Steve Jobs démissionne de son poste de PDG d’Apple

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Steve Jobs a lâché les rênes d’Apple. Il a démissionné, comme il l’avait promis, lorsqu’il a compris qu’il n’était plus à même de rester au sommet, en envoyant au monde cinq paragraphes laconiques, sans larmes ou emphase, avec une recommandation sérieuse concernant celui qu'il souhaite voir lui succéder.

Steve Jobs a lâché les rênes d’Apple. Il a démissionné, comme il l’avait promis, lorsqu’il a compris qu’il n’était plus à même de rester au sommet, en envoyant au monde cinq paragraphes laconiques, sans larmes ou emphase, avec une recommandation sérieuse concernant celui qu'il souhaite voir lui succéder. Il est parti, ou plus précisément s’est mis de côté, au poste honorable du président du conseil d’administration. Il n’est pas mort à son poste, comme l’attendaient les marchés angoissés et frémissant parfois à cause des rumeurs décourageantes sur la santé du PDG mondialement renommé. Aux Etats-Unis, cette nouvelle a constitué la une des journaux en faisant de l’ombre à l’ouragan Irène et aux événements dramatiques en Libye.

"J'ai toujours dit que s'il arrivait qu'un jour je ne puisse plus remplir mes fonctions et répondre aux attentes en tant que directeur général d'Apple, je serai le premier à vous le faire savoir. Malheureusement, ce jour est venu", a écrit Steve dans un message adressé à tout le monde, sans même signer de son nom de famille.

Les personnes dignes savent partir dignement, sans s’accrocher au pouvoir, sans se considérer comme indispensables ou revendiquer d’autres intérêts majeurs. L’homme de 56 ans a sincèrement dit qu’il ne pouvait plus travailler comme avant.

Pour la première fois, le cancer de Jobs a été dévoilé en 2003 par la presse américaine qui se référait à ses sources au sein d’Apple. Selon la tradition américaine, les politiciens et les entrepreneurs importants doivent rendre des comptes à la population sur leurs problèmes de santé et les pronostics des médecins. Mais Steve Jobs le cachait, soit dans l’intérêt des affaires, soit pour protéger sa vie privée, soit parce qu’il ne voyait aucun lien entre les affaires et la vie privée. A l’époque les analystes du marché ont commencé à affirmer que le départ tragique du père-fondateur de la direction active de la société ferait chuter les actions d’Apple de 25%, et la capitalisation du leader américain de l’innovation perdrait plus de 36 milliards de dollars (selon les anciennes estimations).

Jeudi, le NASDAQ a dit son mot à l’ouverture, mais par son départ volontaire du poste clé de la société, de son vivant, une fois de plus Steve Jobs les a tous "eus."

"Les rumeurs concernant ma mort sont très exagérées" - la citation de Mark Twain était sa seule réponse quelques années auparavant à sa première apparition à San-Francisco après la célèbre boulette de l’agence Bloomberg qui avait publié par erreur une nécrologie préparée à l’avance. Et il pourrait répéter le même refrain, ce génie non seulement des innovations mais également des ventes. D’ailleurs, il a envoyé sa lettre de démission après la fermeture des bourses new-yorkaises, mais lorsque la Silicon Valley était encore en régime de travail.

La première réaction du marché interbancaire a été nerveuse – en une heure les actions ont perdu près de 7%. En effet, il est difficile d’imaginer Apple sans Jobs, en pull noir, qui flotte avec les années de plus en plus largement sur son corps amaigri, en jean et en baskets. Son apparition à la présentation des nouveautés au cours des huit dernières années, après la découverte du cancer et la transplantation du foie par la suite, étaient des événements d’une importance particulière. La salle se levait à chaque fois pour saluer Steve Jobs – c’est ainsi qu’on accueille les présidents et les rois en raison de leur titre. Mais cet accueil est réservé à Steve Jobs pour ses mérites. Son empire de l’innovation a conquis sans coup férir ni ultimatum le monde qui fait la queue pour les "produits révolutionnaires", et les fans d’Apple sont même prêts à vendre un rein pour le bonheur de posséder un iPad.

Steve Jobs est indéniablement l’un des plus remarquables entrepreneurs du siècle nouveau. Un jour il a reconnu que les employés d’Apple élaboraient tous leurs produits pour eux-mêmes, sans penser à quel groupe d’individus conviendrait le Mac ou l’iPhone, sans effectuer d'études marketing, mais en s’orientant seulement sur leurs préférences et en faisant ce qui leur plaît avant tout. A l’époque de sa volubilité – il y a 25 ans – Steve Jobs affirmait qu’il n’avait jamais été l’esclave de ses milliards. "Vous savez, ma réaction générale à cet argent est humoristique, c’est presque la chose la plus insignifiante qui soit arrivée dans ma vie", a déclaré Steve Jobs dans une interview accordée au magazine Playboy en février 1985, un an après la présentation du premier Mac.

Ce qui s’est réellement passé durant sa dernière journée de travail – mercredi 24 août – nous le saurons probablement grâce à l’autobiographie qui devrait paraître en novembre, intitulée Steve Jobs, un titre aussi simple que son jean et ses baskets. Mais le capitaine n’a pas quitté la dunette pendant la tempête, mais au sommet du boom Apple, lorsqu’il s’est avéré que la société avait plus de liquidité que le Trésor américain, lorsque l’iPad est devenu la tablette la plus convoitée au monde, et la planète a été frappée par l'"Applemania."

On pourrait chercher beaucoup de raisons logiques à ce qui a poussé Jobs à écrire mercredi sa "lettre de démission." Il s’agissait peut-être d’un entretien décevant avec les médecins. Il se bat courageusement pour la vie contre les maladies graves et exténuantes. Je pense qu’il s’est habitué à balancer entre la vie et la mort avec ses diagnostics. Dans une interview, en accusant l’âge, Steve Jobs a fait remarquer: "Nous naissons, nous vivons pendant un moment et nous mourons. C'est ainsi que la vie est faite." A l’époque il avait quarante ans. Aujourd’hui, selon les normes américaines, c’est un entrepreneur dans la fleur de l’âge, car il n’a pas atteint l’âge de la retraite, même selon les normes russes.

Peut-être mercredi a constitué un point de départ en raison de la rencontre avec quelqu’un du conseil d’administration ou d’autres personnes "bienveillantes"… Immédiatement après la décision de Jobs de partir en congé indéterminé en janvier, certains disaient qu’il devait quitter la barque pour ne pas perturber les marchés, tant les images d’Apple et de son PDG avaient fusionné. Puis des rumeurs disaient que derrière le dos de son chef le conseil d’administration discutait déjà une candidature de remplaçant s’il venait à décéder.

Cela pouvait-il sabrer la conviction infaillible de Jobs de son indispensabilité? Certainement pas. Il ne fait certainement pas partie des idéalistes.

"Je suis un optimiste dans le sens où je crois que les gens sont honnêtes et nobles, et certains sont remarquables. J’ai une vision très optimiste de chaque individu. En tant qu’individus à part, ils ont un bon fond. Mais j’ai une vision plus pessimiste des gens réunis en groupes", a fait remarquer Steve Jobs dans une interview.

Depuis que le PDG d’Apple est tombé gravement malade, il a limité sa communication aux présentations des nouveautés et aux déclarations rares et courtes. Pour cette réticence à ouvrir les portes de sa vie privée, la presse s’en prenait à lui malgré l’admiration de l'armée de ses fans.

On ignore les véritables motivations du départ du PDG d’Apple de son poste, ou plutôt quelle en a été la cause immédiate. Mais il faut croire que cette décision a été la plus réfléchie, la plus juste et la mieux sentie. Il y a six ans, lors d’un bref discours à l’université Stanford cet homme a donné un conseil aux diplômés: "Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. L'un et l'autre savent ce que vous voulez réellement devenir. Le reste est secondaire."

Voilà ce qui s’est passé mercredi. Pour ceux qui ne sont pas dans le milieu des affaires mais apprécient simplement Apple et ses produits, le départ du leader charismatique du poste de PDG pour devenir président du conseil d’administration n’est pas si dramatique. Steve Jobs reste avec Apple, le reste est secondaire. Merci, Steve, de n'avoir pas fourni le motif d’écrire à titre posthume.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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