Les hydrocarbures russes destinés à la Biélorussie: les soldes sont finies

© RIA Novosti . Alexey Drujinin / Accéder à la base multimédiaVladimir Poutine et Mikhaïl Miasnikovitch
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Le premier ministre russe, Vladimir Poutine, a rencontré jeudi son homologue biélorusse, Mikhaïl Miasnikovitch.

Le premier ministre russe, Vladimir Poutine, a rencontré jeudi son homologue biélorusse, Mikhaïl Miasnikovitch. Les prix auquels la Biélorussie achètera le gaz russe en 2011, ainsi que les taxes à l’exportation du pétrole russe vers ce pays voisin ont constitué la principale intrigue des négociations. Le "gala" politique du nouveau chef du gouvernement biélorusse était une intrigue secondaire. Mikhaïl Miasnikovitch, vétéran de la vie politique biélorusse âgé de 73 ans, a remplacé, de manière assez inattendue, son prédécesseur, Sergueï Sidorsky, après les événements dramatiques du 19 décembre liés à l’élection présidentielle et la dispersion par les forces de l'ordre des manifestants à Minsk.

En matière d’économie, la position russe est bien connue: l’amitié entre les deux pays ne doit pas empêcher la Biélorussie de s’habituer à payer les hydrocarbures russes au prix du marché mondial. De sont côté, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, fait constamment remarquer que la Biélorussie a conclu l’Union douanière avec la Russie, que les économies des deux pays sont intégrées et que les hydrocarbures bon marché destinés aux entreprises russes vont à l’encontre des règles de la concurrence loyale dans l’Espace économique commun. En effet, les produits russes, fabriqués avec l’utilisation du pétrole et du gaz bon marché, ont un prix de revient moins élevé, et ils sont sûrs d’évincer les produits biélorusses du marché, quelle que soit l’efficacité des entreprises biélorusses.

Un compromis tacite a été conclu suite aux longs scandales ayant conduit au hiatus dans les relations russo-biélorusse au plus haut niveau. Il a été décidé de sevrer les Biélorusses en douceur: le prix des hydrocarbures russes augmentera par étapes.

Ainsi, en 2008, le prix du gaz russe destiné à la Biélorussie, calculé selon la formule européenne, prévoyait l’application d’une réduction de 30%. En 2009, cette réduction est passée à 20% et à 10% en 2010. L’intrigue persistait quant à l’année 2011: en toute logique, la politique du sevrage devrait aboutir cette année à l’abandon des réductions.

Dans ces conditions, la tactique d’Alexandre Loukachenko consistait à faire passer, aux yeux de l’opinion publique, chaque diminution de ces réductions pour un coup de foudre dans un ciel serein et pour un coup de poignard dans le dos de la Biélorussie infligé par les Russes, bien que ces derniers n’aient jamais rien entrepris dans le secteur énergétique sans en avoir averti bien à l’avance leur acariâtre allié. Toutefois, la marge de manoeuvre d’Alexandre Loukachenko est actuellement très étroite: après la dispersion des manifestants par les forces de l'ordre le 19 décembre, l’Union Européenne n’octroyera pas de nouveaux crédits à la Biélorussie. Les crédits ne pourraient venir que de la Russie. Or, le président russe, Dmitri Medvedev, a clairement laissé entendre en 2010 qu’il ne permettrait pas à Loukachenko de traiter de "coup de poignard dans le dos" chaque diminution de la valeur des cadeaux russes offerts bénévolement.

Cela complique encore plus le schéma des livraisons du pétrole russe exonéré de taxes à l’exportation et destiné aux raffineries biélorusses. Pendant des années, Alexandre Loukachenko a réexporté le pétrole russe en transformant les fournitures de ce pétrole soustrait aux taxes en une corne d’abondance.

Après une longue lutte accompagnée d’insultes et de griefs, la Russie s’est engagée à fournir à la Biélorussie 7,6 millions de tonnes de pétrole [par an] exonérés de taxes: selon les calculs de la partie russe, cette quantité correspond à la consommation interne de la république voisine.

"Néanmoins, on sait que les raffineries biélorusses sont en mesure de raffiner jusqu’à 20 millions de tonnes de pétrole par an", fait remarquer Mikhaïl Kroutikhine, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Russian Energy. Manifestement, la partie biélorusse a intérêt à obtenir un maximum de pétrole russe sans taxes afin de faire marcher ces entreprises à plein régime. Or, la Russie n’a accepté que de fournir le minimum nécessaire pour couvrir les besoins de l’économie biélorusse. Mais comment faire ces calculs étant donné que la Biélorussie a touvé un second fournisseur en la personne du Venezuela?"

On sait qu’Alexandre Loukachenko s’est efforcé d'instaurer des liens de coopération avec Ugo Chávez, président contoversé du Venezuela. Suite à des transactions compliquées (des swaps), le pétrole vénézuélien devrait se mettre à affluer en Biélorussie via l’oléoduc Odessa-Brody, autrement dit par le pipeline que la Pologne et l’Ukraine voulaient utiliser afin d’asseoir leur propre indépendance vis-à-vis des hydrocarbures russes.

La question est pourtant de savoir, quelle est la vraie quantité de pétrole qui parviendra jusqu’en Biélorussie. La réponse à cette question est cruciale pour la décision russe: s’il s’avère qu’Alexandre Loukachenko s’est assuré le soutien d’un sponsor latino-américain, c’est que ses besoins en pétrole russe diminueront. De ce fait, la Russie n’aurait aucune raison de continuer à fournir son pétrole, surtout sans taxes à l’exportation.

Lors de leur entrevue, Vladimir Poutine et Mikhaïl Miasnikovitch se sont montrés très courtois en évitant les questions sensibles. Toutefois, ses questions viendront nécessairement ternir de temps en temps le tableau d’ensemble apparemment réussi: les échanges commerciaux entre les deux pays s’élèvent à 25 milliards de dollars, c’est plutôt bien. Ce chiffre est surtout important pour la Biélorussie qui ne compte que dix millions d’habitants. Toutefois, cette croissance s'est accompagnée d'une augmentation du déficit biélorusse résultant de ce commerce. Si Alexandre Loukachenko continue de considérer cette situation comme tout à fait normale, il risque d’épuiser un jour la patience de la Russie.


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