Abaissement des notes des pays de la zone euro: l'arbitraire des USA

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L’Europe s’est réveillée samedi financièrement et politiquement gravement malade. La plus grande agence de notation Standard & Poor’s a abaissé les notes de crédit souveraines de 9 des 17 pays de la zone euro. Et c'est arrivé un vendredi 13… Etrange coïncidence.

L’Europe s’est réveillée samedi financièrement et politiquement gravement malade.
La plus grande agence de notation Standard & Poor’s a abaissé les notes de crédit souveraines de 9 des 17 pays de la zone euro. Et c'est arrivé un vendredi 13… Etrange coïncidence.

On ne peut pas dire que c’était totalement inattendu. Au début du mois de décembre dernier la S&P avait déjà annoncé que la zone euro était "en révision" avec une perspective négative. L’agence avait promis de revoir les notes de crédit de la majorité des utilisateurs de la monnaie européenne commune. Tout paraissait aller plutôt bien jusqu’à ce fameux vendredi 13…

Mais les fêtes de fin d’année ont détendu le Vieux Continent et ont créé l’impression que la crise était restée dans l’année précédente et ne serait pas présente dans la nouvelle année. Du moins, sous sa forme la plus terrible. Mais la crise demeure en 2012. Et après la "surprise" de la S&P de vendredi l’avenir de l’euro paraît aujourd’hui bien plus sombre qu’hier.

Mais l’avenir des hommes politiques européens paraît bien plus sombre encore. Et avant tout celui du président français Nicolas Sarkozy. Car les notes de crédit ont été changées pour des raisons plus politiques que financières. La S&P ne l’a pas particulièrement caché. En expliquant pourquoi autant de pays n’avaient pas réussi à passer la "visite médicale", l’agence a ouvertement déclaré que l’abaissement des notes de crédit était principalement provoqué par les mesures politiques insuffisantes des dirigeants de l’UE pour remédier aux "stress systémiques". Il s’agit des problèmes budgétaires et de dette de la Grèce, de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, et de l’instabilité de l’euro. Problèmes que l’UE ne parvient pas à régler depuis pratiquement deux ans.

Rappelons que la France, deuxième économie de l’UE, a perdu la note de crédit maximale AAA, qui a été abaissée à AA+, et placée sous "perspective négative". Autrement dit, la suite pourrait être pire. Les notes de crédit de l’Autriche, de Malte, de la Slovaquie et de la Slovénie ont été abaissées d’un cran. Et l’Italie, l’Espagne, le Portugal et Chypre en ont perdu deux. D’ailleurs les deux derniers se retrouvent dans la catégorie des investissements spéculatifs. La note de l’Irlande BBB a été maintenue (on peut prêter mais avec beaucoup de prudence), mais sous prévision négative. Les autres pays ont conservé leur note de crédit.

Parmi les 17 pays de la zone euro, l’Allemagne, la Finlande, le Luxembourg et les Pays-Bas ont été épargnés et ont conservé leur triple A. Berlin a même obtenu une prévision stable.

Il faut dire que le président français a lutté jusqu’au bout pour empêcher les agences de "descendre" la France. Des consultations à divers niveaux se sont tenues avec S&P, Fitch et Moody’s. Mais rien à faire.

Pour la France, d’un point de vue purement financier, l’abaissement de sa note de crédit n’est pas aussi important et effrayant, bien que cela ne soit pas réjouissant. Mais ce n’est tout de même pas une catastrophe monétaire, même s'il est clair que le gouvernement devra se serrer un peu la ceinture en raison de la hausse inévitable des prêts. Mais pour l’instant il n’y a rien d’insurmontable pour la France. Elle dispose de suffisamment de ressources. Dans le cas présent le préjudice est plutôt psychologique et politique.


Merkozy moins Sarkozy

Sous tous les angles, c’est une catastrophe politique pour Nicolas Sarkozy. Désormais, Sarkozy est quasiment certain de perdre la présidentielle en avril-mai.

L’une des candidates à la présidentielle, la frontiste Marine Le Pen (on lui prédit 15-20% des voix et même la possibilité d’aller au second tour en mai) s’est déjà exprimée à ce sujet, en disant que Sarkozy ne pourra plus mentir aux Français et se faire passer pour un défenseur de la prospérité française.

Mais il y a encore pire : dans le tandem économique européen dirigeant, seule l’Allemagne s’en sort indemne.

Désormais, dans le couple Merkozy, baptisé ainsi par les journalistes pour la fréquence de leurs réunions et une tendance de résoudre tous les problèmes dans la zone euro et en Union européenne à huit clos, il faudra enlever la partie "kozy". La chancelière sera en mesure de dicter à Paris toute condition de règlement de la crise financière européenne. Alors que la France n'est que partiellement atteinte, il s’avère que l’Allemagne ne l’est aucunement.

Mais ce n’est qu’une partie des conséquences du vendredi 13 janvier. L’Allemagne a peut-être eu la chance de conserver sa note de crédit. Mais cette chance ne devrait pas durer.

Une seconde vague de récession se déplace depuis l’année dernière vers la zone euro et, selon les experts européens, elle sera plus destructrice que prévu. L’augmentation du coût des emprunts sera générale, ce qui provoquera la hausse des prix, la diminution des dépenses de consommation et la réduction de la production. Une chaîne logique de lois économiques.

Et cela est susceptible de nuire considérablement à l’économie allemande orientée vers l’exportation. L’Europe achètera moins de produits allemands. Tout le monde devra consentir des sacrifices.

Et les mesures de réduction significative des dépenses budgétaires (à travers toute l’Europe), les ralentissements et les chutes de la croissance économique et parallèlement la hausse inévitable des emprunts laissent supposer pour 2012 de nouveaux désagréments en termes de notation. D’autres dégradations suivront.

Aujourd’hui, en ce qui concerne le défaut de paiement de la Grèce, la question n’est plus de savoir s'il se produira, mais quand il aura lieu. Après tout, l’abaissement des notes de crédit de certains pays de la zone euro concerne l’état du système financier général de l’UE. Désormais, l’investissement et le maintien du mécanisme de stabilité financière (les caisses d’entraide pour les pays au bord de la faillite de la zone euro) coûtera plus cher. Par conséquent, les exigences envers les pays en infraction, tels que la Grèce, seront plus sévères, bien qu’à l’heure actuelle on ait du mal à imaginer quelles autres mesures économiques draconiennes Athènes pourrait prendre afin de réduire les dépenses publiques. A part, peut-être, annoncer la dissolution forcée du gouvernement et de tous ses ministères.

Le trio arbitraire

La décision de la S&P en Europe n’a évidemment plu à personne. Cela ressemble très fortement à une politique avec une préférence anglo-saxonne clairement prononcée. Le trio des agences de notation mentionné précédemment soit appartient entièrement aux sociétés américaines, soit, comme Fitch, est contrôlé par les capitaux liés aux Etats-Unis. L’objectif des manipulations des notes de crédit consiste à pousser les gouvernements européens à payer les dettes des pays de plus en plus en difficulté de la zone euro. Cela aiderait beaucoup de banques détenant des obligations européennes. Et la guérison de l’euro aiderait l’économie américaine à accroître ses exportations vers l’UE.

Autrement dit, la crise financière mondiale actuelle a commencé aux Etats-Unis par leur faute, mais ils forcent l’Europe à payer pour eux. Ce n’est pas un geste très noble. Sur le Vieux Continent on en parle très ouvertement. Après la dernière décision de la S&P, Michael Fuchs, vice-président de la coalition CDU-CSU (coalition dirigeante d’Angela Merkel) a ouvertement déclaré : "C’est un calcul d’ordre politique. Pourquoi la S&P n’agit pas de la même manière avec les Etats-Unis ou le Royaume-Uni particulièrement endettés? Si l’agence réduit la note de crédit de la France, il faut également en toute cohérence réduire celle de la Grande-Bretagne".

Christian Noyer, président de la Banque de France, s’est exprimé de manière similaire en déclarant qu’il ne comprenait pas cette démarche, car le déficit du Royaume-Uni est plus élevé, Londres a autant de dettes, son inflation est plus forte et la croissance économique est plus basse qu’en France. C’est une attitude d’écolier : "si j’ai une mauvaise note, pourquoi vous ne mettez pas un 0/20 à mon voisin, car son travail est pire que le mien". Mais c’est loin d’être faux. Ainsi, les Européens auront encore à tirer la situation au clair avec les agences de notation. Mais avant cela il leur faudra régler leurs propres problèmes financiers.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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