Septembre noir pour Angela Merkel

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La chancelière allemande Angela Merkel n’avait encore jamais connu d'automne aussi difficile. Or la saison ne fait que commencer.

La chancelière allemande Angela Merkel n’avait encore jamais connu d'automne aussi difficile. Or la saison ne fait que commencer. Angela Merkel est à ce point consciente des problèmes qu’elle est susceptible de rencontrer dans son pays qu’elle a même annulé sa visite en Russie prévue les 7-8 septembre, lors de laquelle elle devait assister au forum politique et rencontrer le président russe Dmitri Medvedev. Plusieurs votes extrêmement importants auront lieu au Bundestag et pour cette raison Merkel ne peut pas se libérer ne serait-ce qu’une seule journée.
Le parlement doit déterminer l’avenir de l’euro, en fait l’avenir de l’Union européenne, et décider du sort politique d’Angela Merkel.

Le 8 septembre s’est tenue la première lecture des amendements à apporter à la loi sur le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Et le marathon se terminera le 29 septembre par une session spéciale du Bundestag portant sur le délai d'approbation de cette loi.

Des défaites aux demi-victoires

Septembre pour Angela Merkel est un mois bourré de problèmes personnels et politiques.
Le 2 septembre le père d’Angela Merkel est décédé, deux jours plus tard son parti démocrate chrétien a perdu les élections parlementaires dans le land de Mecklembourg-Poméranie antérieure (où Merkel a été pour la première fois élue au Bundestag en 1990) et désormais le parti social-démocrate (SPD) de l’opposition représente la majorité au parlement local. Il s’agit du quatrième land où le CDU a perdu la majorité.

Même la victoire le 7 septembre à la Cour constitutionnelle fédérale qui a statué sur l'illégitimité de la décision de son cabinet d’allouer de l’argent pour aider les pays européens au bord de la faillite (la Grèce, l’Irlande et le Portugal), n’est en réalité qu’un demi-succès. Il a été dit à Angela Merkel qu’elle avait raison, mais on lui a lié les mains pour le cas où.

La cour a complété sa décision sur la légitimité de l’allocation des fonds pour le sauvetage de la Grèce et la participation au mécanisme européen de sauvetage par une résolution stipulant qu’à l’avenir le Bundestag devra jouer un rôle plus important dans ce genre de questions. Autrement dit, elles doivent être obligatoirement concertées avec les députés. Cela signifie que toutes mesures financières destinées à sauver les membres indisciplinés de la zone euro et la monnaie européenne seront ralenties par de longs débats parlementaires.

Merkel est montée au créneau. Après la décision de la cour, elle a immédiatement annoncé qu’elle avait l’intention de continuer à défendre l’euro, car ce n’est pas seulement une monnaie commune, mais un "garant de l’Europe unie", et sans l’euro l’Union européenne s’effondrera.

La colère des Allemands et la révolte des alliés

Dans l’ensemble, c’est exact. Mais tout cela déplaît aux électeurs allemands qui ne veulent pas payer de leur poche le gaspillage financier et l’indiscipline de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal. Voire de l’Italie et de l’Espagne – leurs affaires budgétaires et de dette sont également mal en point.

L’expansion du pouvoir du FESF (le volume total du fonds est pour l’instant fixé à 750 milliards d’euros, où les pays de l’UE apportent 440 milliards d’euros et le reste est pris en charge par le Fonds monétaire international) concerne, entre autre, ses capacités à racheter sur un marché secondaire les obligations des pays au bord de la faillite, c’est-à-dire pour financer leurs dettes. Par ailleurs, la contribution de l’Europe devrait passer de 440 à 780 milliards d’euros. La part de l’Allemagne augmentera de 123 à 211 milliards d’euros. L’Allemagne verse au FEFS la cotisation la plus élevée, 27,1%, suivie par la France -  20,4%. Il est évident que les Allemands ne l’apprécient pas, bien que tout le monde soit conscient de la nécessité à sauver l’euro.

La situation serait encore pire si la monnaie européenne s’effondrait. Et il faut empêcher l’effondrement de la zone euro sachant que les pays de l’UE et du reste du monde ne se sont pas encore remis de la crise et ignorent si elle frappera de nouveau ou non.

Mais aujourd’hui le principal danger pour Merkel n’émane pas du SPD, mais de son propre camp et des alliés de la coalition – les démocrates libres (la coalition au pouvoir est une alliance entre l’Union démocrate chrétienne CDU/CSU et le parti démocrate libre).

En principe, les sociaux-démocrates ont déjà annoncé leur soutien au sauvetage de l’euro.
Mais ce n’est pas le cas des alliés qui insistent pour que la loi sur le FEFS inclue le droit de veto du Bundestag sur toutes les décisions relatives aux contributions financières de Berlin.
Le magazine Spiegel Online a rapporté que la coalition gouvernementale avait déjà fait au parlement un vote "blanc" et il s’est avéré que 14 députés de l’Union CDU/CSU ont voté contre et 7 autres se sont abstenus.

Le Bundestag compte 620 sièges. La coalition de Merkel en détient 330. La majorité simple est nécessaire pour adopter la loi sur l’extension des compétences du FEFS. Ainsi, Merkel n’a plus aucune marge de manœuvre. Elle doit renforcer la discipline parmi ses députés afin qu’ils votent cette loi. Sinon, la coalition s’effondrera et il sera nécessaire d’organiser des élections anticipées au lieu de celles prévues en 2013. Or cela reviendrait à apporter au SPD la victoire sur un plateau d’argent. Dans ce contexte de différends au sein de la coalition et de la colère des Allemands, Merkel n’a aucune chance d’être réélue. Mais beaucoup de choses pourraient changer pour 2013 – la crise de l’euro n’est tout de même pas éternelle.

Merkel attaquée sur tous les fronts

A l'heure actuelle, Angela Merkel est prise entre le marteau et l’enclume. Hormis les ennuis dans son pays, elle s’est retrouvée sous le feu de la critique en Europe et dans le reste du monde financier.

Un autre paradoxe curieux engendré par les problèmes de la monnaie unique et au sein de la zone euro : les journaux américains et européens blâment Merkel pour des raisons opposées à celles de la population allemande. En Europe on considère que la chancelière allemande a réagi trop tard à la crise de la dette dans la zone euro et fait trop peu pour sauver la monnaie unique.
Et les Allemands critiquent Merkel car, selon eux, elle donne trop et trop vite pour le sauvetage des Grecs, des Irlandais et des Portugais insouciants.

Et peu remarquent que dans le contexte des difficultés de l’euro et des problèmes de la dette dans la zone euro, Berlin et Paris commencent peu à peu à mettre en œuvre leur rêve de
longue date – la création d’une Europe à deux vitesses. Lors du dernier sommet, qui s’est tenu en août à Paris, Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy se sont entendus sur la synchronisation de la politique fiscale et de la législation et sur le renforcement de la coordination économique. Autrement dit, ils se préparent à partir devant seuls, peut-être prendre avec eux les Pays-Bas et le Luxembourg, et les autres n’ont qu’à les rattraper.

Par ailleurs, le 8 septembre le ministre allemande des Finances Wolfgang Schäuble a pour la première fois insinué ouvertement que si la Grèce continuait à ne pas remplir les conditions nécessaires pour être membre de la zone euro et pour son propre sauvetage, et ne réduisait pas son immense déficit budgétaire, personne ne la retiendrait de force dans la zone euro.
"Au final, c'est à la Grèce de savoir si elle peut remplir les conditions indispensables pour être membre de la zone de la monnaie commune", a déclaré Wolfgang Schäuble le 8 septembre dans une interview sur Deutschlandfunk radio. Les Allemands n’avaient encore jamais parlé aussi franchement de l’éventualité de quitter la zone euro.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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