Le problème nucléaire iranien: trois versions des faits

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Pour la première fois depuis la publication en novembre 2011 du rapport de l’Agence international de l’énergie atomique (AIEA) sur le programme nucléaire iranien, Téhéran a admis mardi dernier deux inspecteurs de l’agence sur son territoire.

Pour la première fois depuis la publication en novembre 2011 du rapport de l’Agence international de l’énergie atomique (AIEA) sur le programme nucléaire iranien, Téhéran a admis mardi dernier deux inspecteurs de l’agence sur son territoire. L’évolution de la situation est difficile à prévoir. A noter, que dans le monde le programme nucléaire de l’Iran est évalué de deux manières opposées. Après avoir examiné les deux versions, nous nous pencherons également sur la situation réelle dans l’Iran d’aujourd’hui.

Les partisans de mesures draconiennes

Les partisans de la première opinion sont particulièrement nombreux en Occident et en Israël.

Ils estiment que le gouvernement iranien a déjà pris la décision de créer l’arme nucléaire. Ainsi, ils préconisent l’adoption de sanctions sévères (on les qualifie de "paralysantes") contre Téhéran prévoyant un embargo sur l’importation du pétrole iranien (les exportations de gaz naturel par l’Iran sont très limitées) et l’interruption de toutes les transactions financières, avant tout avec la Banque centrale de la République islamique. Par la suite, si le gouvernement iranien ne renonce pas à son programme nucléaire à vocation militaire, on n’exclut pas des frappes aériennes et de missiles contre les sites nucléaires de la république islamique. Israël est l’acteur le plus probable de la réalisation de ce scénario ce qui pourrait provoquer une guerre régionale lourdes de conséquences incalculables.

Tous les Etats ne sont pas prêts à entériner les sanctions drastiques envisagées contre l’Iran. Notamment l’Inde, le Japon et la Corée du Sud ne sont pas en état de renoncer au pétrole iranien. C’est également le cas de la Grèce, ce qui empêche, de fait, l'application de sanctions par l'ensemble de l’Union européenne. La volonté d’Israël de pilonner les sites nucléaires iraniens suscite un rejet encore plus important. Même Washington ne souscrit pas à ce plan.

Ceux qui prônent la coopération et le dialogue

Les partisans de l’opinion opposée, suffisamment répandue en Russie, estiment que le gouvernement iranien ne se prépare pas à créer l’arme nucléaire. Ils sont toutefois préoccupés par le fait que l’Iran s’est doté du cycle fermé du combustible nucléaire qui comprend non seulement l’enrichissement d’uranium mais également la récupération du plutonium à partir du combustible nucléaire usagé. La création de ce cycle pour le seul réacteur de Bouchehr, que la Russie est prête à alimenter en combustible pendant toute la durée de sa vie, n’a aucun intérêt économique. En ce qui concerne la construction d’autres centrales nucléaires, notamment du réacteur à eau légère de 360 MW à Darkhovin, dans le Sud-ouest du pays (province du Khouzistan), ces travaux sont davantage simulés qu’effectués réellement.

Les réacteurs de recherche, quant à eux, ne consomment pas de grandes quantités de combustible nucléaire. Ainsi, le réacteur de 5 MW installé dans le Centre de recherches nucléaires de Téhéran n’a consommé en 20 ans que 100 kg de combustible contenant de l’uranium-235 enrichi à 20%.

Le danger du cycle fermé du combustible nucléaire c'est qu'il peut constituer le préalable scientifique et technique à la création de l’arme nucléaire basée aussi bien sur l’uranium que le plutonium. Ensuite, si la communauté mondiale ne réagit pas, la création de l’arme nucléaire par l’Iran ne dépendra que de sa propre volonté politique.

La faisabilité de ce scénario a été démontrée par la Corée du Nord qui a dénoncé le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et a réalisé en octobre 2006 et en mai 2009 des essais nucléaires.

Selon la majorité des experts russes, il est crucial de maintenir la coopération de l’Iran avec l’AIEA. Seule la poursuite de ce dialogue pourrait garantir tant bien que mal la vocation pacifique du programme nucléaire iranien. Apparemment, Téhéran en est conscient et c’est la raison pour laquelle il a accepté l’examen de ses sites nucléaires par les inspecteurs de l’AIEA. Dans le même temps, le niveau de coopération technique entre l’agence et la république islamique baisse progressivement. L’abandon de la plupart des 55 projets conjoints en est la preuve.

L’opinion de Téhéran

La République islamique d’Iran ne remet aucunement en question la poursuite de son programme nucléaire devenu un motif de fierté nationale. Il est considéré comme une étape naturelle de l’accès du pays aux nouvelles technologies. De ce fait, toute tentative des Etats-Unis et de leurs alliés visant à limiter le développement des programmes à l’uranium ou au plutonium est perçue par les Iraniens comme une démarche hostile.

C’est la raison pour laquelle les principales forces politiques du pays, à savoir les conservateurs et les néoconservateurs (l’opposition actuelle ne bénéficie en Iran que du soutien de 15% des électeurs), ne peuvent faire aucune concession en la matière à la veille des législatives de mars 2012 de peur de se voir taxés de traîtres à la nation. Cette situation restera sans changement jusqu’à l’élection présidentielle de 2013.

Au grand étonnement de l’Occident, les nombreuses sanctions frappant l’Iran n’impactent pratiquement pas les grandes entreprises iraniennes qui les contournent assez facilement avec l’aide de l’Etat.

Au lieu de cela les sanctions frappent les PME exportatrices sans le moindre rapport avec le Corps des gardiens de la révolution islamique et le programme nucléaire ou celui de développement de missiles. Cette situation se répercute sur la population locale qui rejette la responsabilité de la dégradation de sa situation matérielle principalement sur les Etats-Unis et leurs alliés, le Royaume-Uni et Israël, ce qui sape les positions de l’opposition à l’intérieur du pays.

La résolution du problème par la force est-elle possible?

L’attitude des Iraniens envers la résolution du problème nucléaire de leur pays par la force mérite un examen à part. Selon les habitants de la république islamique, ce cas de figure est inenvisageable étant donné le potentiel militaire considérable de leur pays et les relations étroites de Téhéran avec le Hezbollah libanais et les mouvements palestiniens Hamas et Djihad islamique.

Dans leurs estimations, les Iraniens ne tiennent pourtant pas compte de l'affaiblissement significatif de la Syrie, principal allié de l’Iran au Moyen-Orient, désertée déjà par de nombreux membres du Hamas. Autre élément: l'emprise croissante de l’Arabie Saoudite et du Qatar sur les Palestiniens, le refus de fait du gouvernement militaire de l’Egypte de rétablir les relations diplomatiques avec l’Iran et beaucoup d’autres raisons qui restreignent considérablement les ambitions régionales du gouvernement iranien.

Certains succès de l’Iran en matière de développement des forces armées nationales, notamment dans le secteur de la construction de missiles, ont poussé l’Iran à surestimer ses moyens militaires.

En fait, l’armée iranienne n’est même pas prête à affronter Israël étant donné son immense supériorité technique. Dans ces conditions, l’Iran n’a pas intérêt à aggraver outre mesure ses relations avec Israël et surtout Washington.

Dans le même temps, une éventuelle confrontation militaire ne fait pas peur aux Iraniens.

Etant majoritairement chiites, ils vivent depuis des siècles dans un entourage hostile et sont prêts à affronter n'importe quelle tournure des événements. Il est impossible de les intimider et ils sont difficilement corruptibles. Ainsi, il faudrait trouver un arrangement avec les Iraniens. Certes, la tâche est ardue mais c’est la seule façon de résoudre le problème nucléaire iranien.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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