Et si Kadhafi repliait sa tente…

© RIA NovostiMouammar Kadhafi
Mouammar Kadhafi - Sputnik Afrique
S'abonner
Le gouvernement libyen ne mène pas de négociations secrètes sur la démission de Mouammar Kadhafi, déclare le porte-parole du gouvernement Moussa Ibrahim à l’agence Reuters, en ajoutant que Kadhafi ne cherche pas un asile "à l'intérieur ou en dehors du pays."

Le gouvernement libyen ne mène pas de négociations secrètes sur la démission de Mouammar Kadhafi, déclare le porte-parole du gouvernement Moussa Ibrahim à l’agence Reuters, en ajoutant que Kadhafi ne cherche pas un asile "à l'intérieur ou en dehors du pays." Un scoop en moins, mais il en existe un autre. Lors du dernier sommet qui s’est tenu ce weekend en Guinée équatoriale, l’Union africaine a recommandé à ses membres (54 Etats) d’ignorer le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) contre Mouammar Kadhafi. Autrement, on ne voit aucune perspective de cessation de cette guerre étrange qui perdure en Libye.

Les rencontres de Sotchi

Cette nouvelle est un scoop sensationnel: il y a longtemps que la CPI n'avait pas reçu de tel camouflet. Mais comme toutes les autres informations sur la diplomatie africaine pour la paix en Libye, elle est dans les dernières lignes des communiqués sur le thème libyen de la presse non-africaine. Du moins, c’est avec cette retenue qu’en parle The New York Times, qui a abordé le thème de la "diplomatie libyenne" à Sotchi, lors de la réunion du Conseil Russie-OTAN. Or il ne fallait pas être gêné à ce sujet, car l’important dans cette situation de pat est précisément de savoir que faire de Kadhafi et comment le qualifier: criminel, chef de l’une des parties engagées dans la guerre civile ou vainqueur?

Comment évoluent les relations entre la Russie et l’OTAN et quels sont les résultats de la réunion de Sotchi est un autre thème. Mais notons que le président d’Afrique du Sud Jacob Zuma, qui mène les négociations pour la Libye au nom de l’Union africaine, s’est également rendu à Sotchi. Lundi, il a rencontré le président russe Dmitri Medvedev qui, à la demande du sommet récent du G8 à Deauville, participe au règlement du conflit. Puis le thème de la Libye a été abordé avec les membres de l’OTAN.

Les efforts de la Russie et de l’Afrique ne traduisent pas toujours une seule et même politique. Chacun reste autonome, mais dans l’ensemble l’affaire suit des axes parallèles.

La proposition des Africains est tout à fait logique. Conclure un accord de cessez-le-feu et créer un gouvernement de transition technique et non-politique, où il n’y aurait pas de principaux politiques et idéologues des deux parties en conflit, c’est-à-dire de Tripoli et de Benghazi. Et après avoir fait ce premier pas, arriver à une sorte d’élection du nouveau gouvernement dans le pays. "Une sorte", car dans un pays tel que la Libye, avec une société construite sur les tribus bédouines, toute élection est précédée par une entente intertribale. Autrement, si par exemple l’Est du pays ne votait pas comme l’Ouest, la supériorité numérique des voix ne signifierait pas la victoire de quelqu’un mais le schisme du pays. Et le règlement est précisément un remède contre le schisme…

Quels sont les obstacles à l’initiative africaine?

Kadhafi, le vainqueur

Il faut dire que Zuma participe au règlement du conflit libyen depuis longtemps. L’Union africaine a adopté sa feuille de route de sortie du conflit libyen en avril, sachant que les bombardements de l’OTAN ont commencé le 19 mars. Et il est évident que le principal sujet de la diplomatie de l’Union africaine, ce ne sont pas les Libyens de l'est ou de l'ouest, mais l’OTAN. L’OTAN qu’il faut sortir de la situation honteuse en Libye et qui compromet toute possibilité raisonnable de sauvetage.

Reconnaissons certains faits désagréables. Le colonel Kadhafi exotique (surtout en termes de comportement) est actuellement vainqueur, notamment sachant qu’il est confronté non seulement à une partie de sa population, mais également à machine de guerre de l’OTAN (Etats-Unis et Europe). Et voici le résultat, ou plutôt son absence. Cette machine de guerre est incapable de vaincre le colonel.

Personne n’a prouvé qu’en organisant un vote en Libye, le colonel Kadhafi serait soutenu par toute la population, même à l’Ouest du pays. Les Libyens en ont également assez de la famille de Kadhafi. Mais tant que les attaques aériennes de l’OTAN se poursuivent et aucune bombe n’est capable d’éliminer le colonel, il est vainqueur et relativement populaire dans son pays.

Pour l’OTAN (plus précisément pour les Européens, car les Etats-Unis, fatigués des guerres, se sont ostensiblement retirés de l’opération libyenne), la mort ou la démission de Kadhafi est la seule chose qui pourrait être qualifiée de "règlement du conflit." Une sorte de programme minimum. La démocratisation de la Libye, compte tenu des tristes tableaux des événements actuels en Tunisie et en Egypte "révolutionnaires", ressemble à un slogan auquel peu de gens croient sérieusement. L’élimination de Kadhafi ne sera plus réellement une défaite. Mais s’il restait, ce serait une catastrophe.

Toute la diplomatie autour de la Libye fait actuellement une fixation sur le départ décent de Kadhafi. L’Union africaine y travaille également. Mais les Africains ont certainement raison quand ils déclarent que Kadhafi ne partira pas tant qu’il est menacé par un mandat d’arrêt. Mais si le mandat est annulé, disent les Européens, cela signifie qu’il n’est innocent?

Depuis plus d’un moins apparaissent des fuites d’information disant que Kadhafi recevra sous peu les garanties d’immunité et repliera sa tente. Ce sujet est sans nul doute discuté. Mais pour l’instant sans résultat.

Les échecs américains inconsolables

La situation absurde en Libye impacte fortement la conscience européenne et les bases idéologiques de la civilisation européenne. D’un point de vue purement idéologique, la Libye pourrait devenir une sorte de lot de consolation pour l’échec en Afghanistan, où il n’y a ni victoire, ni construction de la démocratie européenne dans les montagnes afghanes. Les soldats européens y ont suivi les Etats-Unis, puis il s’est avéré que les électeurs avaient tout compris et souhaitaient le retrait des troupes. Ceux qui ne sont pas partis, partent aujourd’hui. Or, dans le cas libyen l’occasion semble parfaite: la vague démocratique envahit le Nord de l’Afrique, et il suffirait de pousser un dictateur pour le faire tomber. Tous les électeurs européens et les Arabes admiratifs devraient applaudir.

Mais étant donné que rien de tout cela ne s’est produit, les électeurs se demandent une nouvelle fois où l’amour de l’idéologie (le bien contre le mal, la démocratie contre les dictatures) conduit la civilisation européenne, pourquoi cette idéologie empêche de percevoir le monde qui nous entoure rationnellement, d’éviter les pièges et d’agir avec responsabilité. Et pourquoi les Africains ne pourraient-ils pas être en avance en termes de rationalisme? A supposer, bien sûr, que rien n’arrive à Kadhafi.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

 

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала