Législatives russes: les changements sont inévitables

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Selon les experts, le recul du parti Russie Unie aux législatives du 4 décembre et l’amélioration des résultats des partis d’opposition montrent que le vote était un vote de protestation.

Selon les experts, le recul du parti Russie Unie aux législatives du 4 décembre et l’amélioration des résultats des partis d’opposition montrent que le vote était un vote de protestation. L’évolution de ces dispositions contestataires dépendra de la politique choisie par le gouvernement dans la situation actuelle, ainsi que de la politique menée par les partis représentés à la Douma (chambre basse du parlement russe), déclarent les politologues.

Lundi, à 18h00, heure de Moscou, après le décompte de 95,71% des bulletins, Russie Unie obtenait 49,54% des voix et, d’après les estimations de la Commission électorale centrale de Russie, pouvait prétendre à 238 des 450 sièges à la Douma, contre 315 en 2007. De cette manière, le parti au pouvoir perd la majorité constitutionnelle des deux tiers de députés, mais conserve tout de même la majorité absolue.

L’opposition parlementaire a significativement amélioré ses résultats par rapport aux législatives de 2007. Le parti communiste prétend à 92 mandats parlementaires (par rapport à 57 sièges auparavant), 64 sièges pour Russie Juste (contre 38) et 56 pour le parti libéral-démocrate (contre 40).

Le renforcement des positions de ces partis ne témoigne pas tant de la hausse de leur popularité, mais du fait que les électeurs sont fatigués de Russie Unie, estiment les politologues, en faisant remarquer que cette fois le vote était clairement contestataire.

Par ailleurs, les spécialistes soulignent que la Douma n’a pas d’influence significative sur la politique du gouvernement, et il ne faut pas s’attendre à beaucoup de changement de la part de la nouvelle Douma. "La majorité des Russes n’ont participé aux élections que pour envoyer un signal au gouvernement et lui et montrer que quelque chose leur déplaisait", a expliqué à RIA Novosti Valeri Fedorov, directeur du Centre panrusse d’étude de l’opinion publique (VTsIOM).

La croissance ou, au contraire, la diminution des dispositions contestataires dépendra de la réaction du gouvernement à ce signal, déclarent les politologues, qui font remarquer que la campagne présidentielle pourrait avoir un impact significatif sur les dispositions de la société.

"Les électeurs sont fatigués"
En septembre encore, Russie Unie espérait connaître le succès de 2007, lorsque le parti a obtenu 64,3% des voix. La baisse considérable des résultats ne montre qu’une seule chose: les électeurs sont fatigués, estiment les experts.

"Les électeurs sont fatigués. L’immuabilité des personnes au pouvoir n’apporte jamais de bons résultats", a déclaré Alexandre Konovalov, président de l’Institut des évaluations stratégiques, en commentant les résultats des législatives.

Toutefois, le politologue est convaincu que la nouvelle Douma ne réussira pas à matérialiser ces dispositions contestataires et réagir au signal envoyé par la population. "Elle ne répondra pas à ces dispositions. La Douma est composée des mêmes partis qu’antérieurement, mais il est évident que Russie Unie devra participer à une coalition pour obtenir un résultat. Le parti seul aura du mal à adopter des lois, à résoudre les problèmes à sa manière", a fait remarquer Alexandre Konovalov à RIA Novosti.

"Les partis de l’opposition systémique qui sont revenus au parlement sont loyaux envers le Kremlin, et c’est la raison pour laquelle je ne m’attends à aucune action réelle visant à défendre les intérêts des électeurs", reconnaît Stanislav Belkovski de l’Institut de stratégie nationale.

Le politologue a rappelé le grand nombre de communiqués faisant état d'infractions, relevées aussi bien par les observateurs des partis politiques que les membres de l’association Golos (Voix), spécialisée dans la protection des droits des électeurs.

Selon Stanislav Belkovski, les communiqués sur les nombreuses infractions sapent la popularité du gouvernement aux yeux des électeurs et instillent chez eux le doute sur la légitimité des élections. "Le bilan de ces législatives est le suivant: tous les électeurs douteront sérieusement de la légitimité du scrutin de la Douma élue en suivant cette procédure", a-t-il expliqué.

L’hiver russe et la volonté des électeurs
Lors des législatives du 4 décembre la population russe a protesté contre la politique du gouvernement, estime Boris Makarenko, directeur général adjoint du Centre des technologies politiques. "L’évolution de cette protestation dépendra de la capacité du gouvernement à comprendre la leçon, déclare-t-il. Dans le cas contraire l'Hiver russe pourrait s'avérer plus violent que le Printemps arabe."

Selon lui, la chambre basse du parlement doit devenir un lieu de discussion afin d'éviter cette dérive. "C’est le seul moyen de tenir compte de la volonté des électeurs", déclare Boris Makarenko.

En soi, la nouvelle Douma ne représentera rien de foncièrement nouveau, mais en prenant en compte les dispositions contestataires des Russes lors des dernières législatives, elle sera bien plus active et ressemblera plus à une arène parlementaire, estime le politologue Nikolaï Petrov, membre du conseil scientifique du centre Carnegie de Moscou. "La question est seulement de savoir dans quelle mesure cette activité se transformera en dynamique politique, car nous voyons que la Douma ne joue pas de rôle particulier dans le système politique russe", ajoute l’expert.

La proximité de la présidentielle qui se tiendra dans environ trois mois complique la situation des autorités. Et pendant la campagne présidentielle les partis politiques et leurs candidats devraient précisément proposer aux électeurs un programme positif en mesure d’apaiser les dispositions protestataires, estime Nikolaï Petrov.

Vladimir Poutine, dont la popularité a été considérablement affaiblie par les résultats des législatives, doit également élaborer et présenter un programme, selon Nikolaï Petrov. "Je pense que vu le résultat des législatives, Poutine ne peut pas être élu sans proposer quelque chose de nouveau et sans expliquer quel est le but de son retour au poste de président", explique le politologue.

La révolte ou l’apaisement?
Les attentes non satisfaites ou la déception des électeurs à la veille de la présidentielle pourraient se transformer en véritable révolte, avertit Nikolaï Petrov.

"Une protestation sociale pourrait revêtir n’importe quelle forme à la veille de la présidentielle, ce qui est particulièrement pernicieux lorsqu’il n’y a pas de partis politiques forts capables de canaliser cette protestation sociale vers une discussion parlementaire. Une protestation sociale en l’absence de partis forts et de politiciens dignes de confiance, c’est une révolte", a-t-il conclu.

Aucune révolte n’aura lieu en Russie à court terme, même en dépit de la vague de critiques contre le parti au pouvoir et des nombreuses infractions constatées pendant les législatives, estime Valeri Fedorov.

"Je ne pense pas qu’on assistera à des manifestations de masse. L’opposition pourrait tenter de le faire, mais le peuple russe ne répond généralement pas aux appels des partis politiques. En revanche, les décisions du gouvernement qui porteraient atteinte aux intérêts d’un noyau social pourraient effectivement provoquer des actions de protestation", fait remarquer Valeri Fedorov, directeur du VTsIOM.

Il cite l’exemple des manifestations de masse contre la monétisation des avantages sociaux en 2005 (les avantages en nature (gratuité de certains médicaments et des transports en commun, réduction sur le montant du loyer et des charges) ont alors été remplacés par des compensations en espèces - ndlr) et l’action de protestation contre l’augmentation des taxes sur l’importation en Russie de véhicules étrangers.

Les décisions impopulaires dans le secteur social pourraient faire descendre les gens dans la rue, estime Valeri Fedorov. "Il est évident que dans les conditions actuelles le prix de ces décisions augmente considérablement, et c’est la raison pour laquelle le gouvernement doit être plus prudent, explique-t-il. Russie Unie conserve la majorité, mais le refus de partager certains postes clés avec l’opposition la pousserait à des actions hostiles. Il me semble que personne ne veut aujourd’hui que la situation prenne une telle tournure. Je pense que l’on constatera une tendance à la normalisation, à l’apaisement de l’atmosphère politique, et non pas à la confrontation."



L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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