L'Otan évincé du transit pakistanais cherche une alternative

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Suite à la dernière frappe d'hélicoptères américains sur le territoire pakistanais, les relations entre les Etats-Unis et le Pakistan ont connu un regain de tension. Le Pakistan a bloqué le transit des chargements destinés aux forces de l’Otan en Afghanistan et les sociétés pakistanaises ont refusé de fournir du carburant à l’Alliance.

Suite à la dernière frappe d'hélicoptères américains sur le territoire pakistanais, les relations entre les Etats-Unis et le Pakistan ont connu un regain de tension. Le Pakistan a bloqué le transit des chargements destinés aux forces de l’Otan en Afghanistan et les sociétés pakistanaises ont refusé de fournir du carburant à l’Alliance. De plus, Islamabad a exigé que Washington quitte dans les 15 jours la base aérienne de Shamsi dans la province du Baloutchistan, utilisé par la CIA pour le lancement des drones contre les talibans.

Ce n’est pas le premier regain de tension dans les relations entre les "alliés dans la lutte contre le terrorisme", mais ces accès sont de plus en plus violents. Ce qui est tout à fait logique.

Washington et Islamabad (ainsi que Riyad) ont créé conjointement Al-Qaïda dans les années 1980 pour lutter contre les troupes soviétiques en Afghanistan. Ce même trio a créé les talibans dans les années 1990 pour stabiliser la situation en Afghanistan plongé dans le chaos total après le départ de l’armée soviétique.

Etant donné que l’une puis l’autre tâche ont été accomplies, Washington a simplement abandonné ses projets devenus inutiles. Au final, Al-Qaïda a tourné sa veste est s’est mis à attaquer ses créateurs. Et les talibans ont fourni avec plaisir un asile à leurs alliés idéologiques les plus proches.

En ce qui concerne Islamabad, le contrôle de l’Afghanistan est crucial pour lui. Ce pays est considéré par le gouvernement pakistanais comme une ligne arrière stratégique en cas de guerre contre l’Inde. Et les talibans créés par le renseignement pakistanais avec l’argent saoudien sont le principal instrument d’un tel contrôle. C’est la raison pour laquelle Islamabad ne peut pas abandonner les talibans et ne fait que simuler la lutte contre eux. On y attend le départ inévitable des Américains, après quoi les talibans reprendront le pouvoir à Kaboul avec le soutien total du Pakistan.

Washington l’a compris depuis longtemps, mais continue à jouer la comédie en qualifiant le Pakistan d’"allié pour la lutte contre le terrorisme." Cela s’explique premièrement par le transit qui passe principalement via le Pakistan. Deuxièmement, à l’heure actuelle les Etats-Unis, sans parler des autres pays de l’Otan, sont incapables de mener une guerre contre le Pakistan.

Le Pakistan dispose de l’arme nucléaire. Et les pays occidentaux ne prendront jamais le risque d'exposer leurs troupes à une attaque nucléaire. D’autant plus que l’armée conventionnelle pakistanaise est numériquement importante et puissante. Les Européens ne lui arrivent pas à la cheville. Evidemment, les Etats-Unis pourraient vaincre le Pakistan. Mais pour cela ils devraient augmenter considérablement leur contingent. Et ne pas seulement l’élargir, mais également le modifier foncièrement.

Les forces actuelles des Etats-Unis et de l’Otan en Afghanistan sont orientées exclusivement sur la guerre anti-clandestine, elles n’ont pratiquement pas de chars (les Etats-Unis n’en ont aucun en Afghanistan), très peu d’artillerie et aucune défense antiaérienne (ni sol-air, ni air-air). Le nombre de bombardiers est également largement insuffisant pour une telle guerre. Par conséquent, il faut projeter tout ce matériel en Afghanistan, ce qui prendra énormément de temps et d’argent.

De plus, dans ce cas Islamabad comprendra clairement qu’une guerre se prépare contre le Pakistan. Dans le pire des cas, le Pakistan pourrait attaquer alors le contingent américano-otanien, qui serait incapable de se défendre dans son état actuel. Au minimum, il fermera intégralement et définitivement le transit via son territoire. Par conséquent, les Américains seront forcés de projeter leurs avions de combat via l’espace aérien de la Russie, et de transporter les chars Abrams par la voie ferroviaire russe.

Objectivement parlant, la Russie devrait soutenir par tous les moyens la destruction par les Américains des forces qu’ils ont eux-mêmes créées. Le Pakistan est l’un des principaux rivaux potentiels de Moscou. Hélas, le comportement de la Russie est tellement irrationnel qu’il ne faut pas s’attendre à des actions cohérentes de sa part. Etant intéressé par le succès de l’opération de l’Otan en Afghanistan plus que la coalition elle-même, Moscou a pendant longtemps mis des bâtons dans les roues de cette opération. Et même aujourd’hui, la Russie a autorisé avec beaucoup de difficultés le transit des seuls frets non militaires. On peut seulement s’imaginer le hurlement des nombreux paranoïaques russes si les chars et les véhicules blindés américains commençaient à transiter via la Russie. Combien de cinglés iraient se jeter sous ces trains.

D’autre part, les frappes américaines "accidentelles" sur le territoire pakistanais de plus en plus fréquentes donnent l’impression que les Etats-Unis provoquent Islamabad pour qu'il soit le premier à attaquer. IL n’est pas exclu qu’ils puissent sacrifier le contingent afghan afin d’anéantir complètement le Pakistan, un allié de Pékin depuis un demi-siècle, par la suite. Et ces derniers temps, le rapprochement sino-pakistanais, y compris dans le domaine militaire et militaro-technique, progresse à pas de géant. En anéantissant le Pakistan, les Etats-Unis feront d’une pierre deux coups. D’ici deux ou trois ans, lorsque le budget militaire américain fera l’objet de restrictions considérables, cela pourrait devenir impossible.



L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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