Echange rituel de griefs entre Moscou et Washington

© RIA Novosti . Alexei Druzhinin / Accéder à la base multimédiaPremier ministre Vladimir Poutine
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Les deux premiers dirigeants russes ont enfin effectué une distinction nette entre activité protestataire acceptable (manifestations autorisées et organisées par les organisations russes) et activité protestataire inacceptable (manifestations illégales organisées par des ONG probablement financées par l’étranger).

Les deux premiers dirigeants russes ont enfin effectué une distinction nette entre activité protestataire acceptable (manifestations autorisées et organisées par les organisations russes) et activité protestataire inacceptable (manifestations illégales organisées par des ONG probablement financées par l’étranger).

La différence était comme toujours dans les nuances avant tout associées à l’auditoire.

Le président Dmitri Medvedev s’est entretenu avec des journalistes en République tchèque.

Et le premier ministre Vladimir Poutine s’est exprimé devant le conseil de coordination du Front populaire panrusse, qu’il a lui-même réuni hier en tant que principale locomotive de sa campagne électorale à la présidentielle de mars 2012.

Le fait que Poutine se soit distancié de Russie Unie au profit du soutien des partisans hors parti issus de la masse populaire (une enseignante, un activiste syndical, un métallurgiste honoré et un pédiatre ont été invités dans son état-major de campagne préélectorale dirigé par le réalisateur russe  Stanislav Govoroukhine) sont appelés à montrer que Poutine est soutenu par la Russie populaire à la conscience non voilée par l’influence occidentale.

Devant un tel auditoire on pouvait s’exprimer sans prendre de gants au sujet de l’étranger, et Poutine a porté trois coups puissants aux ennemis de la Russie.

Premièrement, il a accusé la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton de provoquer les manifestations en donnant par anticipation une évaluation négative des élections.

Deuxièmement, Poutine a déclaré que les manifestations étaient organisées par des personnes poursuivant des objectifs égoïstes selon un certain scénario qui englobe la violation de la loi.

Troisièmement, Poutine a accusé l’Occident de "mettre en place des organisations internes qui sont, soi-disant, nationales (russes), mais en réalité sont financées par l’étranger et dansent au son de la musique d’un Etat étranger".

A Prague, Dmitri Medvedev a été moins sévère dans ses estimations en faisant remarquer que les manifestations étaient une "manifestation de la démocratie". Cependant, après ce début libéral, Medvedev a poursuivi avec le refrain juridique traditionnel : "Toutes les manifestations doivent être organisées en respectant à la lettre la législation russe. S’il existe des paramètres précis pour organiser une manifestation, nos citoyens doivent les respecter", a souligné Medvedev.

Etant donné que la veille, dans une discussion avec le président de la Commission électorale centrale Vladimir Tchourov, le président a tenu des propos aussi fermes que Poutine en évoquant la critique par les étrangers du système de partis ("ils n'ont pas à s'ingérer dans le système politique russe"), on constate alors une coïncidence parfaite entre les positions des deux leaders.

L’Occident devait certainement s’attendre à une telle riposte. La stabilité politique en Russie est une priorité pour le gouvernement russe, et il n’est pas disposé à l’échanger même contre les meilleures relations du monde avec l’Occident. C’est la raison pour laquelle toute tentative des dirigeants occidentaux de soutenir le pluralisme en Russie provoque systématiquement une réaction agacée de Moscou, même en dépit de l'excellence des relations personnelles entre les leaders.

"Le maintien du pouvoir politique en Russie est la priorité pour Poutine et Medvedev. L’élite russe est prête à s’intégrer à l’élite occidentale, mais à condition que cette intégration ne mette pas en danger le pouvoir de l’élite russe en Russie", estime le politologue Stanislav Belkovski.

On se demande alors quel est le poids réel des propos tenus par Hillary Clinton à Bruxelles sur les législatives russes "non libres et injustes"? Après tout la secrétaire d’Etat n’a rien dit de nouveau : dans les classements américains la Russie est depuis longtemps considérée comme "partiellement libre", voire  "non libre ". Mais les variations dans ce classement n’influent pas sur les véritables relations avec Moscou.

En dépit de ces classements, l’amendement Jackson-Vanik, adopté au début des années 70, demeure en vigueur. La rigidité ne se manifeste que dans une seule chose : les dirigeants américains ne renoncent jamais à leurs paroles et ne changent pas leur rhétorique lorsqu’il est question des droits de l’homme. Et cette fois également Clinton n’a pas changé de discours : "Les droits de l’homme sont une partie intégrante de nous-mêmes. Et nous sommes préoccupés par les législatives, ce qui, selon nous, est parfaitement justifié. Nous sommes en faveur du droit du peuple russe de se développer et de créer un avenir meilleur", a dit Clinton dont les propos sont cités par l’agence RIA Novosti.

"Je pense que  dans le cas présent le discours de Clinton est rituel – elle a dit ce qu’elle devait dire dans une telle situation, fait remarquer Boris Kagarlitski, directeur de l’Institut de la mondialisation et des mouvements sociaux. Il ne faut pas y accorder trop d’importance" .

Emmanuel Wallerstein, philosophe américain, fait remarquer que l’Occident pratique une certain type de "racisme moderne" à l’égard de la Russie – la soi-disant supériorité de l’Occident n’est pas annoncée comme raciale ou culturelle, mais comme "axiologique". En disant que l’accès au monde civilisé est fermé à la Russie avec les valeurs qui y prévalent.

"Toutefois, très probablement cela changera prochainement", estime le philosophe. Et il est souhaitable qu’il ait raison sur ce point.

 

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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