Les effets pervers de la richesse monétaire de la Chine

© RIA Novosti . Maria ChapliginaChine
Chine - Sputnik Afrique
S'abonner
Que faire avec trois mille milliards de dollars? C’est approximativement le titre d'un récent numéro du Washington Post, et on est loin de se préoccuper des milliards américains. Il s’agit de l’argent de la Chine.

Que faire avec trois mille milliards de dollars? C’est approximativement le titre d'un récent numéro du Washington Post, et on est loin de se préoccuper des milliards américains. Il s’agit de l’argent de la Chine. Ou plutôt des réserves de change de la Chine qui ont battu un nouveau record en augmentant de 200 milliards au premier trimestre 2011.

Cette nouvelle, qui date de moins d’une semaine, est pratiquement passée inaperçue. Il est clair que les Chinois sont les plus riches, ce n’est pas une nouveauté. Depuis qu’il s’est avéré que la Chine avait dépassé le Japon en devenant la deuxième économie du monde, cela semble n’avoir plus d’intérêt. Un membre d’une quelconque tribu africaine vous dira que dans sa langue, après mille, tout chiffre se dit "beaucoup", car la précision n’a aucune importance. Il en est de même pour les réserves de la Chine: il y en a "beaucoup."

Pourquoi sont-ils aussi riches?

Mais quoi qu’il en soit, la réaction du principal journal américain mérite le respect. De même que les efforts des auteurs de l’article pour ne pas montrer la jalousie taraudante et l'affront pour leur patrie. Car le thème principal de la même édition du Washington Post est également économique et s’intitule ainsi: "Les sondages montrent que les remèdes contre la dette ne sont pas soutenus par la majorité des gens."

Quant à la dette, cette fois on parle bien des Etats-Unis, et il est question de l’histoire datant du 18 mars, lorsque la plus grande agence de notation financière du monde Standard&Poor’s a révisé à la baisse à négative la perspective de la note des obligations d’Etat américaine.

Le sondage en question concerne la réaction des électeurs aux propositions de l’administration de Barack Obama pour réduire le déficit chronique du budget. Bien sûr, les Américains ne les apprécient pas, personne n’apprécie les mesures d’austérité économique.

Humainement, on pourrait comprendre les sentiments des Américains qui sont habitués à être les premiers en tout. Il s’avère assez rapidement à l'échelle historique qu’ils sont également les premiers débiteurs du monde (14 mille milliards de dette nationale). Tandis que les Chinois sont assis sur une montagne d’or de réserves. Aux deux questions éternelles de notre époque, "d’où vient l’argent" et "où va l’argent" s’ajoutent la suivante: "pourquoi sont-ils aussi riches, et nous aussi pauvres?"

Et, évidemment, aux Etats-Unis beaucoup voudraient voir la Chine trébucher et se casser une jambe. Dans leurs analyses, ils prennent souvent leur désir pour la réalité.

Beaucoup d’argent, c’est un problème

Mais en réalité, les réserves chinoises constituent une partie des problèmes réels de l’économie de la Chine. Des problèmes qui sont activement discutés sans beaucoup d’optimisme. Le bilan économique du premier trimestre 2011 publié en avril a provoqué une série de réactions à Pékin. En fait, l’article américain cité ci-dessus est consacré à ces réactions.

Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque populaire de Chine, a déclaré que les réserves avaient dépassé toutes les limites raisonnables et sont devenues un problème. (Selon le Fonds monétaire international, même 1,5 mille milliards de dollars de réserves auraient suffi à la Chine en cas d’une crise). Mais il n’est pas si facile de se débarrasser des excès. Si cet argent était mis en circulation à l'intérieur du pays, le seul effet serait une augmentation des prix et une dévaluation de la monnaie nationale. Au contraire, la Banque populaire de Chine retire constamment de l’argent du circuit intérieur et le place dans les réserves nationales.

Le fait est que Chine a un problème qui serait considéré par les autres pays comme un signe d'excellente santé: les volumes de ses exportations dépassent en permanence ceux des importations. Et étant donné que les entreprises chinoises restituent les devises étrangères à l’Etat, celles-ci s’accumulent dans les réserves. Dans l’ensemble, cette politique est nécessaire pour garder le yuan sous contrôle, c’est-à-dire empêcher sa convertibilité totale. Ce qui a permis à la Chine de survivre à deux grandes crises monétaires mondiales, mais l'efficacité de cette politique a des limites.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement chinois rapporte, non pas sans fierté, qu’au premier trimestre l’économie a affiché un taux de croissance de "seulement" 9,7%, et qu’elle continuera à être progressivement ralentie par crainte de l’inflation. De plus, pratiquement 6% du taux sont assurés par la consommation nationale. Et les réserves seront utilisées pour stimuler la consommation, telle est la tendance des cinq prochaines années: cette idée a été l’événement principal du forum de Boao qui vient de s’achever sur l’île de Hainan en Chine. En résumé, la Chine évolue vers un type relativement européen de société de consommation.

Les réserves et le vide

Les Européens et les Américains tourmentés par les problèmes financiers saluent joyeusement cette tournure des événements, en espérant également que la demande des consommateurs chinois accélérera le rétablissement de l’industrie de l’Union européenne et des Etats-Unis. En fait, au premier trimestre la Chine a enregistré pour la première fois depuis longtemps un déficit de sa balance commerciale qui signifie l’augmentation des importations et, par conséquent, la diminution des réserves monétaires.

Mais le problème le plus intéressant est ailleurs. Pour l’instant, l’axe principal de l’économie, qui a pris du plomb dans l'aile pendant la crise de 2008, apparaissait ainsi: la Chine produit, le consommateur américain achète et consomme à crédit en vivant avec plusieurs années d’avance sur ses revenus réels. Dans cette situation, la Chine accumule des réserves. Mais ce n’est plus de l’or: ce sont des dollars et des euros, ainsi que des titres de créances américains. C’est une partie de la dette que les Etats-Unis ne rembourseront jamais, y compris à la Chine. Et les Etats-Unis diminuent peu à peu le taux de change du dollar pour accélérer ses exportations et déprécier la dette. Autrement dit, les réserves de la Chine augmentent nominalement et perdent en même temps de la valeur.

En fait, tous ces événements expliquent en grande partie les discussions lors de la récente rencontre des chefs d’Etat du BRIC qui s’est tenue en Chine et où on évoquait l’instauration d’un système financier plus juste et plus sensé. Mais on est encore loin de la création d’un tel système.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала