Les Italiens excédés par Berlusconi

© RIA Novosti . Sergei Guneev / Accéder à la base multimédiaSilvio Berlusconi
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Les Italiens ont participé deux jours durant (les 12-13 juin) à un référendum national, et le résultat du vote ne fait pas l’ombre d’un doute: l’Italie est fatiguée de son premier ministre Silvio Berlusconi.

Les Italiens ont participé deux jours durant (les 12-13 juin) à un référendum national, et le résultat du vote ne fait pas l’ombre d’un doute: l’Italie est fatiguée de son premier ministre Silvio Berlusconi. Selon la jurisprudence, les résultats du vote devraient conduire à la séparation de corps: les élections parlementaires seront encore nécessaires pour le divorce définitif et légal. Mais aujourd’hui, à en juger par les événements, elles ne sauraient tarder.

Basta Berlusconi?

Les adversaires les plus fervents de Berlusconi affirment qu’il a quand même beaucoup de chance: les vacances d’été ont commencé, et les Italiens n’ont pas la tête à la crise: les congés sont sacrés. Et si le vote avait lieu en automne, Berlusconi perdrait définitivement sa majorité infime au parlement, et on le traînerait aux urnes comme à l'échafaud. Tout le monde s’attend à ce qu’en automne (au début ou à la fin) cela se produise précisément de cette manière.

Les opposants les plus actifs parmi les centristes, les socialistes, l’extrême gauche, etc. appellent à la démission du cabinet dès maintenant. Selon leur logique, le référendum a tout dit, et il est inutile d’attendre les élections de 2013 (échéance officielle du mandat de Berlusconi).

Il a été proposé aux Italiens de s’exprimer sur quatre thèmes, l’avenir de l’énergie nucléaire, la loi sur le "motif légitime" (les ministres doivent-ils se présenter ou pas au tribunal lorsqu’ils sont sous le coup de poursuites judiciaires), la privatisation des ressources hydriques et les prix de l’eau. Sur les quatre thèmes, la population italienne a répondu "non" avec une moyenne de 90%: non à l’énergie nucléaire, non au "motif légitime", non à la privatisation et non à la nouvelle tarification du prix de l’eau.

Berlusconi avait besoin d’un "oui" sur les quatre points. Ainsi, ces résultats son-elles une quadruple défaite plus qu’humiliante. Selon la législation italienne, le référendum est exécutoire, si plus de 50% de la population y participe. Pratiquement 57% des Italiens sont allés voter. Et cela en dépit du fait que les médias contrôlés par le premier ministre (pratiquement 90% des médias nationaux) ont ignoré le référendum, et les partisans de Berlusconi, à la demande du premier ministre, n'ont pas participé à cette consultation populaire.

Il s’avère que la majorité des Italiens ne soutiennent pas la politique du premier ministre. Dans tout autre pays européen, le chef du cabinet aurait démissionné confronté à une telle situation. D’autant plus que c’est loin d’être sa première défaite et la première insinuation que l’Italie en a assez.

Récemment, le 30 mai, le candidat au poste de maire de Milan soutenu par Silvio Berlusconi pour gouverner sa ville natale, a connu un échec humiliant. La droite a perdu le contrôle de Naples. Au sein du parlement, la coalition de Berlusconi tient seulement grâce au soutien de l’extrême-droite, le parti séparatiste la Ligue du Nord. Mais désormais, même ses députés et ses membres disent qu’il faudrait "arracher" au premier ministre le chef du parti Umberto Bossi, sinon il fera sombrer le parti avec lui. Et le parti perd déjà le soutien des électeurs dans le Nord en raison de ses liens avec le frénétique Berlusconi.

Mais à 74 ans, Berlusconi reste un battant, comme il l’était à 30,40 et 50 ans (en septembre il fêtera son 75e anniversaire). Il a seulement déclaré qu’il fallait respecter la volonté du peuple et que l’Italie devrait probablement dire adieu à l’énergie nucléaire. Mais pas à lui, Berlusconi.

Adieu au nucléaire

Ce n’est pas la première fois que la botte tente d’intégrer le nucléaire et que le nucléaire ne se "greffe" pas. Les atomistes italiens sont clairement nés sous une mauvaise étoile.

En 1987, juste après l’accident de Tchernobyl (1986), l’Italie avait déjà organisé un référendum à ce sujet. Il est clair que les Italiens ont voté contre. Aujourd’hui, après Fukushima, personne ne s’attendait à ce que les Italiens disent "oui." L’Italie est le premier des pays économiquement développé à organiser un référendum sur les centrales nucléaires après la catastrophe du printemps au Japon. (Auparavant, l’Allemagne avait abandonné le nucléaire pacifique, mais son programme a été approuvé par le gouvernement.)

Il y a cinq ans, Berlusconi a annoncé les projets de construction de centrales nucléaires, et a promis d’en installer 10. L’Italie s’apprêtait à obtenir jusqu’à 25% de son électricité grâce aux centrales nucléaires dotées d'équipements français. La construction des premières centrales devait commencer en 2013.

En Italie, l’électricité est la plus chère de l’Union européenne, et désormais les nuages assombrissent l’avenir énergétique du pays. Il est possible de créer des centrales écologiquement propres, sans charbon, sans pétrole et sans atome, mais le processus est long et onéreux.

Toutefois, il s’agit d’une tendance paneuropéenne. Les Italiens ne se distinguent pas beaucoup dans ce sens. Certains experts sérieux affirment cependant qu’il faut qu'un certain temps s'écoule avant que l'on puisse oublier Fukushima et qu’il soit possible de revenir à nouveau à l’énergie nucléaire. Car en réalité, il existe des Etats (dont l’Italie) dépourvus d’alternative concrète au nucléaire.

La soif augmentera

Certains économistes et experts ont un point de vue controversé sur le vote des Italiens contre la privatisation des ressources hydriques et la mise en place d’un nouveau système de tarification.

On ne peut pas dire que l’Italie ait vécu jusque-là sur les canalisations construites encore dans la Rome antique. Mais les conduites, les canaux et les installations d’épuration sont en mauvais état, et le gouvernement n’a pas d’argent pour les réparer, et il n’en aura apparemment pas. Et étant donné que l’Italie ne possède pas de ressources aussi riches en eau que, par exemple, la Finlande, sa soif continuera d'augmenter.

L’issue du volet "hydraulique" du référendum traduit plutôt les émotions que le pragmatisme, qui, d’ailleurs, n'a jamais été le fort des Italiens. Mais ce résultat montre à quel point l’Italie en a assez des frasques de Berlusconi.

Qui pourrait remplacer le cavaliere?

Silvio Berlusconi a séduit l’Italie à trois reprises. Il a été premier ministre en 1994-1995, en 2001-2006 et aujourd’hui depuis le printemps 2008. Seul Benito Mussolini est resté au poste de premier ministre italien (21 ans) plus longtemps que lui.

L’Italie a accepté pendant longtemps les pitreries de Berlusconi imposant, arrogant, imprévisible, playboy, voulant paraître jeune, narcissique, égoïste et qui sait quoi encore, comme un "dessert" faisant passer le plat de résistance indigeste de la politique.

Mais lorsque les procès (quatre sont en cours actuellement) viennent s’y ajouter, le "dessert" commence à agacer. De plus, Berlusconi a une ambition démesurée, la bravade et la jouissance de l’impunité ostentatoire. Il est difficile d’avoir un amour non partagé pour le premier ministre qui est devenu la risée de toute l’Europe.

Il faut reconnaître que le principal talent de Silvio Berlusconi réside dans sa réussite à convaincre les Italiens (bien sûr grâce aux journaux, aux magazines, aux chaînes de télévision et aux radios qui lui appartiennent) que leur destin est lié à lui, et que sans lui ils seraient comme des enfants abandonnés.

Ce n’était pas si difficile: au cours des douze dernières années, les partis de centre-gauche ont changé de leader à huit reprises. Et si Berlusconi était désagréable pour beaucoup de raisons, la gauche et le centre sont simplement détestables.


L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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