L'avenir de l'espace Schengen compromis suite au printemps arabe

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L’espace Schengen de libre circulation traverse une crise à la veille de sa nouvelle extension.

L’espace Schengen de libre circulation traverse une crise à la veille de sa nouvelle extension. Prochainement, de nouvelles règles devraient permettre aux Etats membres de rétablir le système de contrôle des pièces d’identité à leurs frontières. La France a déjà créé un précédent en appliquant ce régime à la frontière italienne, et ce, précisément au moment où l’espace Schengen allait s’étendre à la Bulgarie et à la Roumanie.

Que s’est-il passé? Plus de 25.000 Tunisiens qui avaient quitté leur pays après la "révolution démocratique" saluée par l’Europe se sont retrouvés en Italie. Etant donné qu'il s'agit de clandestins qui n'ont ni argent, ni autorisation de séjour sur le territoire des pays de l’Union européenne, le gouvernement italien s’est retrouvé confronté à un dilemme. Fournir aux Tunisiens le statut de réfugiés signifie assumer un grand nombre de responsabilités liées à leur entretien. Et il serait inhumain de les renvoyer chez eux.

Le gouvernement italien a trouvé une solution plus simple: il a délivré aux Tunisiens une autorisation provisoire de séjour dans la péninsule. En vertu des Accords de Schengen, cette autorisation confère aux étrangers le droit de circuler dans tous les pays de l’UE, à l’exception de la Bulgarie, de la Roumanie et de Chypre, ainsi que dans les pays de l’espace Schengen suivants: l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein. Vu que la Tunisie est une ancienne colonie française et que la majorité de la population tunisienne parle la langue de Voltaire, les réfugiés tunisiens se sont rapidement dirigés vers la France.

Cependant, les organismes compétents les y attendaient et ont commencé à faire descendre les Tunisiens des trains et à les renvoyer en Italie. Les Italiens n'ont pas apprécié le procédé et finalement, un conflit trilatéral est survenu: Paris a sévèrement critiqué Rome, qui, à son tour, s'en est pris à Paris, et finalement la France et l’Italie se sont retournées contre la Commission européenne à Bruxelles.

25.000 personnes par rapport à une Europe de 400 millions d’habitants, c’est très peu. D’autant plus que le "printemps arabe" révolutionnaire, que les Tunisiens ont étrangement préféré de fuir avait suscité l'enthousiasme des dirigeants européens. "Faire autant de bruit pour quelques dizaines de milliers de personnes revient à envoyer un signal négatif et décourageant à un moment où les forces populistes et antieuropéennes ont le vent en poupe", a déclaré en substance le président de la commission des libertés civiles du Parlement européen Juan Fernando Lopez Aguilar.

Néanmoins, le président français Nicolas Sarkozy et le premier ministre italien Silvio Berlusconi n’ont pas craint d’envoyer ce signal négatif, montrant ainsi une fois de plus que l’Europe n'était pas disposée à payer un prix élevé pour défendre les valeurs qu'elle avait elle-même proclamées à l'époque.

La Commission européenne, comme si elle confirmait cette impression des observateurs, s’est rangée du côté de la France, en rappelant qu'en vertu de l’article 25 du Code frontières Schengen, chaque pays avait le droit de rétablir provisoirement le contrôle frontalier en cas d’apparition d’une menace à l’ordre public et à la sécurité intérieure de l’Etat.

D’un point de vue des valeurs européennes, il s’avère que la Commission européenne a plié sous la pression de Sarkozy, qui a tenu des propos dignes d'un nationaliste-populiste. Ce n’est un secret pour personne que lorsqu’il occupait le poste de ministre de l’Intérieur, Sarkozy a bâti sa carrière politique sur la crête de la lutte contre l’immigration clandestine. Toutefois, Sarkozy a de sérieux rivaux de l’autre côté de la frontière franco-italienne. Le partenaire de Berlusconi au sein de la coalition au pouvoir, Umberto Bossi, le chef du parti ultranationaliste Ligue du Nord, a déjà déclaré que l’Italie était devenue une "colonie française." A une époque, Bossi avait également fait carrière en enfourchant le cheval de bataille de la lutte contre tous les immigrés, notamment dans les régions développées du Nord, en exigeant leur expulsion d’Italie.

Et c'est dans une ambiance de conflit potentiel que les pays de l’espace Schengen s'apprêtent à aborder la session prévue en juin du Conseil de l’UE, où la question de l’admission dans l’espace Schengen de la Roumanie et de la Bulgarie sera à l’ordre du jour. D’ailleurs, auparavant la France et la Grande-Bretagne avaient déjà demandé à la Roumanie d’améliorer le contrôle à sa frontière avec la Moldavie, et Sarkozy "s’est illustré" en expulsant les Roms. Vraisemblablement, si la Roumanie et la Bulgarie sont tout de même acceptées au sein de l’espace Schengen, cette adhésion pourrait être assortie de nombreux amendements aux Accords de Schengen qui videront de sa substance originelle le concept même de libre circulation. Et l’idée de l’unification de la Roumaine et de la Moldavie, auparavant populaire à Bucarest, risque de basculer définitivement du côté des utopies nationalistes.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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