Résolution sur la Syrie: Moscou et Pékin se sentent menacés

© RIA NovostiLa Chine et la Russie ont opposé leur veto sur le projet de résolution sur la Syrie
La Chine et la Russie ont opposé leur veto sur le projet de résolution sur la Syrie - Sputnik Afrique
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L’utilisation du droit de veto par Moscou et Pékin lors du vote sur la Syrie mardi dernier reflète à quel point des membres du Conseil de sécurité des Nations Unies interprètent différemment les événements au Moyen-Orient.

L’utilisation du droit de veto par Moscou et Pékin lors du vote sur la Syrie mardi dernier reflète à quel point des membres du Conseil de sécurité des Nations Unies interprètent différemment les événements au Moyen-Orient. Mais il ne s’agit pas seulement de cela. On constate clairement des différends fondamentaux qui ne concernent pas seulement la région arabe.

Arme ou philosophie?
Les adversaires de la résolution, dont le projet a été proposé par les puissances occidentales, ont argumenté leur position en expliquant qu’elle permettrait d’instaurer des sanctions internationales contre la Syrie, et ensuite, compte tenu de l’expérience récente de la Libye et de l’Irak, préparerait le terrain pour une intervention militaire étrangère.

Et bien qu’à la demande des Russes et des Chinois la tonalité du document ait été assouplie à plusieurs reprises, il stipulait toujours que des mesures pourraient être prises contre le gouvernement syrien conformément à l’article 41 du chapitre VII de la Charte de l’ONU, si la violence ne cessait pas dans les 30 jours.

Les diplomates savent parfaitement bien que cet article parle de mesures non militaires. Elles peuvent être douloureuses, car "ces mesures peuvent inclure l’interruption partielle ou totale des relations économiques" et d’autres moyens de pression.

Cependant, la Syrie n’est pas un pays économiquement important pour la Russie et la Chine. Immédiatement après le vote, l’ambassadrice américaine auprès de l’ONU Susan Rice a supposé que le veto russo-chinois s’expliquait par la volonté de vendre des armes à la Syrie.

Ce que son collègue russe, Vitali Tchourkine, a nié, déclarant que ce projet était basé sur la philosophie de la confrontation. En effet, actuellement la Russie n’approvisionne pas activement la Syrie en armes, car cette dernière n’a pas d’argent et Moscou ne veut pas irriter aussi ouvertement ses partenaires occidentaux et israéliens par une telle coopération.

A défaut d'ennemis on tue leurs proches

Le veto de la Russie et de la Chine s’explique principalement par des raisons politiques. Le 18 mai, lors de la conférence de presse à Skolkovo, le président russe Dmitri Medvedev, en s’indignant de l’application dans la pratique de la résolution du Conseil de sécurité sur la Libye (la guerre a commencé immédiatement après son adoption), a promis: "Je ne soutiendrai pas une résolution similaire sur la Syrie, même si mes amis me le demandaient."

L’Occident se croit autorisé à s’ingérer de plus en plus activement dans les affaires des autres Etats, jusqu’à apporter ouvertement son aide à l’opposition locale, notamment si les valeurs prioritaires de l’Occident, telles que les droits de l’homme, sont en cause. Le renversement des régimes hostiles devient une pratique presque habituelle.

Les craintes que la situation puisse empirer et qu’une guerre civile survienne en Syrie n’offusquent personne, car la situation est déjà très grave et le conflit interne s’exacerbe. Depuis mi-mars, lorsque les premières actions de protestations ont commencé dans le pays, 2.700 personnes ont été tuées, selon l’ONU.

De plus en plus souvent, non seulement les manifestants et leurs opposants des services spéciaux ou des unités militaires deviennent des victimes, mais également les innocents indirectement liés aux principaux acteurs des événements dramatiques Ainsi, certaines personnes armées, qui n’ont pas toujours l’occasion de s’en prendre aux opposants, kidnappent et tuent leurs proches, souvent éloignés, en choisissant les jeunes pour que la douleur de leur perte soit plus forte.

Non seulement les partisans du gouvernement, mais également leurs adversaires agissent violemment, comme en témoigne le meurtre récent près d’une université dans la province de Idlib d’un étudiant, seulement parce qu’il était le fils du grand mufti du pays Ahmad Hassoun qui soutenait le régime. Le professeur qui se tenait près du jeune homme a également été touché dans la fusillade.

Le peuple choisira… si on lui en donne la possibilité

C’est ainsi que commencent les guerres civiles. Les politiciens occidentaux sont convaincus que le mécanisme du conflit interne peut être stoppé en soutenant l’opposition. Les derniers mois ont montré que les opposants dispersés et confrontés à la résistance de l’armée sont dans l’incapacité d’obtenir le départ de Bachar al-Assad.

La Russie et la Chine estiment qu’au contraire dans cette situation difficile il faut aider le gouvernement syrien qui a essayé tant bien que mal de mettre en œuvre d’urgence les réformes promises depuis longtemps.

La mise n’est pas faite sur le régime autoritaire d’al-Assad pour le protéger, mais car Moscou et Pékin ont leurs priorités. Si l’Occident met en avant les valeurs humaines universelles, la Russie et la Chine accordent plus d’importance au respect du droit international et à ses principes fondamentaux.

En ce qui concerne les problèmes internes, on ferme les yeux sur certains, ou on fait même des déclarations qu’on pourrait seulement qualifier de retorses. La veille Vitali Tchourkine a déclaré au siège de l’ONU à New York au sujet de la Syrie: "Nous estimons que les représentants légitimes ne doivent pas être choisis par les pays occidentaux. C’est au peuple de le faire."

Ce qui est difficilement discutable, mais certains diplomates russes ont probablement des idées quelque peu naïves concernant la manière dont le peuple syrien élisait ses représentants.

La Russie et la Chine se mettent à la place de la Syrie
Ceux qui professent une telle approche, considèrent l’ingérence dans les affaires internes comme inacceptable et dangereuse en raison de ses conséquences. Et le droit de veto au Conseil de sécurité des Nations Unies témoigne de leur poids international étayé par la détention de l’arme nucléaire.

Comme l’a déclaré un fonctionnaire russe à l’auteur de ces lignes lors d’un entretien privé: "Et si en Russie un groupe d’opposition se soulevait, quelqu’un voudrait-il également adopter des sanctions internationales contre la Russie? Quels sont les critères déterminant qui a le droit d’exercer une telle pression sur un autre pays? Et jusqu’où cela peut-il aller?" Ainsi, la Russie et la Chine semblent avoir discerné une menace contre elles dans la résolution sur la Syrie.

Par ailleurs, certains pays sont indécis au sein du Conseil de sécurité, dont la position dépendra du vainqueur dans ce bras de fer. Il est à noter que quatre Etats – l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et le Liban – se sont abstenus durant le vote. Ils ne sont pas encore prêts à aller contre le principe décrit par Lénine du partage du monde entre les grandes puissances, et attendent de voir qui dominera dans ce litige.

Cela ne promet rien de bon pour les Syriens, car la dernière expérience des conflits moyen-orientaux montre que plus les différends entre les grandes puissances sont nombreux, plus les guerres sont longues.



L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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