L’expérience du CERN bouleverse les théories physiques

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Les scientifiques européens pourraient renverser la théorie de la relativité d’Einstein d'un geste négligeant. L’expérience conjointe des physiciens italiens et suisses a montré qu’il existait une chose se déplaçant plus rapidement que la lumière.

Par Konstantin Bogdanov, RIA Novosti

Les scientifiques européens pourraient renverser la théorie de la relativité d’Einstein d'un geste négligeant. L’expérience conjointe des physiciens italiens et suisses a montré qu’il existait une chose se déplaçant plus rapidement que la lumière.

Les particules de neutrinos sont cette "chose". Pour l’instant les physiciens ignorent ce qu’ils ont vu en réalité – est-ce une erreur de l’expérience ou est-ce la fin de la doctrine d’Einstein.

L’express superluminique à travers les Alpes

La conclusion sensationnelle n’a pas été faite du jour au lendemain. Les résultats s’accumulaient depuis trois ans.

Que s’est-il passé? L’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) de Genève  "éclairait" par son synchrotron (on pourrait le présenter grosso modo comme le "générateur" de neutrinos) vers le sud en envoyant le flux de particules de l’autre côté des Alpes.

La Terre est ronde, et pour cette raison le flux passait directement à travers l’assise rocheuse.
Et il était réceptionné par les détecteurs OPERA du laboratoire national de Gran Sasso en Italie centrale, dans la région des Abruzzes. La distance "à vol d’oiseau" est d’environ 732 kilomètres.

"Nous avons mesuré directement la "durée du voyage". On prend la distance entre les deux points, on mesure le temps et on calcule la vitesse, comme à l’école", a déclaré Antonio Ereditato, porte-parole d’OPERA en commentant l’expérience. En trois ans, les détecteurs de Gran Sasso ont capté près de 16.000 neutrinos émis par le synchrotron du CERN.
Au total: 16.000 répétitions de l’expérience.

La simplicité d’école annoncée a donné un résultat stupéfiant. En moyenne, les neutrinos franchissaient la distance entre la source et le détecteur plus rapidement que la lumière dans le vide de 60 nanosecondes. Selon les théories de la physique contemporaine, c’est impossible.

Des particules fantômes

Qui a rompu le calme dans le monde calibré de la physique?

Les neutrinos ont été découverts pour la première fois par les Américains en 1956.
Mais l’existence de la particule neutre très légère avait été prédite théoriquement en 1930 par le Suisse Wolfgang Pauli.

Toutefois, le terme "prédit" est incorrect. Wolfgang Pauli a postulé l’existence du neutrino pour, selon lui, sauver la physique théorique d’une nouvelle catastrophe. Les notions de l’époque concernant la structure du noyau de l’atome conduisaient inévitablement à des conclusions qui allaient à l’encontre des lois immuables de la conservation de l’énergie.

L’hypothèse de Pauli permettait de contourner ce problème. Dans une discussion un collègue de Pauli, l’Italien Enrico Fermi, a baptisé cette particule neutrino. Le terme est resté. Cependant, l’objet découvert sur le papier a été détecté par expérimentation seulement un quart de siècle plus tard.

Cet objet paraissait bien trop insaisissable. Il n’interagissait pratiquement pas avec la matière: les neutrinos cosmiques volent facilement à travers la Terre et continue leur vol. Ils sont enregistrés seulement grâce aux traces indirectes et très rarement.

D’où les expériences souterraines. Les détecteurs de neutrinos sont installés le plus profondément possible dans la roche pour les couper de tous les autres rayonnements inutiles pour les scientifiques. Or, un neutrino vole facilement à travers ce "plafond".

Cette fois, l’histoire s’est quelque peu répétée. La Suisse et l’Italie, comme à l’aube de la découverte du neutrino, ont présenté au monde de la science une édifiante surprise.

Tout le système devra être changé

Si les expérimentateurs ne se sont pas trompés, les physiciens devront revoir en grande partie leur conception du monde. La théorie de la relativité d’Einstein ne disparaîtra pas et ne sera pas reconnue comme erronée.

Comme la mécanique classique de Newton n’a pas été reconnue comme fausse à son époque: elle a été complétée par des effets relativistes et le plafond de la vitesse de la lumière qu’il a été peut-être possible de franchir aujourd’hui. Cette fois, il faudra compléter la théorie d’Einstein.
 
Pour l’instant les auteurs ne s’engagent pas à interpréter sans équivoque les résultats des expériences: ce serait un geste hardi. Les résultats des recherches sont accessibles sur internet, cependant ils n’ont pas encore été envoyés pour être publiés. Les auteurs attendent l’avis de leurs collègues.

Le professeur se serait-il trompé?

Et les voix des sceptiques sont hautes et assez convaincantes. Ainsi, les collègues japonais des physiciens du CERN estiment qu’il s’agit simplement d’une erreur systémique latente – autrement dit, une certaine déformation qui n’a pas été prise en compte a affecté les 16.000 expériences. Le physicien Chang Kee Jung du laboratoire japonais T2K serait prêt à "parier sa maison là-dessus".

Cependant, les scientifiques cherchaient également une erreur systémique. "Après des mois de recueil, d’analyse et de tri des données, ainsi que des vérifications croisées, nous n’avons pas trouvé d’erreur systémique ni dans l’algorithme du traitement de données, ni dans le détecteur. Pour cette raison, nous publions nos résultats, nous poursuivons les travaux et espérons que les mesures indépendantes d’autres groupes aideront à comprendre la nature de cette observation", a fait remarquer Antonio Ereditato.

D’autres indiquent qu’à de telles vitesses 60 nanosecondes représentent une distance d’au maximum 17-18 mètres, et il peut y avoir une multitude de raisons à l’origine d’une telle erreur. "Ils ont peut-être oublié de prendre en compte un câble", lit-on sur internet.

"Je pense que la majorité de la communauté scientifique ne le considérera comme un résultat définitif qui si nous reproduisons l'expérience au moins une fois, ou plusieurs serait encore mieux. Mais à mon avis, c’est une bonne chose", a déclaré Alan Kostelecky qui a participé à l’expérience.

Quoi qu’il en soit, les scientifiques sont aujourd’hui face à un réel défi. Soit chercher ensemble l’erreur dans l’expérience et, comme se serait exprimé un bureaucrate de la science, "améliorer la base de données". Soit refaire l’expérience. Et il sera alors nécessaire de construire une nouvelle physique.

Le premier est plus simple et plus plausible. Mais le second est tout de même plus intéressant.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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