Libye: Moscou, médiateur entre Tripoli et Benghazi

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Le ministère russe des Affaires étrangères est prêt à négocier à Moscou avec la délégation dépêchée par Mouammar Kadhafi et attend l'arrivée de la délégation des rebelles libyens en provenance de Benghazi. Il semble s'agir d'un réel succès de la diplomatie russe.

Le ministère russe des Affaires étrangères est prêt à négocier à Moscou avec la délégation dépêchée par Mouammar Kadhafi et attend l'arrivée de la délégation des rebelles libyens en provenance de Benghazi. Il semble s'agir d'un réel succès de la diplomatie russe. Toutefois on ne voit pas clairement quel programme positif la diplomatie russe pourrait offrir à ses invités, en dehors, bien entendu, du souhait que les deux parties en conflit arrêtent la violence.

Au risque de me tromper, j’ai une impression que la position russe concernant la Libye a toujours été et demeure mal articulée. A l’origine, le 17 mars 2011, Moscou n’a pas empêché le Conseil de sécurité des Nations Unies d’adopter la résolution sur la Libye, alors que les diplomates russes, comme le reconnaît le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, étaient pleinement conscients du flou de certaines formulations et de la possibilité, pour ainsi dire, d’interpréter le document de manière élargie. Maintenant, la Russie se voit, en fait, obligée de reconnaître que d’aucuns ont abusé sans scrupules de son désir d’être constructive et de ne pas entraver les autres dans leurs efforts pour protéger la population civile libyenne contre les raids des forces aériennes de Kadhafi.

Paris, Londres et Rome, derrière lesquels on décèle clairement l’ombre de Washington, après avoir pris leur temps pour mettre en place une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye, utilisent la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, dont la Russie a inconsidérément permis d'adoption, afin de renverser le régime de Kadhafi. La question de savoir pourquoi la Russie a aussi naïvement avalé les bonnes intentions de l’Occident, reste sans réponse. Certes, il s’agit là d’une bavure bizarre. Elle est d’autant plus incompréhensible que toute l’expérience précédente des relations entre les partenaires occidentaux et la Russie aurait dû convaincre cette dernière qu’aucun accord avec l’Occident ne peut être conclu sans avoir minutieusement pesé les pour et les contre. En l’occurrence, ce ne fut manifestement pas le cas. La bonne intention de réduire l’ampleur de l’effusion de sang en Libye s’est finalement traduite, au contraire, par une flambée de violence.

Les autres démarches du ministère russe des Affaires étrangères ne démontrent pas non plus l’existence d’une stratégie claire et nette. D’une part, la Russie appelle constamment à la recherche des voies menant à la cessation des hostilités en Libye et au démarrage des pourparlers. D’autre part, elle refuse étrangement de rejoindre le groupe de contact pour la Libye, alors que formellement la Russie est destinée à contribuer à la coordination générale des efforts internationaux visant à normaliser la situation en Libye. En adhérant au groupe de contact, la Russie pourrait plus facilement faire en sorte que les objectifs qu’elle proclame se concrétisent.

Ce qui est curieux, c’est que Moscou avait initialement salué la décision de créer ce groupe de contact. Dès le mois de mars, Sergueï Lavrov déclarait: "Si tout cela contribue à une application plus correcte de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, ce sera une initiative utile." Plus tard le ton des déclarations russes a considérablement changé, et le ministère russe des Affaires étrangères s’est mis à répéter de plus en plus fréquemment que le groupe de contact ne devait pas chercher à supplanter le Conseil de sécurité de l’ONU, et que Moscou ne voyait aucun intérêt à rejoindre ce groupe, car la Russie siège au Conseil de sécurité. Toutefois, j’estime qu’après avoir commis un impair au Conseil de sécurité, la Russie devrait en toute logique chercher à y remédier par tous les moyens en utilisant toutes les autres plateformes, y compris celle du groupe de contact.

Apparemment le ministère russe des Affaires étrangères n’a toujours pas formulé sa position envers les ennemis de Kadhafi. Ces derniers ont jusqu’à récemment toujours été traités de séditieux en Russie, et ce n’est qu’après avoir appris la venue éventuelle à Moscou de la délégation de Benghazi, qu’on a commencé à les qualifier de rebelles. Ce changement ne peut pas rester inaperçu. Certes, la visite de cette délégation a été reportée, mais le ministre russe des Affaires étrangères a exprimé non seulement ses regrets, mais aussi son espoir de voir prochainement la délégation à Moscou.

Cette position me paraît tout à fait appropriée, car elle correspond pleinement à la volonté exprimée par la Russie de voir cesser de l’effusion de sang en Libye. Quels que soient les adversaires de Kadhafi, ils ne sont certainement pas moins fréquentables que les représentants du mouvement Hamas, que les diplomates russes ont souvent contactés et pour qui ils ont même organisé une visite guidée du Kremlin, au nom de la paix au Moyen-Orient. Maintenant rien ne doit les empêcher de montrer les curiosités du Kremlin à la délégation de Benghazi.

Tout cela laisse pourtant sans réponse la question posée au début de cet article, à savoir quand la Russie compte réconcilier les adversaires irréductibles par ses propres efforts. Qui plus est, en boudant le groupe de contact pour la Libye.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.

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