Le monde attend l'après Moubarak

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Il semble que le seigneur égyptien Hosni Moubarak ne réussira pas à tenir jusqu’à la fin de son mandat en septembre. Sa dernière déclaration disant qu’il ne se présentera pas à l’élection présidentielle et restera "à la barre" jusqu’en septembre (au nom de la loi et de la stabilité), n’a impressionné personne.

Il semble que le seigneur égyptien Hosni Moubarak ne réussira pas à tenir jusqu’à la fin de son mandat en septembre. Sa dernière déclaration disant qu’il ne se présentera pas à l’élection présidentielle et restera "à la barre" jusqu’en septembre (au nom de la loi et de la stabilité), n’a impressionné personne. On en viendrait même à plaindre le vieil homme: aujourd’hui, il est difficile de trouver un autre président qui donnerait à tant de personnes l’envie de se convertir en ordonnateurs de pompes funèbres. Et pas seulement dans l'Egypte révoltée contre Moubarak, mais également bien au-delà de ses frontières. A Washington, à Londres, dans l'Union Européenne… De quel départ ordonné peut-on parler lorsqu’il y a tellement de "fossoyeurs" alentour?

Barack exhorte Moubarak

La Maison Blanche recommande de ne pas "faire traîner les choses." L’envoyé spécial de Barack Obama qui s’est rendu au Caire, Frank Wisner, ancien ambassadeur américain en Egypte, que Moubarak connaît bien, a réussi à convaincre le président égyptien d'annoncer hier à la télévision qu’il ne se présenterait pas à la présidentielle. Frank Wisner lui a transmis l’exhortation de Barack Obama à partir. A en croire certaines sources, Barack Obama aurait fait communiquer à Moubarak qu'en septembre il serait trop tard pour s’en aller. Il faut le faire avant. Mais cela n’a pas eu l’effet escompté, et désormais Washington cherche la "marche à suivre" pour préserver en Egypte ce qui peut l'être encore.

La question est de savoir comment maintenir le régime en Egypte tout en se débarrassant de Moubarak. Car le départ de Moubarak, que ce soit avant ou après le mois de septembre, ne serait qu’une victoire de la rue. La "destitution du pharaon" n'ôtera pas la migraine de tous ceux qui observent avec anxiété les événements dans le plus grand pays du monde arabe. Les maux de tête ne feront qu’empirer.

Chaque jour, Barack Obama a des entretiens avec les militaires, les experts du renseignement, les hommes d’affaires, des conversations téléphoniques avec les généraux de l’armée égyptienne et des négociations avec l’opposition égyptienne. A terme, on n’exclut pas des discussions politiques avec les Frères musulmans, le plus grand groupe islamiste radical d’Egypte. L’administration américaine a déjà suggéré dans la presse que les Frères musulmans égyptiens n’avaient rien à voir avec Al-Qaïda, et qu’on pouvait traiter avec eux.

Dans l’ensemble, le scénario auquel les Américains se sont brûlés plus d’une fois en cherchant à imposer  la démocratie se répète. Ils se voient obligés de se débarrasser des régimes dictatoriaux et/ou autoritaires, créés et entretenus par les Etats-Unis, contre lesquels la population s’est révoltée.

Si tout cela se passait dans "l’arrière-cour", par exemple, en Afrique centrale, ce ne serait pas aussi grave. Mais pour une région où les étincelles se transforment aussi rapidement en incendies, cela pourrait tourner à la catastrophe. Comme l’a déclaré le chef du renseignement britannique MI-6 John Sawers, qui a d’ailleurs été ambassadeur en Egypte: "…si nous exigeons le passage brutal au pluralisme, dont on profite en Occident, nous saboterons le système de contrôle existant. Les terroristes bénéficieront d’un grand nombre de nouvelles possibilités."

Suleiman, le souverain sacrificateur du "pharaon"

Après le message de Moubarak à la télévision, tout le pouvoir en Egypte a été transmis à l’ancien chef du renseignement général égyptien, Omar Suleiman, pour qui Moubarak a créé un poste de vice-président. Moubarak n’est plus qu’un gouvernant formel. Le général de l’armée égyptienne Suleiman est "l’ombre de Moubarak" qui a quitté son maître. Et si la "période des troubles" était survenue à l’époque des véritables pharaons, Omar Suleiman, âgé de 74, ans aurait pu être qualifié de souverain sacrificateur. Il a une bonne réputation au sein de l’armée, dans la sphère politique et dans la communauté d’affaires. Il a même la réputation du plus grand intellectuel dans le gouvernement égyptien. D’ailleurs, il a étudié aux Etats-Unis, ainsi qu’en URSS et parle encore assez bien le russe.

Derrière l’ordre donné à l’armée égyptienne de ne pas ouvrir le feu sur les manifestants (et à la police de regagner les casernes) on remarque l’intuition et la subtilité de Suleiman, son évaluation particulière de la situation et la compréhension des conséquences d’une éventuelle effusion de sang.

En tant que nouveau chef d’une certaine "junte militaire de transition", Suleiman décidera avec les généraux quelle est la voie à suivre pour l’Egypte. Tant qu’il est au pouvoir, Moubarak ne risque aucune humiliation, comme par exemple la fuite en Arabie Saoudite. Et tant que l’armée n’a pas dit son mot, aucun changement brusque de pouvoir ne se produira en Egypte. En Egypte, sans l’armée il est impossible à la fois de parvenir et rester au pouvoir.

Et l’idée d’initier la période de transition et les négociations avec l’opposition lui appartient également. Mais l’opposition a refusé de négocier avant la démission de Moubarak. D’ailleurs, avec qui pourrait-on discuter?

L’opposition unie seulement par la haine de Moubarak

Les troubles sociaux aussi importants et aussi violents qu’en Egypte se terminent souvent par le détournement des révolutions. Au pays des pyramides, toutes les prémisses sont réunies.

Les troubles, qui ont commencé spontanément le 25 janvier sans la moindre participation de l’opposition ont été rejoints par tous les représentants antigouvernementaux. De l’ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mohamed El Baradei, qui n’avait aucune base politique ou sociale dans le pays, aux Frères musulmans qui ont soutenu l’intifada populaire. Et également des partis moins importants.

A l’heure actuelle, du moins selon la déclaration d’El Baradei et de son Association nationale du changement, l’opposition a formé une sorte de coalition unifiée, le Comité national de soutien du mouvement populaire contestataire, afin de tenter de prendre le contrôle et de canaliser la colère populaire dans la bonne direction. Il inclut et les Frères musulmans, et les associations coptes, et les petits groupes politiques.

Mais ils ne sont unis que par la haine de Moubarak et les exigences de sa démission immédiate.

L’opposition égyptienne actuelle est un phénomène étrange. Une sorte de Frankenstein qu’on a commencé à recoudre une fois que le pays a été frappé par la foudre. Généralement, de telles créatures ne vivent pas longtemps et n’impressionnent pas les masses rétrogrades.

Ainsi, la majorité des membres de l’opposition qui se sont joints à la révolution sont susceptibles de "disparaître" avec Moubarak. Bien sûr, El Baradei restera, même s’il ne devient pas président, mais il ne sera qu’une figure de transition. Et, d’ailleurs, très dangereuse.

Etant donné l’absence de base politique et de notoriété auprès de l’armée ainsi que la célèbre gutta-percha politique de l’ONU acquise par l’homme après de longues années d’administration, laisser l’Egypte entre des mains aussi incertaines reviendrait à laisser le pays sans surveillance. Dans ces conditions, le radicalisme islamique et le mécontentement de l’armée ne feront que croître.

Or la Jordanie (le roi est si effrayé qu’il a déjà annoncé des réformes importantes), l’Algérie, l’Arabie Saoudite et le Yémen sont déjà dans la "file d’attente" derrière l’Egypte.

Même l’Iran est très effrayé par la révolte égyptienne. Jusqu’au 1er février Téhéran n’avait fait aucun commentaire à propos des troubles en Egypte, mais a soudainement déclaré que tout cela était la conséquence directe de la révolution islamique de 1979, une révolte contre l’impérialisme des Etats-Unis et le sionisme d’Israël. Comment pouvait-on reconnaître à Téhéran qu’en réalité il s’agit d’une intifada contre l’immobilisme du régime, observée en Iran depuis longtemps.

Pendant ce temps, l’Egypte commence à s’essouffler des troubles. Le pays connaît une pénurie de nourriture, d’argent, l’exode touristique (le tourisme est la principale source de recettes du pays) et la montée de la colère des habitants, des agriculteurs et des commerçants. Serait-ce la stratégie d’Omar Suleiman? En tout cas, au cours des prochains jours il faut s’attendre soit au départ de Moubarak, soit au début des négociations avec l’opposition.

Et pour l’instant, la Russie est la seule qui pourrait sauver le tourisme en Egypte. Le 2 février, six vols ont décollé à destination de ce pays. Je ne peux pas me retenir de partager le commentaire d’une dame dans son blog avant le départ: "Nous allons en Egypte pour montrer aux pharaons de quel bois on se chauffe!"


Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti

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