L’Allemagne se déleste du nucléaire

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L’Allemagne, ce moteur industriel d’Europe, a finalement décidé de renoncer à l’énergie nucléaire et de passer intégralement aux sources non-atomiques d’énergie, allant du charbon, du pétrole et du gaz aux sources renouvelables.

L’Allemagne, ce moteur industriel d’Europe, a finalement décidé de renoncer à l’énergie nucléaire et de passer intégralement aux sources non-atomiques d’énergie, allant du charbon, du pétrole et du gaz aux sources renouvelables. A l’aube du 30 mai 2011, après avoir discuté pendant toute la nuit, la coalition allemande au pouvoir a convenu d'arrêter toutes les 17 centrales nucléaires allemandes d’ici 2022. L’accident de Fukushima a provoqué des manifestations sur le Vieux Continent et tous les partis politiques, surtout celui d’Angela Merkel, dont la cote de popularité est en chute vertigineuse, sont contraints de prêter l’oreille à leurs revendications.

L’Allemagne, quatrième puissance économique du monde

L’Allemagne, quatrième économie du monde, se prévalait de 23 à 25% d’énergie nucléaire dans son mix énergétique. Telles sont les statistiques de l’Association mondiale du nucléaire, la plus grande association du monde de promotion de ce secteur et regroupant 95% des acteurs du marché participant à tous les stades de fabrication de l’énergie nucléaire: de l’extraction de l’uranium et de son enrichissement à la génération de l’énergie électrique. Les acteurs du secteur nucléaire russe en font également partie.

L’Allemagne a déconnecté de son réseau énergétique huit réacteurs ancien modèle immédiatement après l’accident de la centrale nucléaire Fukushima au Japon. Parmi les réacteurs restants, six seront en exploitation jusqu’en 2021 et les trois réacteurs dernier modèle seront retirés du service en 2022. Les Allemands, avec leur esprit pratique, ont tout de même décidé de garder un réacteur ancien modèle prêt à être relancé avant 2013 dans l’éventualité d’une pénurie d’énergie l'hiver prochain.

Toutes ces décisions nécessitent encore l’aval du Bundestag. Toutefois, le résultat des délibérations parlementaires ne suscite aucun doute, car la décision elle-même de "bannir le nucléaire" comporte un élément populiste non-négligeable.

La réunion nocturne de la coalition de centre-droit, au pouvoir en Allemagne, comprenant l’Union chrétienne-démocrate, l’Union chrétienne-sociale et le Parti libéral-démocrate, a débuté à la chancellerie d’Angela Merkel après un week-end, lors duquel des dizaines de milliers d’Allemands avaient manifesté contre l’énergie nucléaire et les risques qui lui sont inhérents.

La nouvelle politique énergétique de Berlin doit être définitivement formulée et entérinée en juin prochain.

L’abandon général de l’énergie nucléaire

L’Allemagne est loin d’être le premier pays européen à décider de changer l’orientation de sa politique énergétique. Dans ce contexte, il faut préciser que les Japonais, qui sont à l’origine des dernières vicissitudes du secteur nucléaire, n’ont pas l’intention d’abandonner l’énergie atomique. Ils ont seulement relégué aux oubliettes le projet de construction de 14 nouvelles centrales nucléaires, ce qui aurait porté la quote-part de l’énergie atomique à 50% dans le mix énergétique japonais d’ici 20 ans.

Le secteur japonais de l’énergie nucléaire (54 réacteurs) sera modernisé et un accent spécial sera mis sur le renforcement de la sûreté des installations et le secteur continuera, comme par le passé, de satisfaire 30% des besoins nationaux en énergie. Il a été seulement décidé de fermer provisoirement, tant qu’une muraille anti-tsunami de 12 m de haut n’aura pas été édifiée, la centrale nucléaire de Hamaoka située à 180 km à l’Ouest de Tokyo. A proximité de la centrale se trouvent les plus grandes usines de la société Toyota, et son arrêt définitif aurait coûté trop cher au Japon et à l’économie mondiale.

Une semaine avant la prise de la décision par le gouvernement allemand, le nucléaire pacifique a perdu son attrait aux yeux des Suisses, des Italiens, des Thaïlandais et des Malaysiens. La Suisse a renoncé à édifier trois nouvelles centrales nucléaires et les cinq centrales existantes seront progressivement retirées du service de manière à ce que leur arrêt définitif ne survienne qu’en 2034. En juin, le parlement local se saisira de ces recommandations du gouvernement. A ce jour, la quote-part de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique du pays des banques et des pendules à coucou s’élève à 40%.

Il est à noter que les Suisses n’auront pas de mal à mettre leur plan hardi à exécution. Premièrement, la Confédération est loin d’être le pays le plus industrialisé du monde. Deuxièmement, Bern se prépare à colmater "la brèche atomique" en développant les centrales hydroélectriques. Jusqu’à présent, la Suisse exportait la majeure partie de son "énergie verte" d’origine hydraulique vers la France et l’Italie voisines. Ces voisins ne la recevront plus après le changement de cap du secteur énergétique suisse. Cette décision du gouvernement suisse leur créera sans aucun doute des problèmes supplémentaires.

Les Italiens n’ont jamais disposé de leurs propres centrales nucléaires mais prévoyaient d’en construire dix d’un seul coup. L’Italie a renoncé à l’énergie nucléaire après le referendum de 1987: décision naturelle un an seulement après l’accident de Tchernobyl. De ce fait, le coût de l’énergie électrique en Italie est le plus élevé parmi tous les grands pays de l’Union européenne.

La Thaïlande a décidé de réviser ses plans de construction de cinq centrales nucléaires. La Malaisie a également renoncé au passage à l’énergie atomique.

Moins d’énergie nucléaire signifie plus de pollution

On ignore le nombre de pays qui décideront de rejoindre l’Allemagne. Mais on sait déjà que les leaders du marché européen de l’énergie nucléaire, ainsi que les plus grandes économies de l’UE ne la suivront pas. La France, première puissance européenne en termes de développement de l’énergie nucléaire (75,2% de son mixe énergétique), ainsi que la Grande-Bretagne (18%) n’ont pas l’intention de démanteler leur secteur nucléaire.

Ces pays se préparent à moderniser leurs centrales et à les soumettre à un check-up général. Son début, à l’échelle européenne, est fixé par la Commission européenne au 1er juin prochain. Les résultats seront rendus publics en avril 2012.

Fait intéressant: avant la fermeture de la centrale nucléaire d’Ignalina, survenue début 2010, la Lituanie était le pays du monde le plus nucléarisé avec 76,2% d’énergie nucléaire dans son mix énergétique, soit un taux plus élevé qu’en France.

L’abandon du nucléaire pacifique peut, en principe, être révisé par tout les pays du monde. Le fait est qu’aucun expert ne croit qu’une loi puisse être adoptée quelque part dans le monde stipulant un "avenir dénucléarisé."

Le paradoxe de la situation réside dans le fait qu’en disant non à l’atome, l’Europe se voit obligée de faire face à un autre problème, autrement compliqué. Le Vieux Continent devra combler les lacunes énergétiques qui apparaîtront. Pour le moment, personne n’a élaboré de plans efficaces visant à remplacer à l’échelle industrielle les sources d'énergie atomique par des sources renouvelables. C’est donc au charbon et au gaz qu’il appartiendra de combler le déficit.

Or, selon les experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), même en utilisant les technologies les moins polluantes, l’arrêt des centrales nucléaires allemandes conduira à une émission supplémentaire de 25 millions de tonnes de gaz carbonique dans l’atmosphère.

En termes de volume de l’énergie générée par les centrales nucléaires, les Etats-Unis continuent de détenir la première place au monde, suivis par la France, le Japon, la Russie et la Corée du Sud.



L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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