L’argent, facteur de paix entre les USA et la Chine

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Le principal thème de la visite de six jours du vice-président américain Joe Biden en Chine, qui a commencé mercredi, semble assez prosaïque.

Le principal thème de la visite de six jours du vice-président américain Joe Biden en Chine, qui a commencé mercredi, semble assez prosaïque. Joe Biden aurait pu se concentrer sur l’aviation et les porte-avions, sur la vente de chasseurs à Taïwan et l’apparition prochaine d'une flotte de porte-avions en Chine. Il aurait pu (et il le fera probablement) parler de beaucoup d’autres choses. Mais il s’est avéré que le thème le plus important concerne l’argent. Ainsi que le fait qu’il contraint les deux puissances à la paix et à la coopération.

Rencontre avec Xi Jinping
On a joué du violon lors de l’entretien de Joe Biden avec le vice-président chinois
Xi Jinping : « dans les nouvelles circonstances la Chine et les Etats-Unis assument ensemble une responsabilité commune plus large» (Xi Jinping); "Nous voulons établir des relations étroites et sérieuses avec la Chine" (Joe Biden).

Les nouvelles circonstances sont la crise économique mondiale qui persiste dans une certaine mesure. Et pour cette raison Biden s'est déclaré "absolument convaincu que la stabilité économique du reste du monde est fondée en grande partie sur la coopération entre les Etats-Unis et la Chine" à la veille des pourparlers à Pékin.

En fait le côté formel de cette visite est l’initiative de Pékin d'organiser une rencontre entre les numéros deux des Etats-Unis et de la Chine. Le dernier sera certainement le successeur de Hu Jintao, actuel chef de l’Etat.

Joe Biden et Xi Jinping passeront tout ce temps ensemble, et ils se rendront dans la province du Sichuan. A l’université de Chegdu, la capitale de la province, Biden prononcera un discours sur les relations sino-américaines. A la fin de l’année la même procédure ou presque se répétera lorsque Xi Jinping se rendra à Washington.

L’année 2012 marquera le changement de chefs d’Etat dans beaucoup de pays. En Chine ce changement se produit de manière prévisible ces derniers temps. Quant aux Etats-Unis, la certitude n'est pas totale sur le nom du futur président.

Quant à savoir si à l'étape actuelle Xi Jinping est apprécié aux Etats-Unis par ceux qui le connaissent plus ou moins, il s’avère qu'il est plutôt estimé. Il se distingue considérablement de Hu Jintao, réservé et quelque peu statique. Il est un bon manager (il n’aime pas les longues discussions et préfère ne pas atermoyer le règlement des problèmes) et il s’exprime clairement. Il écrivait avant des articles (sous un pseudonyme) dans un journal de la province du Zhejiang, dont il était gouverneur. Dans l’ensemble, c’est un homme intéressant. Et pour l’instant il ne s’est jamais longuement entretenu avec aucun leader américain.

La formule des relations
Dans l’administration américaine Joe Biden est responsable, entre autres, des décisions stratégiques en politique extérieure. Et les Etats-Unis ont besoin de changer leur politique chinoise.

Rappelons que la présidence de Barack Obama a commencé sous le signe des propositions américaines de "diriger le monde conjointement avec la Chine". Après une réponse plutôt froide, les diplomates américains se sont sentis offensés et ont renforcé leurs liens militaires avec les anciens et les nouveaux amis près des côtes chinoises. Les deux pays ont failli se brouiller.

Mais depuis le début de cette année, les pays se réconcilient, progressent peu à peu vers une formule de relations plus sereines. Et le stratège Joe Biden est évidemment venu pour en élaborer le schéma, visant d’ailleurs le long terme.

Il ne faut pas attendre beaucoup du discours de Joe Biden devant les étudiants chinois.
Il n’est pas exclu que ce discours soit plutôt adressé aux électeurs américains. Ici l’administration américaine actuelle rencontre les mêmes problèmes que dans les relations avec la Russie. Par exemple, les débats internes vifs, dont les participants n’arrivent toujours pas à échapper aux réalités d’une époque révolue et se comportent comme si les Etats-Unis étaient finalement devenus la seule superpuissance. Pour cette raison, dans la politique étrangère des Etats-Unis il est parfois difficile de faire la distinction entre la politique réelle et la rhétorique.

La future politique chinoise des Etats-Unis ne se construit pas autour de la récente décision enthousiaste d’Obama de ne pas fournir de nouveaux chasseurs à Taïwan, mais de moderniser les anciens (un cas rare lorsqu’au final tout le monde est resté insatisfait). Ni autour de l’activité aéronavale de la Chine (le 10 août, l’ancien porte-avions soviétique Variag vendu à la Chine et qui sera prochainement rebaptisé Shi Lang, a effectué une sortie en mer et est rentré pour être finalisé).

Il s’agit d’autre chose. Il s’avère que Biden est venu rassurer les Chinois concernant la solvabilité des Etats-Unis. Une situation inhabituelle, et pour certains désagréable, mais tout à fait explicable.

En fait, cet aspect financier de la visite était clair à une semaine des entretiens actuels. Les fuites de l’administration américaine et les rapports des analystes mettaient de plus en plus en avant le thème financier. Même chose en Chine.

"Les Etats-Unis doivent s’abstenir…"
Dans l’ensemble, à l’égard des Etats-Unis la Chine se comporte comme un investisseur ou un créancier mécontent, d’autant plus qu'il y a des raisons à cela. Mercredi, le jour de l’arrivée de Joe Biden en Chine, la presse chinoise a publié des faits surprenants : il s’avère qu’en avril, mai et juin Pékin continuait d'acheter des obligations de la dette américaine pour 7,6, 7,3 et 5,7 milliards respectivement. Et aujourd’hui les Etats-Unis doivent à la Chine 1.170 milliards de dollars.

D’ailleurs ce thème a été abordé en début d’année entre les deux pays au plus haut niveau dans le contexte des discussions habituelles à Pékin qui ont porté sur la nécessité d’en finir avec le monopole du dollar dans le système monétaire mondial.

Puis en août on a assisté à la bataille entre Obama et les républicains qui a failli provoquer une seconde vague de crise mondiale. Et beaucoup d’accords, y compris internationaux, ont "sauté".

Et aujourd’hui, les Etats-Unis parlent du lancement possible du troisième programme QE (Quantitative easing : assouplissement quantitatif), dans le cadre duquel la Réserve fédérale des Etats-Unis pourra racheter les obligations américaines.

La Chine craint qu’en injectant ainsi de l’argent dans l’économie la Fed augmente les prix de nombreux types de matières premières et marchandises, et dévalorise le dollar, en dévaluant par la même occasion les 1.170 milliards de dollars détenus par les Chinois. "Les Etats-Unis doivent s’abstenir de tout assouplissement quantitatif et durcir leur politique monétaire pour renforcer la confiance du monde dans le dollar", a déclaré le président de la Banque centrale de Chine Zhou Xiaochuan. Doivent s’abstenir?! Ce sont les propos d'un actionnaire…

Et dans le cas présent Joe Biden doit précisément répondre à cet actionnaire.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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