Bruxelles ferme sa porte au nez du président ukrainien

© RIA Novosti . Andrey Moiseenko / Accéder à la base multimédiaPrésident ukrainien Viktor Ianoukovitch
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Mardi, l’Union européenne a claqué la porte au nez du président ukrainien Viktor Ianoukovitch qui avait l’intention de se rendre jeudi 20 octobre à Bruxelles pour rencontrer les dirigeants de l’UE.

Mardi, l’Union européenne a claqué la porte au nez du président ukrainien Viktor Ianoukovitch qui avait l’intention de se rendre jeudi 20 octobre à Bruxelles pour rencontrer les dirigeants de l’UE. Officiellement, Bruxelles parle seulement de report de la visite. Mais lorsqu’on ferme la porte au nez d’un président de manière aussi démonstrative, il s’agit toujours d’un camouflet diplomatique.

Toutefois, Ianoukovitch est encore loin de devenir le second proscrit de l’Europe derrière le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Mais manifestement les relations entre l’administration ukrainienne et Bruxelles se dégradent.

La visite dans la capitale de l’Europe devait être la phase finale de la préparation du sommet UE-Ukraine qui doit se tenir en décembre à Kiev et lors duquel était attendue la signature de deux documents clés: l’accord d’association et l’accord sur la zone de libre-échange. Mais la récente condamnation de l’ex-première ministre Ioulia Timochenko a tout changé, ce qui était parfaitement prévisible.

Jusqu’au dernier moment, Bruxelles attendait de savoir si le parlement ukrainien adopterait le projet de loi sur la décriminalisation d’une série de délits économiques, y compris de l’article 365 du Code pénal, en vertu duquel Timochenko a été jugée, et qui aurait rendu possible l'amnistie de l’ex-première ministre. Lorsqu’il s’est avéré que le parlement n’examinerait pas ce projet dans les prochains jours, la visite a été reportée.

Maja Kocijancic, porte-parole de Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne, a fait comprendre que pour l’instant il ne s’agissait que d’une démarche, et que Bruxelles ne rompait pas les relations avec Kiev définitivement.

Selon elle, la rencontre du président de la Commission européenne José Manuel Barroso avec le président ukrainien a été "repoussée à une date ultérieure, quand les conditions seront plus favorables pour progresser dans les relations bilatérales" entre l’UE et l’Ukraine.

En fiat, il n’existe qu’une seule condition: annuler la condamnation ou amnistier Ioulia Timochenko et l’autoriser à se présenter aux législatives de 2012. Toutes les autres exigences sont secondaires.

L’Ukraine, une épine dans le pied de l’Europe

L’Union européenne s’est retrouvée dans une position très délicate. Elle n’avait encore jamais été confrontée à ce genre de problèmes à ses frontières orientales.

D’une part, Bruxelles, de même que l’OTAN, a toujours été prête à accueillir les bras ouverts les anciens satellites de l’URSS et les arracher à la Russie. D’un point de vue géopolitique, tout est clair est logique. L’Ukraine est le plus grand et le plus développé des satellites européens.

Viktor Ianoukovitch, de même que son prédécesseur Viktor Iouchtchenko, a déclaré à plusieurs reprises que Kiev aspirait également à l’intégration européenne et à l’adhésion à l’UE. Il ne le disait pas aussi haut et fort que Iouchtchenko, mais cela ne change rien au fond.

Selon Ianoukovitch, il faut traiter chaque chose – l’Europe et Timochenko – indépendamment. Lundi, pendant une rencontre avec des journalistes occidentaux, Ianoukovitch a déclaré que la question du processus d’intégration européenne de l’Ukraine devait être examinée séparément de l’affaire Timochenko. Il a ajouté que "l’accord d’association qui reflète les perspectives de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE [était] très important" pour Kiev. L’accord d’association est le premier pas avant de recevoir le ticket d’entrée dans l’UE.

Les paradoxes de la politique ukrainienne ont conduit à une situation absurde. L’UE est contrainte de défendre par tous les moyens l’ex-première ministre ukrainienne Ioulia Timochenko, qui a été condamnée pour la signature d’un contrat gazier prorusse par le tribunal du président Ianoukovitch, pas si pro-occidental que cela. D’autre part, même en UE Ianoukovitch est qualifié de bien plus pragmatique par rapport à ses prédécesseurs, et Bruxelles est prête à avoir affaire avec lui.

Mais en raison d’une telle préoccupation face au sort de Ioulia Timochenko, l’Ukraine pourrait encore plus s’éloigner de Bruxelles et se rapprocher de Moscou. Chose que Bruxelles veut précisément éviter.

Le vice-premier ministre ukrainien Sergueï Tigipko a déclaré dans une interview le 18 octobre que si l’Ukraine continuait à recevoir de la part de l’UE des signaux clairement négatifs, cela renforcerait la probabilité de sa réorientation au sujet de l’adhésion à l’Union douanière avec la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan.

Il faut dire que le tabou imposé à la visite de Ianoukovitch n’a pas été une décision facile pour l’Union européenne qui s’est vue divisée en deux camps.

Le premier camp, qui inclut les pays Baltes, la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie et l’Autriche sous l’égide officieuse de la Pologne (en tant que principal "sponsor" de Kiev au sein de l’UE), estime toujours que quoi qu’il en soit l’UE doit signer l’accord d’association avec Kiev. Et que l’effort de l’UE pour s’imposer en tant que justicier dans l’affaire Timochenko n'est pas seulement néfaste, mais également dangereux. On ignore dans quelle direction cela peut pousser Kiev.

Pas plus tard que le 10 octobre, pendant la rencontre des ministres européens des Affaires étrangères à Luxembourg, le ministre lituanien Audronius Azubalis a déclaré que l’accord d’association devait être signé au plus vite, car cela aiderait à placer l’Ukraine dans la sphère d’influence occidentale, et cela à son tour changerait pour des décennies d’avance toute la géopolitique européenne.

Il ne faut pas confondre l’Europe et Bruxelles

L’annulation prévisible de la visite de Ianoukovitch à Bruxelles ne signifie pas encore de manière définitive que le sommet de décembre sera annulé. Bruxelles exprime même l’espoir qu’il se tiendra. A condition, bien sûr, que Kiev se ravise. Et pour cela il doit amnistier Ioulia Timochenko afin qu’elle puisse participer aux législatives prévues en 2012 en Ukraine. Pour l’instant, il est difficile de l’envisager, notamment en raison du fait que Ioulia Timochenko fait l’objet d’une autre enquête.

Les grandes puissances européennes sont principalement en faveur de l'adoption de sanctions contre Kiev en ne l'autorisant pas à intégrer l’Europe. C’est le second camp de l’UE divisée au sujet de l’Ukraine: l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et la majorité des commissaires de la Commission européenne, c’est-à-dire tout le bloc de la bureaucratie européenne dirigeante.

En cette période de crise, peu de puissances européennes veulent penser à une éventuelle adhésion à l’UE d’un autre pays pauvre de la périphérie orientale. L’expansion de l’UE n’est pas un thème à la mode de nos jours. Qui plus est l’extension à un pays de près de 46 millions d’habitants qui connaît constamment une crise politique et économique. La Grèce pose déjà suffisamment de problèmes.

Il faut comprendre que l’aspiration de l’Ukraine à une intégration étroite avec l’Union européenne n’est pas si forte. Un homme d'affaires occidental fort d'une expérience de 15 ans de travail en Ukraine a déclaré au journal EU Observer: "L’idéal, pour Ianoukovitch et les milieux d'affaires ukrainiens, serait de créer une zone de libre-échange et d'instaurer le régime sans visas. Ils veulent faire de l’argent en Europe et se déplacer facilement. Le contrôle accru de la bureaucratie de Bruxelles de leur manière de diriger le pays est la dernière chose qu’ils souhaitent."

 

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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