L’euro a 10 ans: un anniversaire entaché de morosité

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Le 1er janvier, la monnaie européenne unique fête le 10ème anniversaire de l'introduction des billets et des pièces en euros.

Le 1er janvier, la monnaie européenne unique fête le 10ème anniversaire de l'introduction des billets et des pièces en euros. Et si ce n’est pas vraiment une fête morose, les participants aux réjouissances sont néanmoins préoccupés: la zone euro ne traverse certainement pas sa meilleure période. La crise de la dette qui a frappé la Grèce, le Portugal, l’Italie et l’Espagne risque de dégénérer en une catastrophe financière majeure et être à l’origine d’une nouvelle récession. Selon la majorité des experts, la monnaie européenne surmontera ces difficultés et la zone euro survivra à la crise, quoique pas forcément au grand complet. Toutefois, certains experts estiment que l’idée de la monnaie unique n’a pas fait la preuve de son efficacité.

L’euro a été présenté en tant que nouvel instrument de transactions en 1999, et le 1er janvier 2002 a été marqué par la mise en circulation de pièces et de billets de banques libellés en euros qui ont succédé à l’ECU (Unité de compte européenne ou European Currency Unit), précurseur en quelque sorte de la monnaie unique. A ce jour, l’euro est la monnaie nationale de 17 des 27 pays de l’Union européenne.

L’euro d’hier
L’euro fête son 10ème anniversaire dans des conditions difficiles. La zone euro traverse une crise de la dette qui risque de dégénérer en crise économique et financière. Et les experts rompent leurs lances en discutant de l’efficacité de la décision relative à la mise en circulation de la monnaie européenne unique.

"Nous avons examiné à titre préalable le rythme de croissance du PIB et de la production industrielle avant et après l’adoption de l’euro, et nous n’avons relevé aucune augmentation ou diminution notable de taux, déclare Igor Nikolaïev, directeur du département d’analyses stratégiques de la société FBK. Alors force m’est de constater que la création de la zone euro n’a eu aucun effet positif tangible sur le rythme de croissance des taux macroéconomiques."

Selon d’autres experts, l’euro a été la locomotive de développement du commerce européen et mondial, il a permis aux investisseurs et aux Etats de diversifier leurs réserves, etc. "L’euro est devenu un catalyseur puissant de développement du commerce au sein de l’Union européenne et un instrument important de développement du commerce entre les pays de l’UE et le reste du monde. C’est une monnaie de réserve qui pendant une période assez longue a fortement concurrencé le dollar", c’est ainsi que Sergueï Afontsev de l’Institut de l’économie mondiale énumère les succès de l’euro.

Tout en contribuant à l’intégration européenne et en facilitant le commerce et les flux de capitaux, l’euro a assené un coup fatal aux économies des Etats périphériques de l’Union européenne.

"L’intégration [européenne] a augmenté l’écart entre les membres de la zone euro, déclare Iouri Danilov, directeur du Centre de développement du marché boursier. L’Allemagne a acquis des débouchés supplémentaires mais cela a porté le coup de grâce aux économies des Etats périphériques." Boris Kagarlitski, directeur de l’Institut de la mondialisation et des mouvements sociaux, estime que la création de la zone euro a non seulement contribué à la désindustrialisation des Etats périphériques de l’Union européenne mais largement empêché les économies en difficulté de surmonter la crise. "Des zones industrielles moins efficaces ont non seulement démontré leur faible compétitivité mais elles se sont même avérées incapables de se restructurer en vue d’une future concurrence, explique M. Kagarlitski. Le fait est que la monnaie nationale, un système monétaire indépendant et une gestion souple des processus budgétaires sont la condition sine qua non de la restructuration et de l'augmentation de la compétitivité."

L’euro d’aujourd’hui
Beaucoup d’experts souscrivent aux conclusions de Boris Kagarlitski, toutefois tout le monde n’est pas de son avis. Sergueï Afontsev est persuadé que la création d’une monnaie unique a, au contraire, contribué à la résolution des problèmes persistants des pays du Sud, notamment de l'inflation élevée en Grèce et en Italie. Quant aux difficultés apparues, Sergueï Afontsev les attribue à des erreurs de calcul de certains gouvernements et non pas aux processus d’intégration.

"L'abus des meilleurs remèdes est nocif. Ainsi, en abusant de crédits à faible taux d’intérêts, on risque de s’endetter jusqu’au cou, et c’est ce qui s’est passé", déclare Sergueï Afontsev.

Quoi qu’il en soit, la zone euro traverse une crise qui est loin d’être surmontée. Toutefois, beaucoup d’économistes estiment que l’euro se défend plutôt bien.

"En dix ans d’existence de l’euro sous la forme de billets et de pièces, nous n’avons assisté qu’à une seule crise importante de cette monnaie, rappelle Iouri Danilov. L’histoire des autres monnaies montre que les dix premières années de leur existence ont été marquées par des troubles plus graves et que certaines monnaies ont même succombé."

"En analysant le cours de l’euro, on se rend compte qu’il n’a baissé que de quelques 2% depuis l’éclatement de la crise au début d’année [2011]. C’est très loin des prévisions apocalyptiques que l’on entend", affirme à son tour Sergueï Afontsev.

L’euro a-t-il un lendemain?
La stabilité du cours de l’euro n’empêche pas les experts de remettre en question le maintien d’un espace monétaire commun. Au cours de leurs nombreuses rencontres en automne dernier, les chefs d’Etat des pays membres de l’union monétaire ont confirmé leur volonté de conserver la zone euro et de renforcer l’intégration en son sein. Toutefois, il n’y a pas de certitude absolue qu’ils y parviendront.

Peu nombreux sont ceux qui croient en l’effondrement de la zone euro. "Dans le pire des cas, cinq ou six pays de l’Europe du Sud feront sécession. L’Italie ne sera probablement pas du nombre", estime Vladislav Inozemtsev, directeur du Centre d’études de la société postindustrielle.

Selon Iouri Danilov, l’effondrement de la zone euro ne se produira que si près de deux tiers de ses membres la quittent ou si elle est désertée par l’une de ses locomotives, la France ou l’Allemagne, qui se voient lestées de pays en difficulté. Une éventuelle sortie de l’Allemagne de la zone euro est discutée mais la majorité des experts estiment que ce ne sont que des paroles en l’air.

Quant aux pays en difficulté, les perspectives de leur expulsion de la zone euro paraissent controversées aux yeux des experts. D’une part, la réintroduction des monnaies nationales suivie de leur dévaluation pourrait donner un coup de pouce au rétablissement de l’industrie et au développement des secteurs axés sur les exportations. Toutefois Vladislav Inozemtsev fait remarquer que la dépréciation des monnaies nationales contribuerait à l’aggravation des problèmes budgétaires des pays en question, ce qui provoquerait leur déstabilisation et, à terme, une récession économique importante.

"Si la zone euro s’effondrait, nous assisterions à une dévaluation brusque des monnaies nationales des pays [de l’Europe] du Sud qui ne produisent pratiquement rien aujourd’hui, mais dans le même temps le cours des monnaies des pays du Nord augmenterait tout aussi brusquement", déclare Vladislav Inozemtsev. Or, un renforcement trop brusque des monnaies impacterait la compétitivité et le rythme de croissance des économies des locomotives actuelles de la zone euro.

Enfin, le principal argument en faveur du maintien d’un espace monétaire commun est l’impossibilité de divorcer en douceur.

"Aujourd’hui il est impossible d’abandonner l’euro car les pertes transactionnelles liées à la sortie de ce système sont élevées au point d’être inacceptables. Les pays européens ne pourront pas démêler facilement les liens noués au cours des 15 dernières années et libellés en euros, insiste Iouri Danilov. La conversion de ces relations en monnaies nationales nécessiterait trop de temps et d’argent. Or, cet argent n’est tout simplement pas disponible."



L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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