L'étrange complot contre l'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis

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L’administration américaine a tenté en fin de semaine d’expliquer et de convaincre le monde que l'histoire de la planification de l’assassinat par le Corps des gardiens de la révolution islamique en Iran de l’ambassadeur saoudien à Washington rapportée mardi dernier était vraie.

L’administration américaine a tenté en fin de semaine d’expliquer et de convaincre le monde que l'histoire de la planification de l’assassinat par le Corps des gardiens de la révolution islamique en Iran de l’ambassadeur saoudien à Washington rapportée mardi dernier était vraie.

Peu de gens ont été convaincus, par contre beaucoup ont commencé à réfléchir aux éventuelles guerres au Proche-Orient.

Selon les déclarations du procureur général des Etats-Unis Eric Holder, deux Iraniens ont été inculpés (l’un possédant la double nationalité iranienne et américaine a été arrêté, et l’autre est en fuite). Ils seraient envoyés de Téhéran par les forces spéciales du Corps des gardiens de la révolution islamique pour assassiner l’ambassadeur d’Arabie saoudite aux Etats-Unis.
A cet effet, le principal accusé Mansour Arbabsiar essayait de recruter des combattants de l’un des cartels de la drogue mexicains et d’acheter des explosifs au Mexique également. Après son arrestation, il a fait des aveux.

Un travail bâclé

Le Washington Post compatit à l’administration américaine, et pour cette raison le principal article à ce sujet explique : initialement les enquêteurs américains eux-mêmes ne croyaient pas qu’un complot aussi stupide puisse être fomenté à Téhéran à et à un tel niveau. Les Iraniens ne font pas du travail bâclé. Mais par la suite tout le monde y a finalement cru.

Quant au New York Times, il est plus sceptique. Ces articles expliquent en détails comment l’administration d’Obama s’efforce désespérément de contrer la vague globale de confusion et de scepticisme au sujet de la crédibilité de toute cette histoire.

Les collègues britanniques de l'Independent sont carrément impitoyables : "ce complot étrange ne coïncide pas avec ce qu’on sait des services de renseignement iraniens", "ce n’est pas un complot mais un scénario" (et un mauvais scénario), il ne manque plus que la blonde fatale qui attirerait l’ambassadeur saoudien plus près du piège.

Voyez vous-mêmes : transférer ouvertement aux terroristes 1,5 million de dollars à partir d’un compte associé aux Gardiens de la révolution islamique à Téhéran? Recruter grâce à cet argent des hommes du cartel de drogue mexicain qui jusque-là faisaient ce que bon leur semblait chez eux, mais n’ont encore jamais attaqué de l’autre côté de la frontière et n’ont aucune expérience du travail aux Etats-Unis? Et bien d’autres choses de la série "comment il ne faut pas préparer un attentat".

Impossible de faire marche-arrière

Faisons le rapprochement entre deux faits. Premièrement, il a été clairement décidé au plus haut niveau de rendre publique toute cette histoire – et voici que le vice-président Joe Biden annonce à la télévision qu’ils répondront de leurs actes et que les Etats-Unis sont prêts à riposter. Autrement dit, la première puissance du monde accuse les dirigeants de l’Iran d’avoir préparé un attentat.


Et deuxièmement, il est clair qu’aux Etats-Unis et en Europe les médias et les experts refusent en majeure partie de prendre au sérieux la version avancée par l’administration américaine. Beaucoup de gouvernements semblent également souscrire à l'avis de la majorité des experts. Au moins parce que ces dernières années il est difficile de qualifier l’attitude des Etats-Unis envers l’Iran de rationnelle. Les Américains accusent l’Iran de tout et de rien avec une régularité effarante. Au point que cela en est devenu lassant.

Selon certaines informations, actuellement les fonctionnaires de Washington travaillent avec les diplomates de divers pays de l’ONU, appellent les Etats à travers le monde et convoquent au Département de l’Etat des ambassadeurs en expliquant qu’il y avait bien un complot, et que ce n’est pas le président iranien Mahmoud Ahmadinejad qui en est l'inspirateur, mais le guide spirituel Ali Khamenei.

La secrétaire d’Etat Hillary Clinton déclare qu’hormis les nouvelles sanctions unilatérales adoptées mardi contre l’Iran il est nécessaire de prendre d'autres mesures et qu’un large soutien international est nécessaire à cet effet. Téhéran, qui à demandé la protection de l'ONU à son secrétaire général Ban Ki-moon, ne peut rien faire dans cette situation.

Mais si les preuves et les faits dans l’affaire de la tentative d’assassinat suscitent diverses questions, la réaction indignée de l’Arabie saoudite ne laisse planer aucun doute. Les différends entre l’Iran et l’Arabie saoudite sont bien connus depuis longtemps. Autrement dit, la guerre en Libye n’est pas encore terminée, mais il faut déjà se demander si on ne doit pas s’attendre à un autre conflit majeur dans une autre région du Moyen-Orient.

Notons (vu que toute cette histoire est déjà comparée à une nouvelle série de James Bond) que ces films d’action étaient construits selon le principe que les complots de ce type ne devaient jamais être découverts, et pour cela les braves agents secrets risquaient leur vie sans avoir le droit d’ébruiter leur activité. Pourquoi cet interdit? Parce qu’une guerre éclaterait. Mais dans le cas présent, c’est tout à fait l’inverse.

La méthode de la provocation


Les manœuvres militaro-diplomatiques autour de la nouvelle histoire américano-iranienne restent encore à venir. Alors revenons pour l’instant au fait évident que les accusations formulées au plus haut niveau par l’administration américaine contre les autorités iraniennes ne suscitent pas la confiance, même aux Etats-Unis.

C’est un grave échec de l’administration de Barack Obama, bien que l’administration ne soit certainement pas la seule responsable (les prédécesseurs ont également apporté leur contribution). Qui sait, aujourd’hui ou la prochaine fois, tout ou une partie des faits pourraient être confirmés. Mais beaucoup ne voudront pas non plus y croire.

Il existe plusieurs raisons à cette méfiance. Par exemple, en ce qui concerne les méthodes. Même si la comparaison peut paraître inattendue, actuellement à New York se tient le procès de l’homme d’affaires russes Viktor Bout. Aux Etats-Unis on considère Bout comme le plus grand trafiquant d’armes du monde. De la même manière, l’Iran est le mal absolu.

Mais comment a été préparée l’accusation et comment Viktor Bout a-t-il été extradé de Thaïlande? Les agents de la DEA, ce n’est même pas la CIA mais l’agence de lutte contre la drogue, se sont fait passer pour des rebelles colombiens et ont proposé à Bout de leur vendre des armes pour tuer des Américains. Et, il aurait répondu qu’il n’appréciait pas les Américains.
Aux Etats-Unis, cette aversion exprimée à haute voix est peut-être condamnable, mais dans le monde ceux qui aiment les Américains sont-ils légion?

Et aujourd’hui on nous parle de l’histoire des agents iraniens, dont l’un a été appréhendé par des provocateurs, également de la DEA. La méthode de la provocation ne suscite pas la confiance de tout le monde. De plus, on peut dire que l’enquête transnationale et la justice ne susciteront pas la confiance pendant encore longtemps. Cette même justice sera considérée comme une arme émoussée des intérêts politiques des puissances. En tout cas, c’est ce qu’indiquent les leçons de l’histoire iranienne.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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