considérablement avec l’adhésion à une telle alliance de la Suède et de la Finlande, deux pays actuellement neutres.

Toutefois, la faisabilité de la création d’une telle union est mise en doute.

Un rêve dans la brume polaire

En fait, Benson Whitney, ancien ambassadeur américain à Oslo, qui a déterminé l’objectif de la nouvelle alliance en tant que mécanisme de "surveillance des Russes et des ours", a également exprimé des doutes quant à la faisabilité de ce projet. En le qualifiant de "rêve dans la brume polaire", Benson Whitney a constaté qu’à l’heure actuelle, même la Norvège n’était pas unanime concernant la nécessité et la possibilité de créer un tel bloc. Selon lui, l’union des efforts des services diplomatiques de divers pays serait d’autant plus complexe.

Toutefois, M. Whitney a fait remarquer qu’en principe le projet d’union pourrait être bénéfique: les formations et les unités de soutien expéditionnaires conjointes des pays scandinaves pourraient être utilisées dans les missions de l’ONU ou dans les missions de l’OTAN sous l’égide américaine.

Il est évident que l'idée d’une telle union ne réjouit pas outre mesure l’administration américaine actuelle, ne fût-ce que parce que cela conduirait à la dégradation considérable des relations avec la Russie, chose dont la Maison blanche n’a aucunement besoin, notamment après tout ce qui a été dit au sommet de l’OTAN à Lisbonne.

La position d’autres puissances européennes, surtout de la France et de l’Allemagne, pourrait avoir une influence importante sur les perspectives de l’union. La France mérite une attention particulière, car depuis quelques temps Paris et Londres sont liés par un traité d'entente militaire. Compte tenu des "relations traditionnellement particulières" entre la France et la Russie, les autorités françaises n'apprécieront certainement pas les tentatives, bien qu’indirectes, faites pour entraîner l'Hexagone dans une confrontation avec la Russie en Arctique.

OTAN: chacun chasse son ours

Le fait qu’en 2011 l’OTAN ne représente plus un bloc monolithique du temps de la guerre froide est évident. Dans le cadre de l’OTAN on note plusieurs processus multidirectionnels à l’égard de la Russie, en fonction des intérêts (ou de l’idéologie, parfois résiduelle) de certains pays. Avant tout, on pourrait faire ressortir le "grand trio", l’Allemagne, la France et l’Italie. Moscou entretient des relations bilatérales particulières avec chacun de ces pays depuis les années 1960, lorsque les autorités soviétiques ont commencé à chercher des centres de force alternatifs à Washington, avec lesquels il serait au moins possible de discuter des affaires en cours et de commercer, en dépit de la "confrontation globale des deux systèmes."

Au final, Berlin, Rome et Paris sont devenus avec le temps les principaux lobbyistes des idées de coopération entre la Russie et l’Alliance.

D’autre part il faut tenir compte des relations de Moscou avec Washington, Londres et les membres de l’OTAN d’Europe de l’Est. Jusqu’à récemment, les pays d’Europe de l’Est, les nouveaux membres de l’OTAN, étaient les alliés les plus loyaux des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dans le cadre du bloc, en jouant en fait le rôle de "meneur de jeu" dans la nouvelle confrontation de l’Alliance et de la Russie.

Après l’arrivée au pouvoir de l’administration de Barack Obama, l’axe américain en politique étrangère a considérablement changé. La Maison Blanche s’est mise à parler de rétablissement de la coopération, tout en réduisant le soutien gouvernemental apporté aux régimes antirusses dans l’espace postsoviétique, et en réduisant considérablement son activité politique dans cette région.

Toutefois, l’establishment politique américain s’est considérablement divisé. On n’avait pas observé depuis longtemps de divergences aussi sérieuses entre la position de l’administration et de son opposition sur les relations avec la Russie.

Toutefois, malgré le redémarrage entre la Russie et les Etats-Unis, ce processus n’a jamais commencé entre la Russie et la Grande-Bretagne, et dans les conditions de réduction de l’activité américaine en politique étrangère, Londres, qui a suivi pendant de nombreuses années le sillage de Washington, s’est mis à chercher ses propres voies. L’une de ces voies a conduit à la discussion lors du sommet de Londres de l’idée de l’OTAN du Nord, dans laquelle se sont curieusement mélangés les intérêts polaires de la Norvège, les phobies traditionnelles des pays Baltes, les recherches d’une stratégie à long terme de la Finlande et de nombreuses autres ambitions.

La faisabilité de la constitution d’un bloc militaire sur une base aussi diversifiée a déjà été mise en doute. Il ne reste qu’à rappeler que la sécurité et la stabilité en Europe ne peuvent être assurées que si la Russie et l’OTAN coopèrent, et c'est l'unique moyen.

Et il serait préférable de laisser la surveillance des ours blancs à la Commission de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Cela relève de ses compétences directes.

Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала