L'avenir du Kirghizstan inconcevable sans l'aide de la Russie

© RIA Novosti . Alexey Druzhinin / Accéder à la base multimédiaAlmazbek Atambaïev
Almazbek Atambaïev - Sputnik Afrique
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Le lundi 19 décembre, Almazbek Atambaïev s’est rendu à Moscou. Ce président est considéré comme le plus pro-russe de tous les chefs d’Etat Kirghiz. D’autre part, aucun président (présidente) kirghiz n’a jamais été antirusse, de toute l’histoire du Kirghizstan postsoviétique.

Le lundi 19 décembre, Almazbek Atambaïev s’est rendu à Moscou. Ce président est considéré comme le plus pro-russe de tous les chefs d’Etat Kirghiz. D’autre part, aucun président (présidente) kirghiz n’a jamais été antirusse, de toute l’histoire du Kirghizstan postsoviétique.

Le fait est qu’au sein de l’élite et de la société kirghizes aucune force notable ne peut concevoir l'avenir du pays sans la coopération avec la Russie.

Certes, la politique extérieure de Bichkek, tout comme celle de ses voisins, peut être qualifiée de multivectorielle: le Kirghizstan établit des relations correctes et prometteuses avec aussi bien avec la Chine, qu’avec les Etats-Unis. Toutefois l’axe russe paraît plus stable et, dans un certain sens, plus solide.

La Russie: un partenaire stratégique et… un employeur

Les relations entre la Russie et le Kirghizstan ont résisté à l'épreuve du temps et de situations délicates.

En 1991, de toutes les républiques encore soviétiques, seul le Kirghizstan s’est prononcé contre le putsch (d’août 1991) en faveur du président légitime de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev.
La Russie, à son tour, a résolument soutenu le Kirghizstan en 1999, lors des affrontements avec des terroristes dans la province de Batken (dans le sud-ouest du pays).

En 2010 Moscou a soutenu Bichkek dans la résolution du conflit interethnique à Och, et il l’a fait d’une manière très diplomatique, sans s’impliquer directement dans le conflit ce qui aurait pu conduire à son aggravation et, éventuellement, à sa transformation en une guerre civile.

Les Russes suivent avec intérêt l’évolution de la situation au Kirghizstan dont le peuple est toujours prêt à exprimer son opinion, notamment de la manière la plus radicale et tragique: par le biais de révolutions. Tout le monde ne l’apprécie pas, mais le fait est que, malgré les difficultés, les citoyens du Kirghizstan sont les principaux acteurs du pays et exercent une influence sur la prise et la mise en œuvre de décisions relatives au système politique du pays.

La victoire d’Almazbek Atambaïev à la dernière élection présidentielle (63,2% des électeurs ont voté pour lui) résulte principalement du choix fait par la population en toute connaissance de cause, ainsi que d’un compromis au sein de l’élite gouvernante, et elle démontre, dans un certain sens, la maturité de la société kirghize qui, après deux révolutions, a conclu qu’il était temps de passer à la résolution des principaux problèmes du développement.

La victoire du président en exercice a été largement facilitée par ses relations étroites avec la Russie. Le quatrième président kirghize fait remarquer que l’une des priorités de son pays est
"le renforcement des relations étroites avec la Fédération de Russie dans l’esprit de la Déclaration d'amitié éternelle, d’alliance et de partenariat."

Ce ne sont pas des paroles en l’air: la Russie est un partenaire stratégique du Kirghizstan dans tous les secteurs.

La Fédération de Russie contribue à 25% au commerce extérieur du Kirghizstan, et les échanges commerciaux entre les deux pays ont été multipliés par 5 au cours des 5 dernières années en passant à 1,4 milliard de dollars. Moscou participe aux projets économiques clés de Bichkek, notamment à la construction de deux centrales hydrauliques de la cascade du Haut Naryn qui, selon le président kirghiz, sera un "paradis des investisseurs et des hommes d’affaires."

La présence économique russe contribue à créer des milliers d’emplois, ce qui est crucial pour le Kirghizstan dont 400-600.000 habitants (selon diverses estimations) partent travailler à l’étranger.

"Une situation sans alternative"

Le Kirghizstan est prêt à participer, avec enthousiasme, aux processus d’intégration promus par la Russie et le Kazakhstan. Certes, tout n’est pas aussi simple, et avant d’adhérer à une structure économique avec des dessous politiques non dissimulés Bichkek est bien obligé de peser toutes les conséquences de cette décision.

Mikhaïl Khalitov, membre de l’Union kirghize des entrepreneurs, fait remarquer dans ce contexte que la situation de Bichkek est "sans alternative", étant donné que le pays ne peut pas se permettre de rester en dehors des processus d’intégration. Toutefois, l’intégration, aussi attrayante soit-elle, est loin d’être un processus simple.

Néanmoins le Kirghizstan est le premier candidat à l’adhésion à l’Union économique eurasienne (CEE) créée par la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie. Et cela en dépit du fait que certains hommes politiques russes, notamment très influents, sont plutôt sceptiques envers Bichkek en tant que partenaire au sein de l’UEE.

Il fait croire que la visite du président kirghiz à Moscou contribuera à mettre fin à ce scepticisme et que Almazbek Atambaïev réussira à faire comprendre le sérieux des projets d’intégration de son pays.

La coopération militaire est un autre élément clé des relations russo-kirghizes. Elle revêt depuis longtemps un caractère stable et elle continuera à se développer. Le président kirghiz préconise la création d’une "base militaire russe unifiée" à partir de la base existante de l’armée de l’air à Kant et d’autres unités de l’armée russe. Cela renforcera l’effet de présence de la Russie et facilitera l’approvisionnement de ses unités militaires.

Tout cela correspond à la fois aux objectifs stratégiques de la Russie et à la sécurité du Kirghizstan situé à proximité de l’Asie du Sud, constamment turbulente.

Le Kirghizstan court un risque sérieux

Toutefois, la situation intérieure du Kirghizstan est loin d’être parfaite. Il s’agit pour le pays de surmonter la crise économique; ces derniers temps on assiste à un regain d’activité des radicaux islamistes et aux manifestations de tendances nationalistes particulièrement dangereuses pour la société kirghize, pluriethnique et multiconfessionnelle. On n’a pas encore oublié la tragédie sanglante d’Och (affrontements ethniques de 2010).

Néanmoins, Bichkek tente une expérience courageuse et unique pour l’Asie centrale, à savoir la création d’un système politique parlementaire. Certains hommes politiques, notamment à Moscou, considéraient cet effort comme vain et prédisait d’entrée de jeu l’échec de la démocratie parlementaire au Kirghizstan en brandissant la menace de conséquences catastrophiques éventuelles.

L’édification d’un tel système est en effet ardue, d’autant plus que certains voisins autoritaires du Kirghizstan considèrent le fait même de la création d’un modèle parlementaire à leurs frontières comme un défi à leurs régimes, et ils ne seraient certainement pas déçus de voir l’échec de l’expérience kirghize.

Toutefois, en dépit des prévisions pessimistes, le Kirghizstan fait les premiers pas dans la voie de la création d’un système politique démocratique, inhabituel, voire étranger à l’espace postsoviétique.

Certes, les Kirghizes courent un risque. Mais en l’occurrence, ce risque est noble.



L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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