Chirac brocarde la politique "non-française" de Sarkozy

© RIA Novosti . Alexandr UrievJacques Chirac
Jacques Chirac - Sputnik Afrique
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Seul un autre président peut saper le moral et les perspectives d’un président de briguer un second mandat. Et c’est précisément le cas en France.

Seul un autre président peut saper le moral et les perspectives d’un président de briguer un second mandat. Et c’est précisément le cas en France. Le président français Nicolas Sarkozy a reçu le 14 mai un magnifique cadeau sous la forme de l’arrestation à New York de Dominique Strauss-Kahn, désormais ex-principal rival socialiste à la prochaine élection présidentielle en 2012. Mais un mois plus tard, Sarkozy a été attaqué dans le second tome des mémoires de l’ancien président français Jacques Chirac Le Temps présidentiel, Mémoires, tome 2. Ils sortent cette semaine, bien que les thèses principales soient déjà publiées dans la presse.

Pas assez fiable, trop à droite et proaméricain

Abstraction faite de l’objectivité douteuse des souvenirs politiques, et même si la moitié seulement de ce que Chirac a dit à propos de son ancien protégé est vraie, il y aura suffisamment de honte pour toute une vie. Peu voudraient entendre de telles choses à leur sujet, surtout à dix mois de la présidentielle, qui se tiendra le 22 avril 2012.

Selon Chirac, Sarkozy est en quelque sorte un arriviste gâté, arrogant et ingrat. Bien sûr, avec certains talents (énergique, manipulateur habile avec les  médias, bon tacticien), mais sans scrupules. Il est un homme "nerveux, impétueux, débordant d’ambition, ne doutant de rien et surtout pas de lui-même."

Lorsqu’on écrit ce genre de choses, on sous-entend que la personne possédant de telles qualités est prête à tout pour atteindre le sommet. Le cinquième président de la V République (1995-2007) affirme que le sixième président et son successeur n’est pas assez fiable, trop à droite, trop proaméricain, et qu’il est prêt à affronter et à contrarier tout le monde.

Tout cela ne manque pas de piment quand on se rappelle qu’à une époque Nicolas Sarkozy était pratiquement considéré comme le fils adoptif de Jacques Chirac, et pendant un certain temps il a même fréquenté sa fille Claude. Chirac l’a pris sous son aile, l’a rapproché et lui a ouvert les portes de la grande politique. Et de sa famille.

Les journaux français disent que Bernadette Chirac a fait la remarque suivante lorsqu’elle a appris que Sarkozy avait l’intention de se présenter à la présidentielle: "Quand on pense qu’il nous a vues en chemises de nuit!"

Or, le président est un descendant d'immigrés!

Mais la plus terrible accusation est que dans la politique, Sarkozy ne se comporte pas à la française. Sarko réagit déjà très mal à toute insinuation concernant son origine. Comme tous les enfants d'immigrés, il a toujours essayé d’être plus français que les Français: il arrive souvent que les immigrés deviennent des nationalistes fervents.

Il y a quelques années, Sarkozy a même organisé en France les débats sur l’identité nationale, afin de mettre en évidence tout ce qui est français, national, traditionnel, et de le renforcer, élever, élargir, approfondir… Au début, cela amusait les Français, mais par la suite ils en ont eu assez.

Dans l’ensemble, rien de bien grave. Nicolas Paul Stéphane Sarkozy de Nagy-Bocsa est effectivement fils d’un immigré hongrois, mais il est né à Paris. Son père était hongrois et sa mère juive, fille d’un médecin parisien. Les Français, avec leur riche passé colonial, ne sont pas impressionnés par cela: pratiquement un tiers de la population a un sang comportant beaucoup de "mélanges."

Mais dans les mémoires de Chirac on voit une allusion préélectorale très claire: France, qui t’apprêtes-tu à élire? Qui plus est, pour la seconde fois.

Sarkozy est depuis longtemps accusé du fait que son langage n'est pas celui d'un président, il a trop d’un "roturier." Et quand il s'exprime il fait de nombreuses entorses à la grammaire française. Mais on pourrait dire cela d’un politicien sur deux. Et pas seulement en France, mais partout dans le monde.

Non sans rancunes

Certains voudraient poser à Chirac la question suivante: pourquoi a-t-il attendu 16 longues années? Il y a 16 ans, Chirac et Sarkozy se sont brouillés, lorsqu’à l’élection présidentielle de 1995 Sarkozy n’a pas soutenu Chirac (qui a remporté tout de même la victoire), mais son principal rival Edouard Balladur. Pourquoi le vainqueur a-t-il nommé Sarkozy au poste de ministre, si ce dernier est un personnage aussi négatif?

Les explications de Chirac à ce sujet sont floues et confuses: Sarkozy était populaire et talentueux; en tant qu’ancien président Chirac estimait qu’il ne fallait pas critiquer ouvertement son successeur, et ainsi de suite. Généralement ce sont les mécaniciens qui expliquent de manière aussi hésitante et en baissant les yeux pourquoi ils ont "réparé" une panne qui n’existait pas.

La façon dont il caractérise le principal rival de Sarkozy, ex-leader du parti socialiste (jusqu'en 2008), François Hollande, est particulièrement étonnante. Chirac le qualifie de véritable homme d’Etat.

Ce n’est même pas une allusion mais un appel à tourner le dos à Sarkozy. Il est incroyable d’entendre un président de droite, un gaulliste convaincu, tenir de tels propos sur le chef du parti socialiste, adversaire séculaire de la droite, qui plus est au début de la campagne électorale.

La rancune contre Sarkozy est certainement aggravée par le procès judiciaire de Jacques Chirac en septembre. Il est accusé d’avoir utilisé les fonds publics pour financer ses objectifs politiques lorsqu’il était maire de Paris dans les années 1990. D’avoir créé des emplois fictifs et des postes pour ses proches, et d’avoir empoché l’argent obtenu. Chirac insinue que Sarkozy était l’un des initiateurs des intrigues juridiques tramées contre lui. Evidemment, l’Elysée nie tout.

Beaucoup de Français écouteront Chirac. Actuellement, il est l’un des anciens présidents français les plus populaires. Et la popularité de Sarkozy est au plus bas: moins de 30%.

Bien sûr, tout cela pourrait encore changer. Le pays sort progressivement de la crise économique. Et beaucoup de choses dépendront du procès de Dominique Strauss-Kahn, qui débutera le 18 juillet à New York.

Dominique Strauss-Kahn et sa défense rejettent les accusations de viol de la soubrette dans un hôtel new-yorkais. Si DSK était acquitté, ce qui est possible, la situation de Sarkozy serait encore plus inconfortable. En France, beaucoup estiment que l’affaire est loin d’être claire: soit les Américains ont tendu un piège à Dominique Strauss-Kahn, âgé de 62 ans, soit Sarkozy est impliqué dans cette affaire. Ainsi, la situation pourrait encore prendre une tournure inattendue.


L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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